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vendredi 10 août 2001

Philippe Breton, zonard du non-droit

par ARNO*
 

Décidément, Libération semble officiellement devenu l’organe complaisant des excités qui ont choisi la lutte contre les pédo-nazis comme positionnement marketing.

Ce vendredi 3 août, c’est Philippe Breton, désormais retapissé « Président d’honneur de J’accuse » (une association dont on vous a déjà proposé le portrait), qui se fend d’un « Rebonds » navrant, intitulé « Internet, une zone de non-droit ».

Après le « Rebonds » de Marc Knobel (fondateur de la même association), ce sont les mêmes arguments manichéens et simplistes, et les mêmes manipulations rhétoriques qui reviennent. Il est vivement conseillé de comparer les deux textes : au comique troupier de la lourdeur et des exagérations s’ajoute alors le charme du comique de répétition.

Exposé des faits

L’exposé des faits, tel que pratiqué par Philippe Breton, est particulièrement approximatif. Le flou artistique règne, permettant tous les rapprochements et toutes les simplifications.

Rappelons-le, l’association moraliste a poursuivi en référé les principaux fournisseurs d’accès à l’internet, ainsi que l’AFA, l’association des fournisseurs d’accès qui défend leurs intérêts. Il leur est reproché de ne pas avoir interdit l’accès, de leur propre chef, au site Front 14, portail qui propose l’hébergement gratuit aux sites racistes (c’est le critère retenu par Front 14 pour accepter des sites : « Front 14, Le meilleur de la haine en ligne - Seul Front 14 offre l’hébergement et l’email gratuit exclusivement aux racistes », proclame la page d’accueil).

Malheureusement, le « Rebonds » est très approximatif sur ces éléments.

- La cible : les fournisseurs d’accès et l’AFA

- Mensonge par omission : notre président sociologue ne s’aventure pas à rappeler qu’à aucun moment J’accuse n’a porté plainte contre le service Front 14. C’est pourtant bien l’enjeu de l’affaire. Tout se joue autour de cette question : comment reprocher à des intermédiaires techniques d’être responsables de l’accès à un site contre lequel il n’existe aucune décision de justice, mais surtout qui n’est même pas inquiété ? Si les fournisseurs sont complices d’un délit, il faudrait au minimum s’inquiéter de l’existence de ce délit (donc en poursuivant son auteur principal).

- Qu’est-ce qu’un fournisseur d’accès ? C’est simple : c’est le service qui vous raccorde au réseau ; soit via le téléphone, soit via le câble ou l’ADSL... Ces services vous permettent, ni plus ni moins, de connecter votre ordinateur au réseau. En aucun cas il ne faut les confondre avec les hébergeurs (ou fournisseurs d’hébergement, qui offrent les machines sur lesquelles on installe les sites).

Mais notre scientifique rebondissant aime le flou. Il explique qu’« il leur est reproché de diffuser auprès des internautes français plusieurs centaines de sites néo-nazis... ». « Diffuser » signale une action volontaire de celui qui diffuse ; elle induit auprès du grand public l’idée que ces fournisseurs sont à l’origine des sites ; « permettre l’accès à des sites », indiquant une passivité d’une nature fort différente, aurait semblé plus juste.

De la même façon, il explique que « les principaux fournisseurs d’accès mettent à la disposition des internautes [ce portail de sites néo-nazis] ». « Mettre à la disposition », encore une action volontaire ; d’ailleurs le fait que cela concerne « les principaux fournisseurs » accentue cette idée d’un choix délibéré de leur part.

Il dérape un peu plus lorsqu’il désigne « certains sites français abrités par ces fournisseurs d’accès » : alors quoi, les fournisseurs d’accès assignés sont en réalité poursuivis en tant qu’hébergeurs de Front 14 ?

Voilà donc ceux qui vous raccordent au tuyau présentés dans un rôle très actif dans cette affaire. La rhétorique permet d’induire un amalgame supplémentaire : « De nombreux acteurs économiques semblent, de plus, vouloir utiliser Internet comme terrain d’expérimentation d’un marché très peu encadré. », clin d’oeil évident à l’affaire Yahoo, où il était explicitement reproché à Yahoo de s’enrichir sur la vente de Zyklon B ; manière sournoise de suggérer (mais sans l’expliciter directement) que les fournisseurs d’accès gagnent volontairement leur vie sur l’exploitation du néo-nazisme.

Au passage, il devient intenable d’expliquer que les professionnels de l’internet tirent profit de l’existence des néo-nazis en ligne alors que, par ailleurs, on n’arrête pas de nous bassiner sur le fait que c’est un frein énorme au développement du réseau, les familles craignant de tomber sur n’importe quoi...

- On fout la paix aux vrais nazis

Nulle part on ne trouve dans cet article le rappel du fait central de l’affaire : J’accuse n’a pas trouvé utile de poursuivre les véritables auteurs des sites en question. Les véritables néo-nazis, à la propagande si inquiétante, sont donc totalement tranquilles ; les auteurs des sites que notre vertueux éditorialiste aime énumérer (parce que ça frappe l’opinion), y compris des auteurs français (Jeune Nation, Maréchal Pétain), voire parfaitement identifiés (le GUD), nos amis de J’accuse ne voient pas l’intérêt de les poursuivre.

Une association de lutte contre le racisme qui n’inquiète pas les racistes se permet donc de poursuivre des fournisseurs d’accès au motif qu’ils n’ont pas eux-mêmes assez lutté contre les sites racistes.

- L’ordonnance a disparu

Le Rebonds oublie, d’une manière étonnante, de rappeler que l’affaire a déjà reçu une première ordonnance. Ordonnance que nous reproduisons sur uZine, et publiée totalement tronquée sur le site de J’accuse.

Rappelons en particulier que cette ordonnance sauvait in extremis la mise de J’accuse en permettant de poursuivre une affaire qu’elle avait fort mal engagée, et que cette ordonnance en particulier rappelait l’argumentation très juridique que les fournisseurs avaient opposé à l’association.

C’est simple, je vais vous expliquer

Après l’exposé très vague des faits, le second paragraphe démarre par une très belle figure de style : « En apparence, l’affaire est simple. »

Simple parce que le racisme, c’est interdit par la loi, point. Immédiatement, P. Breton s’emploie à expliquer que « dans la réalité », ça n’est peut-être pas si simple. Mais il choisit très judicieusement les deux obstacles sur la voie de la simplicité :

- la « dimension ultralibérale » de l’internet, ses « immenses enjeux économiques ». Au passage, il dénonce « dans un climat de haute sensibilité boursière, [...] la spéculation dans ce domaine » : et nous voilà, partant des pédo-nazis, à dénoncer la spéculation boursière, les Danone, Michelin et consors...

- les « espoirs libertaires que certains mettent dans l’internet, nouvelle utopie communautaire », « des militants d’un nouveau genre défendent l’idée selon laquelle internet devrait être une zone de non-droit ». Revoilà les attardés mentaux de pseudo-libertaires utopistes imaginaires. Dans le rayon crétins, ceux-là sont assez mignons, puisqu’ils croient qu’« une nouvelle démocratie égalitaire et directe s’en suivrait naturellement ».

La figure de style (remarquable, faut avouer) est claire : « en apparence », c’est simple, et les obstacles que la réalité oppose à cette simplicité seront immédiatement rejetés par la vox populi qui déteste ces affreux libéraux-libertaires de l’internet.

Conclusion : l’affaire est simple.

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La zone de non-droit

Dès son titre, Philippe Breton nous refait le coup de la « zone de non-droit ». « Internet a pu être présenté ces dernières années comme un "deuxième monde" virtuel où les lois du monde matériel ne s’appliqueraient pas », « la loi française [...] ne s’applique pas au cas "spécial" d’internet », « internet est un média comme un autre, soumis aux mêmes libertés et aux mêmes régulations »...

Mais qui, en France, soutiendrait l’absence totale de lois sur le réseau ? Toujours cette « clique de pseudo-libertaires », si pratique, au statut désormais mythique ? Il faudra bien un jour nous les présenter, ces doux-dingues. Pour le plaisir de fouiller dans de (très) vieilles archives, on a retrouvé un message de Chistian Huitema datant de 1994 (comme quoi le mythe du non-droit a la vie dure) : « Je voulais simplement insister sur un point très precis : l’internet en général
et Usenet en particulier ne sont pas des espaces extra-terrestres où les lois
ne s’appliqueraient pas. La liberté d’opinion va de pair avec le sens des
responsabilités.
 »

Accessoirement, on pourra relire un vieux texte datant de l’affaire Altern, au sujet du « vide juridique ».

Les arguments de mes interlocuteurs

Comme toujours dans pareil cas, à l’instar par exemple de Marc Knobel, le scientifique pointilleux s’invente des interlocuteurs imaginaires. Ce qui lui permet de poser les questions qu’il a lui-même inventées, et d’y répondre. Dans l’optique d’une rigoureuse approche sociologique, c ’est toujours plus pratique...

Dès le départ, la façon de présenter la discussion est biaisée : « Dans le débat qui ne manquera pas d’avoir lieu ces jours prochains, on trouvera sans doute plusieurs arguments en faveur de la diffusion de ces idées. » Or, justement, le débat ne porte pas là-dessus : tous ceux qui se sont déjà exprimés sur ces questions, et qui ont critiqué les actions précédentes de nos amis désormais réunis dans J’accuse, luttent de leur côté contre la diffusion de ces idées. Simplement c’est le mode opératoire choisi qui est critiqué. Le paragraphe se poursuit par un jeu stylistique tordu : bien sûr « aucun de ces arguments ne sera sans doute fondé sur une quelconque sympathie pour les idées néo-nazies » (notez le « sans doute » fort sournois), mais « ils tenteront tous de convaincre de la légitimité de la présence de ces idées » ; le choix de la « légitimité » induit une nouvelle fois un glissement de part son double sens : « légimite » parce que non contraire à la loi, ou « légitime » au sens de juste, fondé ?

Voyons donc les arguments de ces interlocuteurs hypothétiques...

- Impossibilité technique

« On dira que "techniquement" il n’est pas possible de filtrer ce genre de sites. » La preuve, il rappelle les conclusions des experts du procès Yahoo. Or il ne s’agissait pas du tout de la même question : il était demandé à Yahoo de couper l’accès à la source, sur ses propres machines, pour les internautes que Yahoo identifiait comme français. Et les conclusions des experts n’avaient pas été aussi tranchées que bouncing Breton veut bien le dire. De plus, il balaie les réticences de Vinton Cerf (« des experts américains pourtant hostiles par ailleurs à toute régulation du réseau ») ; or c’était l’un des points de discussion politique (et non technique) centraux : fallait-il qu’un pays accepte de censurer ses propres contenus à le demande d’un pays tiers. On ne peut d’ailleurs pas réfuter les arguments techniques (par un très touchant : « ce que la technique fait, la technique peut toujours le défaire ») tout en balayant ainsi les réticences politiques de Vinton Cerf.

Ici, c’est le problème totalement inverse : c’est du côté du client (et non plus du serveur) qu’il faut couper. Et, autant le dire, c’est techniquement beaucoup plus facile (même si celui qui voudra accéder à ces services y arrivera toujours). Du coup, cet argument de la difficulté technique, soulevé lors de l’affaire Yahoo, n’est même pas ici utilisé par les fournisseurs poursuivis. Ils évoquent des problèmes juridiques, mais à aucun moment une quelconque difficulté technique.

- Irresponsabilité des fournisseurs

« On dira que les fournisseurs d’accès, sorte de "postiers" électroniques, ne peuvent être tenus pour responsables des contenus qu’ils diffusent. » Et bien entendu, P. Breton nous explique (tout cela est tellement simple !), qu’en réalité ils sont responsables.

Pour l’heure, il n’existe pas de loi traitant spécifiquement des responsabilités des fournisseurs d’accès. Il existe différentes réflexions, notamment d’instances gouvernementales, allant toutes dans le sens d’une absence de responsabilité éditoriale sur les contenus circulant dans les tuyaux.

Le seul texte existant actuellement concerne les hébergeurs (amendements Bloche). On peut logiquement considérer que les fournisseurs d’accès sont encore moins « complices » du contenu éditorial que les hébergeurs, puisqu’ils sont encore plus « éloignés » du délit originel (la publication d’un texte illicite). Or ce texte explique que l’hébergeur ne peut être tenu responsable d’un texte, et que sa responsabilité ne peut être engagée que s’il refuse de se conformer à l’ordonnance d’un juge (il y a aussi une obligation d’identification des auteurs très critiquée). Il semblerait pour le moins illogique que la loi exonère ainsi les hébergeurs, mais qu’on veuille ensuite charger sur la responsabilité des fournisseurs d’accès. On aurait une sorte de « trou » dans la chaîne des responsabilités juridiques...

- Les fachos, on s’en fout

« On tentera aussi de dire que tout cela n’est pas très grave, que ces idées existent de toute façon, et que leur influence est minime. » Puis le long passage, habituel, avec tout le pathos qui va bien.

Il faudra, encore une fois, nous les trouver, ceux qui trouvent que ces idées « ne sont pas graves ». Reste que l’importance de l’impact accordé à ces sites est, effectivement, discutable. Peut-être qu’une étude de l’efficacité réelle de ces discours serait nécessaire... un bon boulot pour un sociologue, non ?

On pourra rappeler à ce sujet le commentaire de Laurent Chemla : « Je pourrais encore rapporter la réponse stupéfiante qu’il a faite à une personne du public qui s’étonnait qu’un sociologue se contente de critiquer le discours plutôt que de critiquer les usages. Notre chercheur a répondu ces mots savoureux : "J’aimerais bien mais jamais je ne pourrais trouver de financement pour faire un vrai travail sur les usages, je dois donc me contenter de faire un travail sur le discours". J’entendais, de ma place de simple citoyen, un scientifique me dire "Je n’ai pas les moyens de mener une recherche scientifique digne de ce nom, alors je me contente de publier des textes polémiques basés sur des paroles entendues ça et là que je considère comme la totalité du discours sur le sujet ". »

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Les explications fournies par ce pauvre démuni qui n’a pas les moyens de s’offrir une connexion relèvent effectivement de ce genre de discours non vérifiés. Notamment : « Certains sites français abrités par ces fournisseurs d’accès proposent même des listes de noms et les adresses de leurs "ennemis", qui sont ainsi livrés à la vindicte publique. » ; c’est le nouvel argument démagogique à la mode, on nous le ressort à toutes les sauces. Cela semble à première vue terrifiant, ça ne rime tout simplement à rien (inutile de développer, c’est trop navrant). Puis : « Les propos extrêmement violents qu’on trouve sur ces sites peuvent déboucher sur une violence physique effective. » ; le prototype du bon sens parfaitement infondé... Enfin, des larmes dans les yeux, évoquons « beaucoup d’adolescents, à une période fragile de leur existence », et on comprendra la qualité de cette analyse sociologique.

Au passage, notons que « ces sites se donnent souvent un aspect ludique ». Pure fadaise que notre hardcore gamer de la vertu nous avait déjà servie dans sa préface de Pour en finir avec les cybermarchands de la haine,
dans laquelle il dénonçait la « diffusion artisanale mais massive [...] de jeux vidéo propageant, auprès de la jeunesse, ce genre d’idéologie. Des dizaines, voire des centaines de jeux, sur le modèle du "test aryen", "clean Germany" ou "KZ-manager ", ont circulé parmi la jeunesse autrichienne, allemande, puis dans tous les pays occidentaux. », argumentaire totalement farfelu (on pourra revoir à ce sujet certains arguments échangés dans le forum de l’article « Une association vertueuse... »).

Plus loin, lorsqu’il dénonce « une certaine religiosité "techno-new age" », c’est encore un discours sur le discours qu’il nous livre, se référant à Pierre Lévy. On relira la Lettre ouverte à Philippe Breton de Cathexie, pour comprendre à quel point Philippe Breton ne parle pas de l’internet tel qu’il est, mais d’un internet tel que décrit par quelques auteurs soigneusement sélectionnés : « Mais de même qu’une hirondelle ne fait pas le printemps et que l’habit ne fait pas le moine, un professseur au département hypermédia de l’université de Seine Saint-Denis (Lévy) ne forme pas à lui tout seul un "culte de l’Internet", comme le laissent entendre vos si fréquentes références à ses oeuvres. » Pour un démontage de l’angélisme techno-new age à la Lévy, voir les cahiers de vacances de l’Irresponsable.

- Sur Hall-Bop, on dit ce qu’on veut

« On entendra enfin sans doute dire, ultime argument, que la liberté de communication doit être totale, quel que soit le prix à payer. Cette conception, tout américaine et marquée d’une certaine religiosité "techno-new age", n’est pourtant pas celle retenue dans la plupart des pays européens. »

Et revoilà le premier amendement ! Argument classique et pratique, puisqu’il permet évidemment de déplacer le débat et de le rendre totalement impossible. Les médias raffolent de ce genre de simplifications binaires (ceux qui veulent faire appliquer les lois contre ceux qui veulent une liberté d’expression absolue), et on trouvera toujours quelqu’un pour accepter de polémiquer dans les forums sur ce sujet. Débat évidemment stérile dès lors qu’on se focalise sur les pédo-nazis et qu’on accepte un débat purement moraliste.

Notons tout de même que, malgré le premier amendement, certains faits décrits par Philippe « Free Speech Online » Breton sont également interdits aux Etats-Unis (voir notre explication sur les limites du premier amendement) : l’auteur d’un site appellant à la violence et désignant ses victimes en fournissant leurs coordonnées serait condamné.

Le rôle du juge

Evidemment, le juge Gomez a droit à la brosse à reluire. Ce juge qui, dans une interview à Transfert [*], annonce que, d’ici quatre ans, l’internet sera régulé, ça ne peut que lui faire plaisir. C’est donc « une des affaires les plus importantes concernant la régulation des contenus diffusés sur internet » (rien que ça !), mais surtout, « le juge n’aura pas simplement à dire la loi ».

Puisqu’on parle de nos belles valeurs de chez nous opposées aux valeurs pas belles des ricains, faudrait pas perdre de vue que, justement, tout l’intérêt de notre système, c’est que les juges disent la loi, et rien d’autre. Les juges ne font pas la loi, les juges ne font pas la morale, les juges disent la loi, point ; c’est tout de même ce qui garantit la démocratie. À la fin d’un procès, on ne conclut pas par Ite missa est.

Mais on revient toujours au problème habituel de ces actions : le recours systématiques au référé. Nous l’avions déjà expliqué dans le Petit historique des procès antifachos : « Il faut noter une subtilité chère à l’UEJF : utiliser le référé à tort et à travers. En effet, la procédure de référé a deux caractéristiques importantes : l’évidence et l’urgence. C’est une procédure rapide destinée à mettre fin, d’urgence, à un comportement dont le caractère illicite est évident et qui est en train de se poursuivre. Une procédure de référé n’ira pas, en particulier, revenir sur un principe de droit établi ; pour cela, il faut un jugement sur le fond, car déterminer l’équilibre entre plusieurs lois ne peut être déterminé d’une manière expéditive. » On ne peut pas décréter qu’un procès est « le plus important de l’histoire de l’internet », réclamer des inovations juridiques (le juge qui doit dire plus que la loi), et aller en référé : c’est un contresens juridique absolu.

On ne s’étonnera donc pas d’apprendre que « cette action [...] se situe dans le contexte de l’élaboration de la future loi sur la "société de l’information" ». Voilà l’aveu de ce que sont ces types d’action : du pur lobbying juridique. Influer sur le processus législatif en manipulant les craintes sécuritaires provoquées par les pédo-nazis, tenter d’enlever une dernière jurisprudence pour orienter la future loi, voire mener ses actions juridiques d’une manière tellement catastrophique qu’on pourra une fois de plus crier au « vide juridique » afin d’obtenir une loi plus sévère.

Ce que Philippe Breton ne dit pas

Tout occupé à discuter avec des interlocuteurs imaginaires et à choisir leurs arguments, Philippe Breton néglige de rappeler les arguments, la plupart parfaitement juridiques, que les fournisseurs d’accès ont déjà opposé à l’association J’accuse lors de la première audience de référé. On pourra pour cela se reporter à l’ordonnance du juge Gomez.

- Les fournisseurs dénoncent « le refus de l’association J’accuse d’engager une réflexion sérieuse avec l’AFA et ses adhérents ».

Faut-il y voir la confirmation de ce que l’association IRIS dénonçait dans un communiqué ?
« La lutte contre le racisme et le négationnisme méritent, à tout le moins, d’autres moyens d’actions que ceux de la contrainte et de l’intimidation, et d’autres arguments que l’appel à l’émotion par la manipulation d’analogies non pertinentes. »

- Les fournisseurs dénoncent « le caractère collectif et indéterminé de la mesure sollicitée », et sont surpris « dans la mesure où certains sites désignés sont en construction, que d’autres ne véhiculent pas un message manifestement illicite, que d’autres dont les contenus sont publiés en langue étrangère ne visent manifestement pas les internautes se connectant depuis le territoire national et enfin qu’une quarantaine de sites désignés ne sont pas accessibles par suite d’un filtrage mis en place par l’hébergeur. »

Dans le même ordre d’idées (l’aspect très approximatif, ou très large, des coupures demandées), les fournisseurs réclament des URL de sites à couper.

- Les fournisseurs demandent que les auteurs des sites soient auparavant poursuivis.

- Les fournisseurs contestent la compétence du juge des référés. Et l’argumentaire juridique fourni ne ressemble pas à une manoeuvre dilatoire...

- Les fournisseurs « contestent avoir une "obligation naturelle d’agir" qui serait de toutes façons contraire aux textes qui régissent leur activité et même aux dispositions de la loi du 1er août 2000 ».

- Les fournisseurs, enfin, rappellent leurs initiatives contre la banalisation du racisme et du nazisme.

Autant d’arguments un peu plus juridiquement fondés que l’invocation des adolescents à un période fragile de leur existence... arguments qui méritent en tout cas d’être discutés. Mais Philippe Breton préfère discuter avec ses interlocuteurs fantasmatiques, avec ses pseudo-libéraux-libertaires à la religiosité techno-new age...

 

[*« Dans quatre ans, le Web sera régulé. On devrait au moins aboutir à des avancées significatives. La pression médiatique, la prise de conscience des citoyens, les débats parlementaires, la formation des internautes dès l’école peuvent y aider. », Transfert n°8, octobre 2000.

 
 
ARNO*
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Vainqueur 1982 du concours « Chateau de sable » du Club Mickey des Pingouins à Sainte-Cécile.

28 septembre 2003
6 octobre 2003
 
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> lancement
19 août 2001, message de Tiresias
 

C’est aussi pour ce gars et d’autres (il n’y aura qu’à voir qui est cité comme grand témoin par les assigneurs à la fiesta du TGI de Paris le 4 septembre) de lancer la campagne pour la préparation de la Loi sur la Société de l’Information.

Et aussi probablement de faire un sujet de conversation supplémentaire pour l’Université-sic de la Communication (Hourtin 20-24 août).

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Il fout quoi le FDI ?
14 août 2001, message de Laurent Martinez
 

Dans cette actualité inquiétante, sous la pression d’un lobbying juridique mal fondé (l’article le montre très bien il me semble), on peut se demander si ça n’est pas le rôle du Forum des Droits sur l’Internet au moins d’exprimer sa position.

Au sujet de la LSI (Loi sur la Société de l’Information) et la possibilité qu’elle soit influencée par ce genre de pression, on peut lire la réponse de Michel Colonna, membre du LSI, on ne peut plus clair.

Je ne résiste pas à l’envie d’en copier un morceau :
« Nous avons dit que, si et seulement si le gouvernement souhaite consulter le FDI sur ce projet, nous répondrions à cette demande. Ne nous accuserait-on pas d’arrogance si nous nous arrogions d’emblée le droit (et selon quellles méthodes ? car le consensus sur l’ensemble des sujets touchés par la LSI semble difficile...) de commenter ce projet déjà largement avancé ? »

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> Il fout quoi le FDI ?, Laurent Martinez, 14 août 2001

Oups, Michel Colonna est membre du FDI, mais mon lapsus est révélateur. dc ;

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> J’accuse .. une belle blague ...
13 août 2001
 

Après avoir lu le premier article sur libé concernant J’ACCUSE il y a qq semaines, j’ai contacté un des membres de cette association par email ... tentant veinement de lui exposer deux théories :
* attaquer les fournisseurs d’accès c’est comme si les "stars" attaquaient l’imprimeur à chaque parution de GALA, VOICI ... voila !
* attaquer la mauvaise cible pour détroner FRONT14 c’est favoriser la connaissance de cet extremisme auprès des gens ... donc faire grossir leur rangs, traffic .. etc ...

La réponse de J’ACCUSE a été que j’utilisais un ton injurieux ... donc pas de discussion ... c’est vrai que mettre la vérité en pleine face .. c’est une injure !!!!

Christophe

Répondre
> J’accuse .. une belle blague ..., Laurent Martinez, 13 août 2001

(c : On avait strictement le même retour il y a quelques temps en s’adressant à la LICRA, à l’UEJF et au MRAP. Ce dernier semblant avoir un peu raisonné ses positions depuis.

C’est à dire que tout moraliste ne sait considérer un argument contre sa morale que comme une insulte, un abus de la liberté d’expression qu’il faut interdire.

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J’accuse... qui quoi comment ou ?, Kodbar, 13 août 2001

Peut être que quelqu’un aura l’amabilité de m’éclarer : Je ne comprend absolument pas les motivations profondes du groupe "J’accuse". L’objectif c’est quoi ? Attaquer les site de vilains pédo-nazi ? Visiblement non comme le montre ce papier d’Arno. alors quoi ? Faire du lobbing juridique alors ? Mais dans quel but ? C’est quoi l’objectif derrière ? Nous faire avaler une horreur comme le DMCA (Digital Millenium Copyright Act) américain ? (dans ce cas la stratégie est sans doute mauvaise)

Je ne comprend ni la stratégie, ni les objectifs. Mais les deux sont liés évidemment.

Quelqu’un a une idée sur la question ?

 
Répondre
> J’accuse... qui quoi comment ou ?, Tiresias, 13 août 2001

La réponse à ta question figure dans l’article de Breton : il s’agit de préparer la Loi sur la société de l’information...

Quant au MRAP, sa position est notablement différente, sur de nombreux aspects...

Répondre
> > J’accuse... qui quoi comment ou ?, Kodbar, 13 août 2001

Donc préparer une loi, ça consiste à créer un climat d’insécurité en multipliant les procédures abusives contre les opérateurs. C’est une démarche heu... étonnantes.

Répondre
On reconnait la qualité de l’arbre à ses fruits..., Laurent Martinez, 14 août 2001

« C’est une démarche heu... étonnantes. »

Une démarche qui a bien failli porter ses fruits (pourris) avec la plainte contre Yahoo !US pendant les amendements Bloche. Le député Bloche avait d’ailleurs ouvertement et explicitement soutenu cette démarche. Tu peux dire "merci" au conseil constitutionnel qui a censuré la forme de la loi (c ;(attention, pas le fond qui revient avec la LSI).

Ca avait également porté ses fruits (pourris toujours) par le biais de la Jurisprudence cette fois avec le procès contre Costes et l’abolition (qui là encore ne fut heureusement que temporaire) de la prescription abrégée sur Internet.

En passant, le fait que la démarche de ces moralistes (avec certains en plus, d’autres en moins dans J’accuse, le minizola) ait toujours été contré (de justesse) par la "démocratie" est, pour moi, une preuve qu’ils oeuvrent bien contre la démocratie.

Répondre
> On reconnait la qualité de l’arbre à ses fruits..., 14 août 2001

"En passant, le fait que la démarche de ces moralistes (avec certains en plus, d’autres en moins dans J’accuse, le minizola) ait toujours été contré (de justesse) par la "démocratie" est, pour moi, une preuve qu’ils oeuvrent bien contre la démocratie."

Oui bon, je te laisse la responsabilité de ce dernier point de vu :))

Par contre je viens à la question de base : Que veulent ces gens ? On ne me ferra pas croire aux chevalier blancs de la vertus. D’une part leur mauvaise foi est trop flagrante, et d’autre par les heros n’existent plus depuis Homère. Alors pour qui "travaillent" ils ?

Répondre
> On reconnait la qualité de l’arbre à ses fruits., Laurent Martinez, 15 août 2001

« Alors pour qui "travaillent" ils ? »

Je ne vois qu’une seule et unique (mais univoque) possibilité : le Dieu de l’Internet !

Répondre
> > On reconnait la qualité de l’arbre à ses fruits., 16 août 2001

Ah bon :))
Et t’as l’IP de ce serveur ? ;)

Répondre
> > On reconnait la qualité de l’arbre à ses fruits., Bart, 20 août 2001

Mais, plutôt que "pour qui travaillent ces gens ?" la bonne question ne
serait-elle pas "pourquoi personne ne travaille-t-il contre eux ?" On vit une
époque tellement moderne que plus personne ne pense qu’on a besoin de liberté d’expression ?
Est-ce que c’est parce qu’il n’y a pas d’associations fondées à se porter partie
civile en cas d’entrave à la liberté de communication ? Est-ce qu’il y en a, mais
qu’elles n’ont pas de sous ? Est-ce qu’on a du mal à trouver des avocats
suffisamment motivés pour travailler gratos sur ce genre de dossier, comme
faisaient (certains de) leurs ancêtres, au siècle dernier (ou était-ce au millénaire dernier ?) pour les objecteurs de conscience ?

Répondre


> Vue sur "libé"
12 août 2001, message de Croa33
 

Je remercie Arno de nous tenir au courant des dernières dérives de Libération. Il y a longtemps que ce journal rentré dans le rang de la pensée unique n’enfonce plus que des portes ouvertes. Même que si les idées pédo-
nazies venaient à la mode il saurait évoluer pour en faire l’apologie ! Il donne déjà dans la tauromachie...
Son problème est que ceux qui disent la mode n’arrivent pas à contrôler aussi bien le ouaibe que la presse : Il montre par là sa soumission en dénonçant (maladroitement) le ouaibe sauvage sans laisse ni collier.

Laissons-le aboyer !

Répondre
> > Vue sur , The_Count, 14 août 2001

Pedo-Nazi ? C koi ce nouveau terme alacon ?
Y’a les pedo, et les nazis, deux groupes séparés (ki meritent tout deux des dans la tete) Sinon je parle aussi de pedo-communiste, pedo-socialiste (abrégé en pedo-gaucho), pedo-liberal, pedo-libertaire.
Bref, Pedo-tamère ! Ca me rappelle 1984... Miniplein, Minipaix,Miniamour....

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> > > Vue sur ... (suite), Croa33, 14 août 2001

Tu as raison, ce n’est pas très français... Mais ne me dis pas que tu n’as rien compris !
(Je n’ai pas inventé ce terme caricatural)

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> > > > Vue sur ... (suite), Star_Dust, 15 août 2001

Effectivement, j’ai beau ne pas voter comme il nous est dit de voter, j’ai compris le texte, merci ;-)
C’est juste que c’est un terme qui assimile AUTOMATIQUEMENT les NS (Nationals-Socialistes, nazis quoi) aux pédophiles... et ça s’est limite (comme leurs idées aux deux d’ailleurs)
Petite digression : pour info, ce n’est pas en diffamant un ennemi qu’on arrive à l’abbatre, ça ne fait que le rendre plus fort encore, car ceux qui se rendent compte que ce ne sont que des diffamations prennent leur défense, en ce disant "Si ils sont attaqués comme ça, c’est que quelque part ils disent la vérité".
Voilà, c’était mon intermède pseudo-intellectuelle. Vous pouvez zapper ce message.
 :-)

A+++
"He who controls the past controls the present. He who controls the present controls the future"

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> > > > > Vue sur ... (suite), Star_Dust aka the_count aka l_abruti, 15 août 2001

Et accessoirement, The_count et Star_Dust sont la meme personne.
Point final, j’arrete de vous pourrir les forums ;-)

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> > > > > Vue sur ... (suite), Nimo, 17 août 2001

L’expression "pédonazi" est ironique. Elle désigne l’ensemble des moulins à vents et autres portes ouvertes que les Knobel & Cie enfoncent à longueur de procès.

Pour ce qui est de savoir ce qui, des pédophiles ou des nazis, est le moins gentil ... je pense que nous nous accordons tous pour nous en foutre.

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> Philippe Breton, zonard du non-droit
10 août 2001, message de umli
 

Ouais pas con le Breton et je me propose d’ériger son raisonnement en art de vivre :
- attaquer France Télécom quand un gars m’insulte au téléphone,
- porter plainte contre Samsung(c’est la marque de ma Lucarne Magique) pacque les programmes TV sont pourris ce soir,
- faire saisir Libé quand les nouvelles ne sont pas bonnes,
- ou saisir le juge des référés pacque mon fils à pas voulu manger sa purée.

Bah je vous laisse je cours m’inscrire chez "J’accuse", ils ont de l’avenir.

Umli

PS : Merci l’auteur, c’est clair, dense et j’ai tout compris :)

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