L’article qui suit est volontairement long, afin de présenter dans le détail les aspects des droits d’auteurs définis dans le Code de la propriété intellectuelle qui concernent les webmestres. Il sera complété d’articles plus courts destinés à aborder simplement, d’une manière pratique, la gestion de ces droits sur l’internet.
Le texte qui définit et encadre juridiquement le droit d’auteur est le Code de la propriété intellectuelle (CPI) ; nous vous invitons vivement à le lire, c’est un texte très abordable, dépourvu de jargon technique, qui dit clairement et simplement les choses.
Nous allons cependant en extraire les parties qui nous intéressent en tant que webmestres.
Nature du droit d’auteur
Le droit d’auteur est la propriété qu’a un créateur sur les œuvres de son esprit (textes, images, sons...). Ce droit de « propriété » nait en même temps que l’œuvre : il n’est pas besoin d’effectuer aucune démarche administrative ou légale, l’œuvre est attachée à son auteur « du seul fait de sa création ». De par ce droit, le créateur peut revendiquer la paternité de son œuvre et en contrôler entièrement l’usage (en particulier sa diffusion et sa reproduction).
Mieux : ce droit nait « indépendamment de toute divulgation publique », pour une œuvre « même inachevée ». Un brouillon dans un tiroir est déjà protégé par le droit d’auteur.
Par ailleurs le droit d’auteur est indépendant de l’objet physique que peut être l’œuvre (cas d’une statue), ou le support de l’œuvre (le support magnétique sur lequel est enregistrée l’œuvre n’est pas confondu avec l’œuvre elle-même - si vous achetez un disque, vous n’avez pas pour autant « acheté » l’œuvre elle-même).
Nous verrons d’ailleurs que l’on n’« achète » pas une œuvre dans son ensemble, mais que l’on acquière un certain nombre de droits d’utilisation de cette œuvre. L’œuvre, de part le droit d’auteur, reste toujours la propriété de son créateur.
Quelles œuvres sont protégées par le droit d’auteur ?
Le droit d’auteur nait avec l’œuvre, et protège « toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ».
Aucuns jugements de valeur, de qualité, d’usage n’interviennent ici. Qu’il s’agisse d’une œuvre « majeure » qui marquera l’histoire de l’humanité ou les souvenirs de vacances du petit dernier, toute œuvre de l’esprit est protégée.
Cependant, il y a ici une subtilité très importante à noter : nous parlons ici d’« œuvre », c’est-à-dire de production physique. La création doit être produite, exécutée, formalisée, exprimée ; tout « fruit » de l’esprit humain qui ne serait pas formalisé ne peut être protégé. Nous parlons donc de textes, de sculptures, de films, de sites Web, etc. (l’article L.112-2 du CPI donne une liste non restrictive de types d’œuvres). En revanche, les simples idées, concepts ou principes généraux, ne sont pas protégés par le droit d’auteur.
Attardons-nous sur ce point : qu’est-ce qui n’est pas une œuvre protégée par le droit d’auteur ?
Une simple idée (« une habitation sur plusieurs niveaux », « peindre une voiture en noir », « un livre qui raconterait une histoire d’amour qui finit mal », « l’histoire d’un flic-robot venu du futur pour sauver le passé »...) n’est pas une œuvre. Seule la mise en forme (par exemple, le film qui montre l’histoire du flic-robot venu du futur) constitue une œuvre. On ne protège donc pas les idées et les concepts. « Malheureusement », disent certains ; « tant mieux », disent tous les autres, conscients des ravages qu’une telle possibilité entraînerait dans l’histoire des idées. Cela reviendrait en effet, comme le souligne Sébastien Canevet, à « breveter l’œuf pour empêcher la poule de pondre ».
Un principe général, philosophique, technique, scientifique, n’est pas non plus une œuvre. Encore une fois, tant mieux, sinon nous devrions tous payer des droits à Newton, parce que nous « utilisons » quotidiennement la gravité. Une théorème mathématique, une loi de la physique ou de la chimie, tout cela n’est pas protégé par le droit d’auteur. Encore une fois, seule la formulation (la rédaction) de tels principes relève du droit d’auteur ; par exemple, la théorie de la relativité, en tant que principe physique, appartient au patrimoine commun de l’humanité, et nul n’a à payer des royalties à Einstein pour cela ; en revanche, le texte rédigé par ce dernier pour expliciter la théorie est protégé. Le principe physique lui-même est un bien commun, mais la rédaction du texte par Einstein est son œuvre.
Entre l’« idée » et l’application de la science, le procédé industriel n’est pas protégé par le droit d’auteur, mais par le brevet industriel. Ca n’est pas la simple idée qui est protégée (« une poële à frire avec deux manches »), mais le procédé industriel qui permet la fabrication.
Toujours dans ce qui ne relève pas du droit d’auteur : le droit à l’image. Le simple fait d’exister ne fait pas de vous un auteur, dont l’existence même serait protégée par des droits d’auteurs. Ce qui garantit votre intimité, interdit la diffusion de photos de vous, d’informations sur votre vie privée... n’est pas le droit d’auteur, mais par d’autres notions juridiques (article 9 du code civil).
En revanche, répétons que les logiciels sont protégés par le droit d’auteur, et non par des brevets.
Notons rapidement deux particularités intéressantes : les traductions, les adaptations et les arrangements tirés d’œuvres pré-existantes sont considérés comme des œuvres à part entière.
Quant au titre de l’œuvre elle-même, il est également protégé. « Nul ne peut [...] utiliser ce titre pour individualiser une œuvre du même genre, dans des conditions susceptibles de provoquer une confusion ». Si vous vouliez titre votre prochain film « 2001, l’Odyssée de l’espace », il va falloir négocier les droits...
Qui est titulaire du droit d’auteur ?
À question simple, réponse simple : c’est l’auteur.
La philosophie, nous l’avons vu, est de donner, du seul fait de la création, un droit de propriété sur l’œuvre à son créateur. Dans la pratique, le créateur est celui qui a « fait », créé, réalisé l’œuvre.
Pour simplifier, le Code précise que l’auteur est, « sauf preuve contraire, celui ou ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ». Bref, à moins de réussir à prouver que ça n’est pas le cas, on admet que l’auteur est celui qui a « signé » l’œuvre.
Si l’auteur est anonyme ou utilise un pseudonyme ? Alors c’est l’éditeur ou le « publicateur originaire » (par exemple un « prête-nom ») qui bénéficie des droits. Mais l’auteur originel réintègre ses droits dès qu’il se fait connaître et reconnaître en tant que créateur de l’œuvre. C’est intéressant à noter : les débats sur la responsabilité sur internet se sont heurtés à les notions d’anonymat, et d’utilisation de pseudonymes, qui semblent mettre mal à l’aise le législateur, au motif que ce ne serait « pas bien » (par exemple, on nous a dit que publier anonymement ou sous un pseudonyme, ça n’était pas dans notre tradition républicaine) ; au contraire, dès sa création, le droit d’auteur a intégré les notions d’anonymat et de pseudonyme !
Et s’il y a plusieurs auteurs ? Le Code prévoit plusieurs cas :
l’œuvre de collaboration ; plusieurs personnes concourent à la création d’une même œuvre ; on peut considérer que c’est le cas d’un site réalisé par plusieurs personnes. Dans ce cas, chaque participant dispose de la même qualité d’auteur sur l’œuvre, et l’accord de chacun est nécessaire pour prendre la moindre décision : « les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord » ;
l’œuvre composite ; il s’agit d’une œuvre nouvelle dans laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière ; c’est, par exemple, un site Web réalisé à partir d’un roman, mais sans que l’auteur de ce roman ne participe à la réalisation du site. Dans ce cas, seul l’auteur de l’œuvre composite (le site Web) détient les droits ; en revanche, pour l’utilisation de l’œuvre précédente (le roman), il devra respecter les droits de l’auteur originel ;
l’œuvre collective, « créée sur l’initiative d’une personne [...] qui l’édite [...], sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble [..] sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ». Cela concerne les sites réalisés sous la direction d’une personne, avec l’aide de plusieurs autres, mais sans que l’on puisse déterminer la participation de chacune. Dans ce cas, c’est la personne qui a « signé » (coordonné) l’œuvre qui détient les droits d’auteurs ; les autres sont rémunérés pour leur participation, mais ne détiennent pas la qualité d’auteur.
Résumons, pour ce qui relève du webmestre.
S’il est seul auteur de son site ou de son œuvre, il détient tous les droits d’auteurs sur sa création, qu’il soit anonyme, qu’il utilise un pseudo, ou qu’il signe de son nom. Les prestataires techniques qui permettent la réalisation ou la publication du site (notamment les hébergeurs) ne disposent d’aucun droit sur l’œuvre. Si le site est réalisé pour un client ou un employeur, ceux-ci ne sont pas non plus titulaires des droits d’auteurs (cependant les droits patrimoniaux, définis ci-après, peuvent être cédés par contrat).
S’il y a plusieurs auteurs, le cas le plus fréquent est celui de l’œuvre de collaboration, car on peut généralement déterminer qui a fait quoi... Dans ce cas, chaque coauteur est titulaire des droits d’auteurs. Dans le cas où tout est fondu, réexploité, refait... sous la direction d’une seule personne, sans qu’on puisse déterminer de qui provient telle partie (à l’exception du coordonnateur du projet), alors c’est cette personne qui détient les droits.
De plus les droits d’auteurs des œuvres peuvent s’imbriquer, les uns dans les autres, en fonction de l’imbrication des œuvres elles-mêmes. On obtient alors des structures juridiques qui peuvent devenir complexes. Un auteur de roman peut développer la nouvelle d’un autre auteur : il doit alors lui-même respecter les droits du premier auteur, tout en bénéficiant à son tour des droits sur son propre roman ; roman qui devient un film (d’autres droits d’auteurs) ; film qui est décliné sous forme de jeu vidéo (d’autres droits...) ; jeu vidéo qui alimente un site Web...
Les droits des auteurs
Ce que l’on appelle le droit d’auteur se divise en réalité en deux rubriques distinctes : les droits moraux et les droits patrimoniaux.
Les droits moraux
Lorsque les droits d’auteurs ont été inventés (au XVIIIe siècle), les acteurs modifiaient le texte des pièces de théatre, certains s’appropriaient carrément les œuvres, l’imprimeur et le producteur caviardaient les textes, les acheteurs des tableaux les faisaient modifier en fonction de leurs changements d’humeurs...
Le premier type de droit que fixe le droit d’auteur est donc d’ordre moral : « L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre ». On ne peut donc pas (même si on a payé) supprimer le nom de l’auteur et mettre le sien à la place, on ne peut modifier l’œuvre sans l’autorisation de l’auteur... Voilà qui assure le contrôle total par l’auteur sur sa création.
En particulier, l’auteur seul décide de la divulgation de son œuvre. C’est lui qui décide du lieu, de l’heure et de la méthode. Il peut même décider de retirer une œuvre de la circulation.
On ne peut donc pas, sans accord de l’auteur, détuire, modifier, « compléter », détourner de son objet, une œuvre. On ne peut utiliser un texte pour démontrer le contraire de ce que l’auteur entendait démontrer. En théorie, on ne peut utiliser la Joconde pour en faire une œuvre pornographique. On ne peut « couper » un texte (parce qu’il est trop long, parce que certains passages sont considérés comme inutiles...), par exemple pour une publication dans la presse, sans l’autorisation de l’auteur.
On ne peut pas non plus réaliser une compilation d’articles si l’auteur n’a pas expressément autorisé une publication sous une telle forme.
Caractéristiques les plus remarquables des droits moraux : ils sont perpétuels, inaliénables et imprescriptibles. Perpétuels et imprescriptibles : ils ne disparaissent jamais, même à la mort de l’auteur, même 70 ans plus tard. Inaliénables : leur jouissance ne peut être cédée, aucun contrat ne permet à l’auteur d’en confier la gestion à un tiers.
Ce droit se transmet aux héritiers à la mort de l’auteur mais, de son vivant, ce droit ne se transmet pas à l’époux (ou l’épouse) dans un mariage en communauté des biens.
Les droits patrimoniaux
Les droits patrimoniaux sont, bien entendu, ceux dont on entend beaucoup parler, puisqu’il s’agit ici des droits que l’on peut monnayer. Généralement, lorsque l’on parle des « droits d’auteurs » pour évoquer les rémunérations des auteurs, on ne parle que des droits patrimoniaux.
Ces droits sont les droits qui permettent l’exploitation, notamment marchande, des œuvres. Ils se composent du droit de représentation (« la représentation consiste dans la communication de l’œuvre au public ») et du droit de reproduction (« la reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public »). Si, dans le cas de l’internet, ces deux droits apparaissent confondus (la représentation au public passe par la fixation sur le support magnétique des disques durs), ils sont juridiquement différenciés.
Inutile cependant de gloser sur ces différences, l’article L.122-4 du Code les réunit d’une manière claire (et expéditive) : « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur [...] est illicite. »
Hop ! Terminé, on remballe, la question est entendue, sans accord de l’auteur (qui pense à ses pépettes), aucune reproduction ni représentation.
Premier constat : l’auteur est très bien protégé, il est bien le seul propriétaire de son œuvre.
Deuxième constat : les droits patrimoniaux peuvent être cédés, négociés, monnayés. En cédant le droit de reproduction et/ou de représentation, l’auteur peut espérer vivre du fruit de son travail : « L’auteur jouit [...] du droit exclusif d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire. » Nous verrons plus loin sous quelle forme peut s’effectuer cette exploitation des œuvres.
Cependant, la vie en société passe par l’équilibre entre les libertés et les droits de tous (et pas seulement ceux des auteurs). Si le Code de la propriété intellectuelle protège les droits des auteurs, il est également limité par les droits des autres individus, parmi lesquels le droit à l’information et au savoir, l’échange et la vie des idées, le droit à la critique... Le Code inclut donc quelques limitations à cet article des droits patrimoniaux.
Première limitation : selon les usages ; le Code autorise (et sans qu’on doive demander l’autorisation de l’auteur) :
les copies privées et gratuites dans le cercle de famille ;
les copies et reproductions strictement réservées à l’usage privé et non destinées à une utilisation collective ;
à condition de citer le nom de l’auteur et la source, les courtes citations, les revues de presse et la diffusion des discours prononcés dans les assemblées politiques, administratives, judiciaires ou académiques, ainsi que dans les réunions publiques politiques et les cérémonies officielles. Ce point est très important, nous y reviendrons par la suite.
Seconde limitation : selon la durée. Les droits patrimoniaux existent tout au long de la vie de l’auteur et persistent ensuite au bénéfice de ses héritiers (et ayants droit) sur une durée de 70 ans à partir du décès de l’auteur. (Notez bien : les droits « courent » à partir de la mort de l’auteur, et non de la date de création de l’œuvre. Certains grands classiques ont été écrits à la fin du XIXe siècle, mais leurs auteurs sont morts au milieu du XXe siècle, les droits patrimoniaux existent donc toujours pour ces œuvres, parfois jusqu’à une date avancée dans le XXIe siècle.) Passé ce délais, l’œuvre tombe « dans le domaine public » (ce qui ne signifie pas que tous les droits sont levés, puisque les droits moraux sont, eux, perpétuels), on peut donc les reproduire et les diffuser sans demander l’accord de quiconque.
Cette durée de 70 ans doit être prolongée de la durée des guerres mondiales : pour les œuvres (en fait, la mort de l’auteur) d’avant la Seconde guerre mondiale, ajoutez 6 ans (de septembre 1939 à janvier 1948 - allez savoir pourquoi...) ; pour avant la Première guerre, ajoutez 5 ans (d’août 1914 à février 1919). Et si l’auteur est « mort pour la France », ajoutez encore 30 ans. Ce qui nous fait une durée, épatante, de 111 ans après la mort de l’auteur pour certaines œuvres ; comme quoi les ayants droit adorent la notion de domaine public...
Sur ces histoires de dates, il y a encore des subtilités... Par exemple les œuvres posthumes. Elles sont protégées de la même façon que les œuvres « normales » (70 ans plus les guerres) si elles sont divulguées pendant ce délais ; sinon elles bénéficient d’une protection de 25 années à dater de leur divulgation. Ce qui donne des comptes d’apothicaire croustillants : Jules Verne est mort en 1905, ses œuvres étaient donc protégées jusqu’en 1989 ; question : le roman Paris au XXe siècle, « découvert » et publié en 1994, est-il dans le domaine public ?
Exploitation des droits
Cette partie du CPI est très développée, car elle codifie les différents types de contrats entre les auteurs et ceux qui vont exploiter les droits patrimoniaux.
Limitons-nous à l’essentiel...
Tout d’abord, « la cession globale des œuvres futures est nulle ». Le « contrat de Faust » est donc impossible. Un auteur ne peut se lier, à vie, à un éditeur ou un producteur (dans le cas du contrat d’édition, le nombre d’œuvres futures « réservées » à un éditeur est limité à cinq).
Les contrats permettant l’exploitation des droits patrimoniaux doivent être constatés par écrit. Un accord verbal, un simple email (en l’absence de signature électronique), par exemple, n’ont aucune valeur juridique.
Les contrats sont limités, obligatoirement, aux utilisations expressément spécifiées dans ces contrats. Un auteur donne une autorisation pour un certain usage, défini spécifiquement. Dans le cas du contrat d’édition, « le droit d’exploiter l’œuvre sous une forme non prévisible ou non prévue à la date du contrat doit être expresse et stipuler une participation corrélative aux profits d’exploitation ».
Notons encore, c’est important, que l’autorisation de reproduction peut être donnée gratuitement (c’est même courant...). Mais ici encore, uniquement pour l’utilisation spécifiée, et aucune autre.
En cas de rémunération, notons que le CPI prévoit que les rémunérations doivent être, sauf exceptions indiquées dans le Code, proportionnelles aux recettes provenant de l’exploitation.
Enfin, précisons cette notion de contrat d’exploitation des droits patrimoniaux : il s’agit d’un contrat écrit entre l’auteur de l’œuvre et celui qui va exploiter les droits. C’est important : l’autorisation écrite doit être donnée par l’auteur (chaque auteur pour chaque œuvre). Ainsi, la cession même partielle des droits d’auteurs ne saurait être imposée à un auteur ni par un contrat général d’un diffuseur, ni par un « accord sectoriel ». Par exemple : les « contrats d’utilisation » que l’on trouve chez certains hébergeurs indiquent que le webmestre hébergé accepte de céder une partie de ses droits de représentation à l’hébergeur ; ces textes n’ont aucune valeur juridique : l’acceptation (par un « bouton » de validation !) d’une offre d’hébergement ne saurait constituer un contrat de cession de droits d’auteurs. Ou encore, comme l’indique Marc Laimé, certains journaux passent des accords globaux pour gérer les droits d’auteurs des articles reproduits sur le Net ; valeur juridique, néant, tant qu’ils ne sont pas signés individuellement par chaque journaliste (« Le consentement personnel et donné par écrit de l’auteur est obligatoire »).
Les droits voisins du droit d’auteur
Évoquons rapidement les droits voisins. Ils ne constituent pas des « droits d’auteurs », car l’artiste n’est pas le créateur d’une œuvre de l’esprit mais, plus souvent, d’une simple interprétation. Le CPI traite des droits des producteurs, mais voyons simplement les droits des artistes-interprètes : « l’artiste-interprète [...] est la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute [...] une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variété, de cirque ou de marionnettes ».
Cette interprétation vaut à l’artiste des droits proches (voisins) du droit d’auteur : droits moraux et droits patrimoniaux. Mêmes principes généraux et mêmes limitations.
Notons simplement cette différence : ici la durée des droits patrimoniaux est de 50 ans à date de l’interprétation, du premier enregistrement ou de la première diffusion publique (pour les programmes audiovisuels). En revanche, en cas de nouvel enregistrement, on repart pour encore 50 ans (pour cet enregistrement).
Les sanctions
La reproduction et/ou la diffusion d’œuvres « au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs est une contrefaçon ; et toute contrefaçon est un délit ».
Ce délit inclut également l’importation de matériel contrefait (dont les logiciels), la reproduction/diffusion contrevenant aux droits voisins (travail des artistes interprètes notamment, disques « piratés » contrevenant aux droits des producteurs...) et le défaut de versement de la rémunération due aux auteurs.
Il est important de noter qu’il s’agit d’un délit, c’est-à-dire que cela relève du pénal, que la loi prévoit donc des peines, amendes et prison notamment.
La peine principale : « La contrefaçon en France [...] est punie de deux ans d’emprisonnement et de 1 000 000 F d’amende ».
Peine qui peut être complétée par les mesures suivantes : « fermeture totale ou partielle, définitive ou temporaire [...], de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction », confiscation du matériel, des objets contrefaisants et des recettes, qui seront remis à la victime pour l’indemniser du préjudice, et publication du jugement dans les médias jusqu’à une somme équivalente à l’amende encourue.
De plus, dans le cas des personnes morales, l’amende maximale est le quintuple de celle prévue pour les personnes physiques, et l’article 131-39 du Code pénal s’applique (en particulier, peine de prison jusqu’à cinq ans).
En cas de récidive, ou si le contrefacteur avait un contrat (qu’il a outrepassé) avec la victime, les peines encourues sont portées au double.
Dans les faits, on n’est pas condamné, automatiquement, à un million de francs d’amende et à deux ans de prison... Ca n’est pas si simple.
Un procès pour contrefaçon comporte deux volets, pénal et civil.
Le pénal
Puisque la contrefaçon est un délit, les affaires peuvent être traitées au pénal. Les peines maximales indiquées ci-dessus punissent le fait d’avoir contrevenu à la loi. En fonction de la gravité des faits, de la volonté plus ou moins affirmée de nuire, le juge évalue la sanction.
Dans le cas d’un petit site Web de particulier, par exemple un fan d’une chanteuse quelconque, qui ne tire aucun bénéfice pécunière de cette contrefaçon, le juge considérera sans doute qu’il s’agit d’une « bêtise » et prononcera une peine très légère (quelques milliers de francs) pour sanction de la contrefaçon. Dans le cas d’une entreprise qui a organisé un traffic pour tirer bénéfice de la contrefaçon, on va s’approcher des peines maximales prévues.
Mais les condamnations pénales ne sanctionnent que le fait d’avoir contrevenu à la loi ; il faut ensuite réparer le préjudice subi par la victime. Passons donc au civil...
Le civil
La juridiction civile ne prononce pas de « peines », c’est-à-dire de sanctions pour contravention à la loi. Elle arbitre les conflits entre intérêts particuliers, et prononce les réparations. (Notez que la juridication pénale peut, à l’issue du procès pénal, prononcer les réparations civiles. En revanche une juridiction civile ne peut prononcer de condamnations pénales.)
Une fois la contrefaçon constatée, il faut dédommager la victime, généralement sous la forme du versement de « dommages et intérêts ». Ici, l’évaluation par le juge est très différente de celle qui prévalait pour la condamnation pénale.
Si, pour le pénal, c’est l’acte, la faute, qui est évaluée, désormais c’est le dommage subi par la victime qui est évalué. Et il n’y a pas de somme maximale prévue.
Si un particulier, sur son petit site Web, a provoqué de « gros » dommages, la réparation peut monter à plusieurs dizaines ou centaines de milliers de francs. Si une entreprise a commis volontairement une contrefaçon très localisée (sur son intranet par exemple), et n’a pas provoqué beaucoup de dommages, les réparations peuvent au contraire être minimes...
Certains pensent pouvoir arguer de leur « bonne foi » : pas de volonté de nuire, pas de bénéfice pécunier de l’activité, « je suis un fan »... Si tout cela peut influer sur la condamnation pénale (qui juge la volonté de nuire et de contrevenir à la loi), cela n’a que très peu d’effet sur le calcul des réparations civiles, puisqu’on n’évalue alors que le préjudice subi. Au pénal, on juge la faute ; au civil on répare le tort que la faute a causé.
Au pénal, ou au civil ?
Les affaires de contrefaçon se jugent-elles au pénal ou au civil ?
C’est à l’appréciation du plaignant, sachant que, s’agissant d’un délit, il pourra recourir à l’une ou l’autre des juridications.
La victime se contente généralement de réclamer la réparation du préjudice et donc va au civil. Ce sont donc des dommages et intérêts (et toute autre mesure permettant de réparer le tort) qui pourront être prononcés, à l’exclusion de toute condamnation pénale.
Mais si le plaignant le désire, il peut tout aussi bien s’adresser au pénal. Là, c’est d’abord l’infraction à la loi qui sera jugée (avec les condamnations maximales prévues par les textes). Ensuite le juge pénal pourra prononcer les réparations civiles au bénéfice de la victime.
Les affaires de contrefaçon sur l’internet sont très majoritairement portées devant le tribunal de grande instance, c’est-à-dire une juridication civile.
Conclusion
Par sa longueur, notre article peut donner l’impression que les droits d’auteurs induisent une grande complexité. En réalité, le Code de la propriété intellectuelle définit des notions de base (l’auteur est seul propriétaire de son œuvre du simple fait de la création, et en contrôle toute forme d’exploitation), le reste se déduit alors logiquement.
Une approche assez répandue, qui complique les débats à l’extrême, consiste à tenter de « biaiser », de « contourner » les droits d’auteurs (dans nombre de présentations, des questions tournent autour d’astuces techniques, façon de chercher la petite bête, par exemple : « et si je décalque le dessin... », « et si je change l’ordre des paragraphes... », « et si je transorme la photo en tracé vectoriel... »). Toutes choses qui reviennent à rendre interminables les explications, en multipliant les exemples, mais qui n’aboutissent à rien.
Au contraire, si l’on accepte les principes généraux (quitte à les discuter ensuite, sur une base de dialogue claire), si l’on se contente de reconnaître ces droits et le principe de domaine public, tout devient limpide. On peut alors contacter les auteurs pour obtenir des autorisations gratuites (dans un climat pacifié, la reproduction gratuite et l’échange de bons procédés deviennent plus simples), promouvoir l’échange et la collaboration, travailler sur le principe du libre...