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mardi 23 janvier 2001

Melting mon pote, la presse est formidable

L’horreur journalistique, chapitre 14
par Pierre Madrid

Chers tous, j’aurais voulu vous parler de tous les autres titres qui
font l’honneur et l’avancée intellectuelle considérable de notre pays,
la gloire de notre profession, de notre corporation plutôt. On a
l’esprit de corps dans la profession, comme les flics et les
enseignants, on couvre tout, quoi qu’il arrive.

Dans la presse, ceux qui sont dehors veulent rentrer, ceux qui sont
dedans veulent rester, parce que les pseudos ça sert pas qu’à protéger
les vengeurs masqués. Au quotidien, ça permet de piger à droite, à
gauche, de rentabiliser son carnet d’adresses et de multiplier les
renvois d’ascenseur. Il y en a, comme ils s’emmerdent dans leur journal
où le chef, il fait son chef, et bien ils multiplient les à côtés plus
ou moins réguliers et lucratifs : voyages, critiques culinaires ou
littéraires, etc... Mais bon, d’habitude, on ne dit du mal qu’entre amis
très, très sûrs dans des dîners sympas, et dès le lendemain matin le
tout Paris des médias est au courant des confidences de la veille. Mais
bon c’est presque fait pour, alors...

À VSD, Ça m’intéresse, Geo, Marianne, Les Échos, Le Point, Le Figaro,
Politis, Femme Actuelle, Notre temps, Jeune Afrique économie, Capital,
Marie-Claire, etc..., ça vaut pas mieux qu’ailleurs. La morale des
services photo c’est : plus y en a pour les « étrangers », moins y en a
pour les potes. Ca vous rappelle rien, ce genre de philosophie ? Moi si,
et vécu au quotidien ça fait un peu peur.

Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi il y avait autant d’agences
photo, et bien je vais vous le dire : parce que les photographes ça les
gave, les services photo où ils ne sont au courant de rien, même pas de
ce que leur journal publie. Bien sûr, il y a des exceptions, il y a
Sophie qui me téléphone de temps en temps quand son mari part en voyage,
et c’est toujours formidable. Il y a Thierry qui me fait confiance et qui
est devenu un copain. Et quelques autres encore mais bon, plus un
journal est riche plus c’est difficile d’y publier. Plus un journal est
pauvre plus c’est difficile aussi d’ailleurs. Les riches ils préfèrent
les talents confirmés, quitte à leur faire faire n’importe quoi. Les
pauvres ils préfèrent les copains, quitte à publier n’importe quoi
aussi.

Alors faut se faufiler chaque jour entre la misère et la prétention
mondaine. Pour un livre, une expo, le mieux c’est de faire le gros dos,
d’appartenir à la maison, car le vrai pouvoir de la presse c’est la
cooptation et la fornication. Machine, qui est la copine de Machin,
journaliste chez Truc, qui veut pas se brouiller avec Bidule, qui est
l’ami de Schmoll, ex-mari de Tartempion qui dîne chez Zozo, etc... Plus
crapoteux tu meurs.

Je vais vous en raconter une bien bonne. Eh bien il y a même des
journalistes de journaux de gauche mariés avec des journalistes de
journaux de droite. Bon, droite-gauche, vous allez dire que ça veut plus
rien dire, et bien là je vous suis plus.

Je vous promets qu’entre les jeunes filles de bonne famille des 17ème,
8ème, 9ème, 4ème, et les classes moyennes embourgeoisées de gauche qui
se raccrochent à la TV, ça n’a rien à voir, même les voisins s’en
aperçoivent. Bon allez, j’arrête, vous allez finir par voter Saint Karl,
ou vous réfugier devant la télé.

Au Figaro, ils sont formidables. Leur première couverture avec un noir,
c’était au lendemain de l’élection de Nelson Mandela. Au Pélerin on ne
passe pas de photos de classe avec des petits beurs, ça fait trop école
de banlieue. Le lecteur s’y retrouve pas dans « Notre temps » : les seules
photos en noir et blanc sont de Doisneau, parce qu’autrement ça fait
vieillot. Dans Jeune Afrique on paie à 90 jours, quand l’argent des
ventes a traversé la Méditerrannée. Au Fig Mag, c’est tout juste si on
fait pas des croquis des photos qu’on veut pour celui qui va appuyer sur
le déclencheur. À VSD on veut du choc, avec des couleurs qui flashent,
pour niquer Paris Match...

Partout ailleurs on a des habitudes et on se les garde. Quand on sature
on se met en arrêt de travail. Ou on s’arrange pour déléguer à un
stagiaire qui rêve d’être un jour embauché. La presse, où à longueur
d’année on se gargarise de porter la bonne parole des droits de l’homme
et des droits syndicaux, c’est pire qu’ailleurs. Messes basses dans les
couloirs et ragots à n’en plus finir.

À part ça y a la vie, les oiseaux, les arbres, la mer, le soleil qui se
couche sur Paris, les gens qui espèrent que les choses changent, les
pauvres dont on parle que l’hiver, les pays dont on ne parle que quand
il y a la guerre. Et puis les bilans économiques de la presse française
qui va plutôt bien. Il y a que ceux qui la lisent, ou ceux qui la font
par des contributions modestes, par petites touches successives qui,
vous l’aurez compris, ne vont pas si bien.

Allez, je vous laisse. Sophie vient de m’appeler. Son mari part en
reportage pendant une semaine. Je crois que je vais pas faire beaucoup
de photos ces jours ci, ou alors de Sophie, et celles là, je vous
promets que vous êtes pas prêt de les voir dans la presse.

 
 
Pierre Madrid
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> Melting mon pote, la presse est formidable
23 janvier 2001, message de Guillaume
 

Bon, je résume :

- Pierre Madrid est calimerotographe (contraction de caliméro et photographe. Voir ci-dessous) ;
- Mais pas un canard ne veut de ses clichés ;
- Donc il vient ici (pourquoi pas ailleurs ?) crier son e-désespoir (d’où la contraction. Voir ci-dessus) ;
- Il pourrait publier ici ses photos ;
- Mais il ne le fait pas ;
- Alors je me demande si Pierre Madrid est vraiment photographe ;
- Vu que des photographes amateurs qui publient sans chouiner, il y en a des tonnes et même des très bons (emane.free.fr, s’il ne fallait en citer qu’un).

Conclusion : sur Internet, personne ne sait que vous êtes Pierre Madrid.
:o)

 
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> Melting mon pote, la presse est formidable, Phynette, 23 janvier 2001

Bon, c’est vrai ce que vous dites, mais c’est un peu dommage - pour une fois que Pierre Madrid (grand prix 2001 du pseudo le plus kitsch, entre parenthèses et haut la main) parle d’autre chose que de son nombril (il en parle aussi mais pas QUE de ça) et de ses déboires personnels, pour une fois que transparaît à travers ses écrits une vision synthétique et cohérente de l’ensemble qu’il décrit, pour une fois qu’il commence à nous apprendre quelque chose… je trouve qu’on devrait l’encourager à continuer dans cette voie.

Pierre Madrid se lâche enfin, et quand il se lâche ça lui réussit. Je note qu’il est beaucoup plus à l’aise quand il parle de la presse *en général* que quand il décrit les journaux un par un. Ca fait du bien de savoir qu’il est capable de dépasser ses mécontentements quotidiens pour nous faire sentir, à touches pas vraiment légères il est vrai mais tout de même justes, le pouls de toute une situation et de tout un monde. Je note aussi que dans ces conditions il se met à écrire avec davantage de style et de spontanéité. En résumé, il me semble que les journaux, pris individuellement, sont de peu d’intérêt. La presse en général, voilà qui est intéressant. Les journaux pris les uns par rapport aux autres, dans leur interaction, c’est même passionnant.

Bon, alors Pierre, mon avis perso-qui-n’engage-que-moi : bien que je n’aie pas été la dernière à râler sur vos éditos, des comme celui-ci, j’en veux bien d’autres.

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> Melting mon pote, la presse est formidable, Guillaume, 23 janvier 2001

Certes, certes, notre calimérotographe se laisse un peu moins allé à pleurer sur son sort, mais quand même, vous ne trouvez pas ça étrange, vous, un photographe qui écrit apparemment plus qu’il ne photographie ? Si au moins on pouvait les voir, ses photos !!

Moi, si j’avais le temps, je peux vous dire que je monterai un p*tain de site web de la mort avec mes quinze clichés noir-et-blanc dont je suis pas peu fier, et Dieu sait que je ne suis pas photographe professionnel !!!

Et pis, excusez-moi, mais dans son texte, Pierrot-Madrid enfonce pas mal de portes ouvertes (sur quoi ? Ben on se le demande...) : VSD contre paris-Match, le Figaro c’est des conservateurs... Parlez d’un scoop sociologique !!

Moi, si je dois encourager Pierrot - et je l’y encourage vivement - c’est de publier ses photos sur uZine, on pourrait juger sur pièces, et pis ça mettrait un peu d’images dans le dedans du poste, parce que à ce rythme, uZine, ce sera le Monde : des mots, des mots, des mots...

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> Melting mon pote, la presse est formidable, Helene, 26 janvier 2001

d’accord avec Guillaume, pour ce qui est des photos...on veut des preuves ! la presse cyber c’est pas fait aussi pour montrer ceux que les journaux genre Monde ne veulent pa nous montrer ?? (et je me demande aussi s’il est vrai que la petite voix de crecelle a un tel pouvoir de decision sur le fait de publier ou non telle image...bon, c’est toujours dictatorial une seule personne qui decide,non ?)
Eh Guillaume, t’as un site avec tes fotos splendides ou pas ?

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> Melting mon pote, la presse est formidable, mict, 1er mars 2001

C’est peut-être parce que t’es pas photographe professionel que tu mettrais tes photos sur le web, quitte à te le faire piquer par toutes les sociétés en mal d’illustration pour leurs rapports de fin d’année.
Si c’était to gagne pain, tu serais un peu plus prudent car on ne peut pas vendre ce qui a été donné. Mais bon, tu dois t’en foutre si t’as un salaire viré toutes les fins de mois, sinon, tu penserais un peu plus strategiquement.

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Pourquoi Pierre Madrid ne montre pas ses photos ?, Photoluc, 13 février 2002

Contrairement au message précédent, je pense que si Pierre Madrid ne montre pas ses photos sur Uzine, ce n’est pas par peur de se les faire piquer.

Je pense que c’est parce qu’il ne veut pas qu’on le reconnaisse dans la profession. De la même façon qu’il utilise un pseudo, il ne montre pas ses photos que certains directeurs photos pourraient reconnaître, et ainsi remonter jusqu’à lui.

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> Pourquoi Pierre Madrid ne, 13 février 2002

Tout a fait exact mon cher Luc. Pour vivre heureux vivont cachés.
Je n’ai pas dis mon dernier mot.

Bonne Route Photoluc

PM.

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