racine uZine

Dans la même rubrique
Les chroniques de Pierre Madrid
18 décembre 2001
24 janvier 2001
11 janvier 2001
 
lundi 22 janvier 2001

Le Monde Illustré 2, 3, 4, 5, et bientôt 6...

L’horreur journalistique, chapitre 13
par Pierre Madrid

« La presse redécouvre le photojournalisme. » Non, non, vous ne rêvez pas !
C’est le titre du quotidien de référence, « Le Monde », le 8 novembre
dernier, qui annonce la sortie de son petit frère « Le Monde 2 ». Et c’est
signé par l’ami des photographes, Michel Guerrin. Bon là j’y comprends
plus rien.

J’étais persuadé que la presse dans son ensemble publiait des photos de
photojournalistes. Alors c’était quoi, des photos de vacanciers, de
plombiers en voyage ? Toutes ces finesses sont un peu trop compliquées
pour le photographe que je suis. Par contre ce qui est clair c’est que
le papier finit par un coup de pub pour « Le Monde 2 » à quelques jours
de sa sortie.

Il est quoi au juste Guerrin, attaché de presse, chargé de com’ pour la
maison ou journaliste ? Moi je me demande un peu. C’est un peu comme si
moi, Pierre Madrid, je profitais de cette Chronique d’Uzine pour vous
rappeler que, comme je suis photographe et que mon patron sort un
nouveau journal, ça serait bien que vous achetiez parce que c’est ce qui
se fait de mieux...

Non mais je rêve. Michel, Michel, calme toi, on va finir par croire je
sais pas quoi de pas sympathique. Bon, comme on est, nous autres
photographes, toujours plein d’espérance, eh ben on l’a acheté ton
journal Michel, et on a même vu ton portrait dedans, dans le numéro 3,
et ça nous a fait plaisir.

Le journal, on l’a feuilleté en regardant les images. Les articles, on
les avait déja lus dans le quotidien. Pour ceux qui lisent encore la
presse. Michel, ton journal on l’a trouvé bien, très bien même. On s’est
dit que c’était du bon travail. Incontestable. Que l’idée de reprendre
des articles déjà publiés c’était bien parce que pas cher. Donc que ton
journal avec plein de photos de « photo-journalistes », il allait pas
coûter cher à faire. Donc il vivrait longtemps et aurait plein de petits
enfants.

On pourrait imaginer des émissions de télé, des documentaires, des
émissions de radio, des expositions, des livres, des cartes postales,
des posters, des tee-shirts, des parapluies, des cendriers, bref plein
de produits dérivés qui trouvant un lectorat (on ne dit pas consommateur
pour tout ce qui touche aux médias, ça fait sale), permettrait à la
presse de qualité de continuer à exercer son sacerdoce dans de bonnes
conditions.

Nous, les photographes, on a été nombreux à le regarder sans euphorie,
mais plein d’espérance, car on est nombreux nous, les photographes.
Certains diront un peu trop. Pas moi, plus on est de fous plus on rit.
J’arrête pas de recevoir des stagiaires qui se cherchent, j’adore ça, ça
me rajeunit, parce qu’elles sont souvent jeunes et jolies.

Et puis tout ceux qui s’y connaissent un peu en économie savent que
l’offre ça stimule la croissance... D’ailleurs, pour qu’on soit encore
plus nombreux, les écoles de journalisme en forment chaque année des
photojournalistes, des caisses entières qui finissent à développer des
photos de vacances dans les Fnac de France et les photo-services de
Navarre. Les stages et les formations sont payants, chères, et il faut
bien le reconnaître complètement inutiles puisqu’on n’y apprend ni à
séduire les responsables photo par des formules magiques, ni à faire la
cuisine pour préparer les assaisonnements des pâtes quotidiennes des
photojournalistes. Et encore moins à remplir les dossiers d’inscription
au RMI.

Je me demande d’ailleurs si ces formations ne servent pas aux boites du
même nom à recevoir de l’argent public et à former des futurs lecteurs
pour les magazines illustrés qui reprennent des articles déjà publiés
dans « Le Monde ». Enfin quand on a lu dans ton journal que c’était Siegel
qui était directeur, et Michel le baroudeur à la photo, on a été
rassurés. Moi ça m’a rappelé le bon temps où le Paris-Dakar était encore
à son apogée, et où VSD en faisait des tartines avec ses grandes photos
qui font rêver dans les écoles de photo, de photojournalisme pardon.

Le Monde 2 va sauver le photojournalisme c’est sûr. Mais comme c’est la
pub qui va sauver le Monde 2, je me demande si ça serait pas plus malin
que la pub finance directement les photojournalistes. Ils seraient mieux
payés, sans intermédiaires, moyennant un contrat comme ceux que les
taxis parisiens ont pour faire de la pub. On pourrait aisément imaginer
les photojournalistes avec des tee-shirts ou des casquettes « Matra »,
« Hermes » ou « Kronenbourg », pendant leurs reportages, et dans les
rédactions quand ils vont montrer leurs photos.

Et même distribuant des échantillons. Une Kro pour le chef Sioux, du
Prozac pour la dame aux plantes, un carré Hermes pour la cheftaine, un
échantillon de parfum pour le roi Karl, etc... Ca serait un truc un peu
convivial. Et dans les services photo, je me permets de te dire que ça
manque un peu. Bon Michel faut que je te laisse. Ton journal, t’as
gagné, on l’achète. C’est promis. Ma grand-mère de 91 ans, je lui ai
dit que c’était un journal entre Géo, Paris Match et le Figaro Magazine,
eh ben elle m’a cru. Elle l’a feuilleté, l’a trouvé très bien et elle
m’a traité de bon à rien parce que j’y avais pas publié une seule photo.
Allez, je te laisse, il faut que je rappelle Michel le baroudeur, j’ai
une plaque sensass à lui proposer.

 
 
Pierre Madrid
Imprimer
format impression

Photographe

18 décembre 2001
 
SPIP
Web indépendant


Le photo-journalisme est mort, vive le numérique-temps réel
22 janvier 2001, message de Emane
 

Pas d’inquiétude, fini le temps du grand Cartier-Bresson en Inde, fini les baroudeurs - sauf les suicidaires en Tchétchénie...
Le temps est venu de la webcam planétaire en direct-live et 3D. Le photojournalisme est mort faute de temps. La photo intelligente disparaît aussi, car, encore une fois, le temps presse.
Enfin bon, je dis ça, hein, pour te remonter le moral, tu peux toujours t’acheter un Nikon D1 !

 
Répondre
Cartier-Bresson ?, 6lunes, 22 janvier 2001

Je ne pense pas que l’on puisse comparer Cartier-Bresson et le photo journalisme.
Ok, la photo journalistique peut-être en déclin mais la photo d’art restera à sa place encore un bon bout de temps à mon avis

Répondre
> Cartier-Bresson ?, Emane, 23 janvier 2001

Petite erreur sans importance : Cartier Bresson a été photo-journaliste, il a couvert Gandi en Inde, etc.... On retrouve tout ces éléments dans sa médiocre biographie par Assouline. De plus, HCB a fondé Magnum avec de sacrés bonshommes, dont Capa, sans doute le plus grand photojournaliste si l’on devait n’en retenir qu’un.

Mais je m’égare.

 
Répondre