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George Gore rencontre Al Bush

par Michael Moore
 

Pour moi, le débat était déjà terminé avec la présentation de l’animateur
Jim Lehrer :

« Bienvenue au Gouverneur Bush et au Vice-Président Bush...
euh, je veux dire Gore. »

Ca résumait bien les choses. Même la Voix de
la Raison ne pouvait s’empêcher d’exprimer haut et clair ce que son
cerveau savait pertinemment - à savoir que ces deux candidats ne
forment qu’une seule et même personne !

Vous êtes fatigués de m’entendre ressasser cette ritournelle ? Mais étiez-vous aussi fatigués hier soir quand « Bush » et « Gore » (ne désirant plus longtemps participer à cette supercherie qui fait de Bush et Gore deux individus bien séparés et distincts, je me dois dorénavant de leur ajouter des guillemets) n’arrêtaient pas d’être d’accord, d’accord et encore et toujours d’accord ?

J’ai bien compté. « Bush » et « Gore » ont exprimé leur assentiment ou leur soutien réciproque trente-deux fois ! Même Lehrer leur a demandé à un moment donné comment l’electeur moyen allait décider quelle était la différence entre eux. « Gore » repondit alors : « Eh bien, je n’ai eu aucun désaccord à exprimer lors des derniers échanges ». « Bush » rétorqua : « Eh bien, je pense que c’est difficile à dire. » Quand « Gore » osa entrer plus tard en léger desaccord avec lui, « Bush » parut tout troublé. « Et ben alors... il dit qu’il est d’accord avec moi - et puis ensuite il ne l’est plus ! », geignit « Bush ». « Gore » retourna alors bien vite à ses assentiments.

Voilà la liste des problèmes et des positions sur lesquelles ils ont clamé leur amour et soutien mutuels la nuit dernière :

- Ils sont tous les deux tombés d’accord sur Israël.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour dire que c’était la faute d’Arafat.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord sur la guerre contre la Yougoslavie.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour accorder plus de fonds aux missiles anti-ballistiques.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour dire que c’était bien de ne pas être intervenu au Rwanda.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour dire que c’était bien d’avoir envahi la Grenade.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour dire que c’était bien d’avoir envahi Panama.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour dire que la guerre du Golfe, c’était bien.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour entraîner des troupes Nigériennes.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour soutenir l’Australie au Timor Oriental.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord sur l’entraînement de troupes colombiennes pendant la Guerre de la Drogue.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour dire qu’ils deploieraient les troupes US « judicieusement ».
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour ne pas « agrandir demesurément » l’armée américaine.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour dire que c’était bien de se débarrasser du Mexique.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour ne pas accorder de prêts aux « gouvernements corrompus ».
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour signer une loi fédérale sur les quotas inter-raciaux.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour dire qu’on ne devait pas permettre aux homosexuels de se marier.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour dire que les chasseurs et les propriétaires avaient le droit de posséder des armes.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour dire que nous avions besoin d’« écoles sans armes ».
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour rendre disponibles gratuitement les « serrures à gâchette ».
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour soutenir les vérifications d’identité lors des concours de tir.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour suivre la « règle d’or ».
- Ils sont tous les deux tombés d’accord pour rendre l’environnement plus propre pour nos petits-enfants.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord sur les examens obligatoires à l’école.
- Ils sont tous les deux tombés d’accord sur un « contrôle local » des écoles.

Et la liste continuait. « On dirait qu’on assiste ce soir à un Love festival », remarqua le commentateur de CNN.

Autres points remarquables : « Bush » racontant comment les adolescents ont le « coeur qui s’assombrit du fait de rester connectés trop longtemps sur Internet », puis disant aux jeunes adultes qui n’ont pas la sécurité sociale et ne peuvent pas se payer leur propre assurance maladie que c’était « dans votre intérêt de commencer à épargner pour vos futures maladies ».

« Gore » déclarant « Je ne suis pas pour faire quoi que ce soit sur les carabines, fusils a pompe et revolvers déjà existant » - en d’autres termes, il ne fera rien pour les 240 millions d’armes en ce moment en circulations dans les chaumières. Il dit aussi qu’il approuvait 7 des 8 dernières invasions militaires US qui ont eu lieu durant les 20 dernières années (maintenant il ne soutient plus la debâcle au Liban, position facile à tenir quand plus de 200 marines sont morts dans ce bunker).

Bien évidemment, tout le monde convient que le moment le plus terrifiant arriva lorsque « Bush », tout en se pourléchant les babines, déclara qu’il allait faire mettre à mort trois hommes au Texas pour l’assassinat de James Byrd (en fait, seulement deux sur trois seront exécutés, mais, bon, c’est un détail quand on a déjà parrainé l’extinction de plus de 140 vies humaines !). « Gore » ne dit rien, puisqu’il soutient aussi la peine de mort.

Mes bons amis supporters de « Gore » furent inconsolables de toute la journée. Ils ne pouvaient croire qu’il était là, assis, et que, à part pour faire remarquer que la sécurité sociale pour les enfants était pourrie au Texas, il laissait « Bush » parler et re-parler, sans jamais contredire ses faits ou ses discours. Les sondages furent unanimes - les gens pensaient que « Bush » avait gagné, et, plus inquiétant, ils commençaient à bien l’aimer et à le considérer comme « présidentiable ». Pour la première fois, beaucoup de personnes considéraient sérieusement l’éventualité de vivre sous l’administration de George W.

Aussi, comme vous pouvez l’imaginer, les e-mails commencèrent immédiatement à affluer : « Mike ! Arrête ton truc avec Nader ! Gore va perdre ! »

Oui, ça se pourrait bien. Mais, laissez-moi vous demander - est-ce la faute de Ralph Nader ou celle d’Al Gore ? Est-ce Ralph Nader qui a dit à Gore de rester assis là comme une mauviette la nuit dernière ? Est-ce Ralph Nader qui a dit à Gore de ne faire qu’acquiescer à tous les radotages qui pouvaient être racontés par Bush ? Est-ce Ralph Nader qui a abandonné la classe ouvrière, colonne vertébrale du parti Démocrate, durant ces 8 dernières années ? Pourquoi diable croyez-vous que Bush est en tête dans la plupart des sondages « pendant la période la plus prospère economiquement de notre histoire » ? Les electeurs ne veulent jamais de changement quand l’économie est en plein boum. Jamais ! Alors pourquoi croyez-vous que c’est en train d’arriver, chers confrères de l’élite informatique et d’Internet ?

Parce que les travailleurs moyens n’ont peu ou prou rien vu de cette soi-disant prospérité ! Ils se défoncent leur cul collectif, vivant de fiche de paye en fiche de paye. Alors vous pouvez bien avaler ce baratin que « 50 % du public possède maintenant des actions », mais la vérité c’est que seuls 5 % - les 5 % les plus riches - des citoyens de ce pays possèdent 75 % de toutes ces actions ! Alors, n’ayez pas l’air surpris si Joe Blow n’est pas aussi passionné que ça à l’idée de continuer la fiesta que Clinton et Gore ont organisée pour Wall Street.

Je suis désolé que les choses tournent mal pour Gore. Comme je l’ai dit plus tôt, j’ai déjà rencontré l’homme et je pense que c’est un type bien. Mais lui et son associé se sont fourvoyés il y a bien longtemps. Et maintenant ils en paient le prix. Cela n’a rien à voir avec Ralph Nader. Cela a tout à voir avec se donner le courage de ses propres opinions.

Ne m’envoyez pas d’e-mail. Envoyez vos lettres a Al « George » Gore, townhall@algore2000.com.

Bien a vous,

Michael Moore.

 
 
Michael Moore
 

Traduit de l’américain par Yves Desgrees du Lou (yeddl@yahoo.fr).

Reproduit avec l’aimable autorisation de Michael Moore (texte original).

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Cinéaste et journaliste américain, réalisateur de « Roger et moi » et de
« The big one », auteur de « Downsize this ! »

6 novembre 2000
 
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> George Gore rencontre Al Bush
5 juin 2003, message de jarod
 

bravo ta raison mickael

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