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mardi 16 octobre 2001

Net bien pensant (3)

La parole officielle des acteurs de l’internet
par Tiresias
 

A quoi sert le FDI, Forum des Droits sur l’Internet ? A quoi servent les associations qui y siègent ? A rien ? Non, elles sont bien utiles, dans l’expression comme dans le silence. L’utilité effective d’une institution n’est parfois apparente que lorsque surviennent des événements qui rendent enfin lisible sa fonction au sein du système qui l’a généré. Des sociologues de l’époque Chicago, ou même des fonctionnalistes, l’avaient déjà dit autrement il y a longtemps : en période de stress, les stratégies deviennent lisibles.

Le FDI est objet de plaisanteries et de dérision, pour sa nature (une fausse association), sa composition (ni les internautes, ni les entreprises ne peuvent se sentir représentés par ces gens), son fonctionnement (autoritaire et conventionnel). Jusqu’alors, il n’avait rien à dire sur rien, sinon sur la civilité, pas plus d’ailleurs que ses composantes. On se souvient peut être que pressé de questions pour donner des avis, ou sollicité pour obtenir le point de vue de tel de ses membres, il répondait invariablement que son rôle n’était que de recueil de propositions ? Aucun avis donc sur la LSI, ni sur l’administration des noms de domaines, par exemple.

Comme écrit sur son site, Le Forum est au service d’une vision de la société de l’information que partagent ses membres et qui inspire son action. La vision en question n’était pas très apparente, hors les propos de convenance tenus dans les rubriques ad hoc, Missions, Valeurs etc., et dans quelques présentations de membres, plus bavards hier qu’aujourd’hui pour dire par exemple qu’il faut veiller au juste équilibre entre liberté et réactions aux abus de cette même liberté. Ceci apparaît d’autant plus nécessaire que les associations habituellement chargées de la défense des libertés semblent avoir du mal à mesurer les implications réelles des nouvelles technologies vis à vis des droits de l’homme... Et aussi, Ne laissons pas nos seuls amis juristes fabriquer le droit, et défendons nos droits.... Amusant, non ?

Aujourd’hui, on lit sur la page d’accueil du FDI qui-n’a-pas-d’opinion une actualité titrée Des amendements contre le terrorisme. Le projet de loi sur la Société de l’information inspire certaines mesures législatives à vocation antiterroriste. Mais c’est juste de l’information, n’est-ce pas, pas de l’expression d’opinion. On y reviendra.

Le stress sus dit est donc venu, sans qu’on l’ait voulu, mais c’est le propre du politique que d’avoir fait ce qu’il fallait en son temps, pour avoir sous la main un ersatz de représentation de l’internet civil, en cas de besoin. Aucune paranoïa dans ces propos, nul ne l’avait anticipé, assurément, mais celui ou celle qui fait profession du bien commun sait ce qui est bon ou sera utile un jour. Des siècles de routine... Les romains ne faisaient pas différemment (on peut consulter avec profit le discours sur la première décade de Tite Live, de Nicolas Macchiavel). Ainsi, le FDI n’est pas inutile, il informe sur la loi, et sa composition n’est pas stupide, elle est utile aussi.

Le fond comme la manière de l’information sont instructifs. Lisant son titre, je me trouve sitôt en terrain familier. On veut que je comprenne que la LSI apporte quelque chose à une lutte dont le caractère fondamental exige que le mot signifiant soit donné deux fois (« contre le terrorisme », « à vocation antiterroriste »). « Certaines », plutôt que « des », et « à vocation », superfétatoire sauf à admettre que ceci se rapporte aux vœux de la nonne, d’ailleurs inspirée, image qui rappelle certaines équipes sous ministérielles chrétienne traditionnaliste d’il y a quelques années. Ainsi, ce présent petit article est inspiré, lui aussi, et à vocation anti bien pensante. Ainsi titrée, la chose n’a rien d’imprévisible ensuite. L’article du FDI dit simplement ce que sont, techniquement, ces dispositions inspirantes. Clair et froid, comme il convient, ce qui confère à ce type de texte une crédibilité d’expertise. Tout expert peut faire de même, sauf qu’ici...

Oui, sauf qu’ici, les experts sont un peu légers, et ne peuvent que répéter les formulations. Le Conseil du FDI est d’apparence très juridique. Mais si l’on enlève quelques mauvais juristes (je n’insiste pas), les faux juristes (énarchie d’origine extrajuridique par exemple), et les non juristes, mais qui sont assertifs sur tous les plans, y inclus celui-ci, à raison d’une expertise dans d’autres champs, il ne reste plus grand monde. Est-ce là la raison pour laquelle nul ne dit cette chose d’essence, que les amendements proposés le sont selon une procédure clairement anticonstitutionnelle.

En bonne logique, le Conseil Constitutionnel doit invalider. Ce ne sera pas le cas, puisque pour ce faire, il faudrait qu’il soit saisi d’une demande de parlementaires en nombre suffisant, et que les acteurs de l’amendement inspiré ont fait en sorte qu’aucun groupe politique conséquent ne se livre à cette facétie anti-française. J’entends par faire en sorte une négociation entre groupes, d’ailleurs facilitée du fait que la droite est pour depuis longtemps. On préfèrera dire que les juristes du FDI sont médiocres, pour leur éviter l’opprobre de la connivence, pire, de la complaisance, alors qu’ils sont censés représenter des acteurs.

Car non seulement, le texte du FDI n’évoque pas ce point, ce qui peut se concevoir étant par nature sous la domination de son institueur financeur, mais encore aucun de ses membres ne pipe mot ailleurs. C’est ici que l’on commence à entrevoir la véritable nature de cette association. Tous liés par la parole obligée de tel ou tel. Les internautes aiment souvent la cosmogonie de Tolkien, aussi verront-ils bien là le projet de Sauron de Modor, tous les lier, au moyen de l’anneau. D’ailleurs, c’était écrit dessus, Le Forum est au service d’une vision de la société de l’information que partagent ses membres et qui inspire son action.
Qui a-t-on ainsi lié ? Tous les partageurs de vision qui n’ont rien de particulier à dire mais qui servent de caution internet, pour des raisons historiques ou mini-maffieuses. Regardons leurs sites, ils sont sans information depuis longtemps (ISOC, ADIM), ou sans information juridique ou sociale de longue date (FING, GESTE, INRIA, AFNIC). Rien n’y apparaît qui soit de nature à déranger l’ordre établi, ou plutôt l’ordre nouveau s’établissant. Car les dispositions en question sont de bien longue portée. On peut lire les analyses proposées par les divers pétitionneurs actuels, IRIS, LSIjolie.

Mais il ne suffit pas de se contenter de donner avec sobriété le contenu d’amendements plus que discutables, mais non discutables dans l’urgence. Encore faut-il parvenir à la fois à créditer le bien fondé de ces dispositions dans le cerveau des internautes, et à introduire quelque compensation gratuite. On y parvient de la manière suivante, en fin d’article. Je cite :
« Un sondage en ligne réalisé par l’institut Politique Opinion les 4 et 5 octobre reflétait que 77 % des internautes français interrogés étaient globalement favorables à "donner aux juges les moyens de contrer plus efficacement l’utilisation à des fins criminelles des nouvelles technologies de la communication". »

Passons sur la langue qui fait refléter ce qui est affirmé, ou calculé. Passons sur le globalement. Passons sur la généralité triviale de la question, qui induit la réponse, surtout après quelques semaines de pression informative. La seule chose intéressante quant à l’intention de l’auteur, et qui dévoile le procédé, est le fait d’indiquer un nombre dans un contexte littéral. Personne après lecture brève ne se souviendra du texte de la question, tout le monde du nombre. Essayez tout de suite sans tricher, vous verrez. Ca s’appelle un effet de saillance. Comme dire bite dans un discours académique. Ceci est une manipulation active.

Poursuivons.
« Ils estimaient aussi en majorité qu’"il faut préserver les libertés individuelles et lutter contre le terrorisme par d’autres moyens que le contrôle du courrier électronique". »

Voilà qui est censé faire passer la pilule, si vous me permettez. Autre lecture, ci-dessus on me prend pour un imbécile, et deux fois. Ceci est-il assez ? Que non, car le sondage comportait d’autres questions et résultats, dont l’un au moins aurait pu figurer dans le texte du FDI, qui aime les nombres, puisqu’il fait 88%, carrément. C’est le pourcentage de ceux qui pensent que le contrôle du courrier électronique risque d ‘attenter aux libertés individuelles. Beau résultat, mais omis pour défaut de convergence... Ceci est une manipulation par omission.

Mauvais juristes, ou complaisants comparses, mais pour la communication, les savoir-faire sont convenables. A défaut d’un destin scientifique ou politique, les membres du Conseil n’auront pas de peine à trouver un emploi dans la vente de cosmétiques.
On disait en début d’article que les stratégies deviennent lisibles en période de stress, c’est le cas quand on lit le communiqué du FDI, accompagné des non communiqués de ses composantes, liés par leur commune appartenance. Et que ce forum avait une utilité, c’est le cas à considérer que ses dires sont pour les décideurs publics ceux de la représentation d’un milieu qu’ils n’aiment ni ne connaissent.

Ainsi demain, par la voie de la médiatisation autorisée d’un morceau de sondage, nous serons les bienveillants complices d’une scélératesse, dans l’idée de qui doit la décider.
A condition, bien sûr, que l’on use aussi d’autres moyens que du contrôle du courrier, tout de même. Rassurons nous, on a prévu d’autres moyens, plus directement efficaces, tiens, la palpation par exemple. Contre le terrorisme ? Non, contre tout ce qui fait problème et qu’on ne sait comment prendre autrement, et pour l’image, bien sûr, nous entrons dans des périodes où des destins se font. Terrorisme ou pas, mais c’est plus pratique avec que sans, ça permet les raccourcis, on ne va pas se priver...

 
 
Tiresias
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27 février 2002
18 décembre 2001
18 août 2002
 
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> Net bien pensant (3)
23 mai 2005, message de PAUL MIRANDE
 

Pour vous donner une idée des dérapages de nos institutions judiciaires,consultez le site :
www.disparusdemourmelon.org
c’est édifiant !!!

un site à voir absolument !!!

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> Net bien pensant (3)
18 octobre 2001, message de zète de la police ?
 

"donner aux juges les moyens de contrer plus efficacement l’utilisation à des fins criminelles des nouvelles technologies de la communication". »
Profiter de l’émoi populaire pour faire passer en urgence ce type de loi relève plus de l’opportunisme sadique ("enfin on peut la sortir, on a un alibi") que de la réflexion démocratique, c’est peu dire.
Les terroristes (qu’ils soient d’état ou non) ont déjà permis par le passé aux américains de justifier leur bouclier anti-missile : ils ont utilisés des avions de ligne en guise de missiles.
On ne trouvera jamais de poudre suspect dans un e-mail, même pas un colis piégé dans un très gros e-mail.
Le terroriste aime les méthodes artisanales, et nous on l’attend sur internet...
Vous imaginez sérieusement qu’un terroriste enverra un mail à un de ses copains pour lui dire : "salut vieux, la bombinnette est terminée. J’irais l’apporter chez dédé, samedi soir, après le match. N’oublie pas mon cd de Cabrel. Si après ta crêpe-partie il te reste un peu de farine, amène-la, on fera des enveloppes. La bise à tous, Marcel.
PS : réponds-moi dorénavant à marcelmarin@aol.com, j’ai des problèmes avec wanadoo."
La raison du flicage du courrier n’est pas le terrorisme, c’est simplement qu’on aime bien fliquer.

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> Communication
17 octobre 2001, message de Tiresias
 

Le 17, l’information sur la loi a disparu de la page d’accueil du forum des droits... On peut néanmoins la retrouver en rubrique Actualité du même site.

A la prochaine pour la suite des aventures de l’information en ligne.

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> > Communication, djibi, 17 octobre 2001

T’es passé trop tot. C’était pour le remplacer par une info cybercrime et démocratie, ou tu liras au sujet d ela loi

Ce dispositif, présenté comme temporaire sur le site du Sénat [senat.fr], n’en a pas moins suscité de vives réactions et commentaires d’associations et d’usagers de l’internet (Imaginons un Réseau Internet Solidaire, Reporter Sans Frontières, LSIjolie …).

Et même sur les amendements

Ils sont annoncés comme des mesures transitoires, applicables jusqu’en 2003 mais aucune précision n’est donnée sur ce point dans le texte même des amendements. Ceci gagnerait à être éclairci d’autant que les dispositions prévues par ces textes ont un caractère qui peut être pérenne.

Enfin, la question de la constitutionnalité de la procédure suivie du fait du dépôt d’amendements en seconde lecture a été soulevée par certains et a d’ailleurs été reconnue comme fondée par la commission des lois du Sénat.

T’es influent tout de même, la chuis épaté.

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> > > Communication, 17 octobre 2001

Aucune influence directe. Le capitaine est intelligent, c’est tout. D’ailleurs, c’est pour ça qu’on tape sur l’équipage, sinon, quelle importance ? Mais sois attentif, il y aura bien un équipier pour se l’attribuer, le changement. On parie quoi ?

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