racine uZine

Dans la même rubrique
Moyens & méthodes
16 octobre 2001
 
vendredi 11 mai 2001

Tragédie des Commons Remix

De la colonisation de l’espace public réel et virtuel tambien
par lagadu

Le témoignage ci-après sur le si bien nommé Sommet des Amériques - yes indeed ce fut un sommet - n’a rien à voir avec Internet, allez-vous penser.
Que si, cela a tout à voir avec une barbarie d’Etat, qui se révèle pour une fois hors toute légitimation « terroriste », tout juste son ombre agitée par les services policiers nationaux et internationaux. Etat d’alerte maximal, couvre-feu, les « casseurs anti-mondialisation » vont frapper. La terminologie, désormais consacrée par les mass-médias à la botte, désigne tous les militants qui estiment qu’il est de leur droit de citoyen de pouvoir manifester là où se rencontrent les puissants de la planète, et pas à 10km, et qui ont l’audace de vouloir passer quand même les rideaux de fer et les cordons de police, fusse en chantant ou en faisant assaut.

Tout à voir donc, avec l’étau qu’une poignée des transnationales assistées par des Etats économiquement démunis (disent-ils), en perte de légitimité et donc prêts à toutes les complaisances et les abandons, pour garder leur part du gâteau.
D’autant plus que l’intelligentsia hautement diplomée des cabinets et comités divers, aspirant à des postes de responsabilité au sein des futurs oligopoles, n’hésite pas à dénaturer, voire falsifier les rapports et notes de présentation concoctés pour nos politiques, qui eux n’ont pas le temps de se pencher sur ces problèmes, en ayant d’autres « bien plus importants » à régler.
Les critères déterminant l’importance d’un dossier par rapport à un autre nous échappant bien sûr, à nous pauvres lambdas.

Tout à voir, disais-je, avec le mouvement frénétique de concentration industrielle et de réglementations destinées à verrouiller la toute puissance du commerce sur tous autres droits humains, relégués dès lors au second plan (on a pu constater le cynisme avec des labos pharmaceutiques affirmant la primauté de leurs sacro-saints brevets sur la vie des non-solvables).

Tout à voir avec les méga-trusts convergents de l’agro-chimie, de la pharmaceutique, de l’alimentaire et des médias, donc tout à voir avec cette « enabling technology » qu’est le réseau, l’un des facteurs déclenchants de la globalisation.
Et, j’y arrive donc, tout à voir avec un internet médium et message dont la privatisation, via le droit d’auteur, droits des marques et brevets, et la hiérarchisation, via la gestion de plus en plus centralisée des noms de domaine et des protocoles techniques, visent à faire de nous des abonnés perpétuels, des paysans sans terre, dépossédés des pâturages communs que nous avions à peine commencé à défricher. Reprise XXIème siècle de la tragédie XVIIème de l’« enclosure » où l’annexion des prairies et terrains jusque là collectifs avait littéralement fait exploser l’organisation sociale. La manoeuvre serait d’autant plus logique qu’elle viserait à démanteler les réseaux d’échange d’informations qui structurent le mouvement, global lui aussi, de refus de la marchandisation, et à tuer dans l’oeuf ledit mouvement en le privant de son efficacité.
Scénario paranoïaque certes, mais pas infondé loin de là, auquel on peut opposer la capacité des hacktivistes-activistes à toujours devancer techniquement d’une
petite longueur l’ennemi.
Mais pour combien de temps. Lorsque l’ennemi, qui s’incarne sous de multiples et identiques formes - FMI, OMC, ADPIC, ZLEA, et autres directives européennes -
use massivement de terrorisme judiciaire, une arme que ne peuvent souvent revendiquer que les plus riches et les plus « éduqués ».
Danone vient de nous gratifier d’un parfait exemple de cette logique.

Lorsqu’on lit le récit que fait Vrinda C. des manifestations, déjà passées au rayon souvenir, de Québec, on ne peut que constater que la guerre est ouverte, et que le pouvoir use de tout son potentiel répressif et manipulatoire, pour montrer à l’opinion publique où sont les « malfaisants ». La « violence non-létale » (jusqu’à quand ?) déployée pour défendre l’ultime bunker, pose on ne peut plus clairement la question à tous ceux,
à nous tous, qui ne voulons être ni « abonnés » ni exclus, la question des armes et des stratégies qu’il convient de mettre en oeuvre pour continuer à se faire entendre. Think about it ! Car le prochain sommet est au Qatar, régime sécuritaire peu réputé pour son respect des droits de l’homme.
Faute de visas, le réseau pourrait être alors l’espace de manifestation par excellence, à condition que le droit citoyen d’exprimer son désaccord, de critiquer, de parodier les nouveaux maitres du monde, soit ce qu’il n’est pas aujourd’hui, reconnu.


- From : "Vrinda C."
- Subject : fuckin’ revolution , man
- Date : Wed, 25 Apr 2001 18:47:02 -0000

J’ai manqué, je crois, pas mal des dernières communications.
Mon esprit et mon corps étaient en un tout autre endroit, et communiquer avec les autres par internet était la dernière chose dont je me fusse occupé.

J’étais plongée dans la folie de la ville de Québec ces dernières semaines,
et je ne suis rentrée chez moi qu’il y a quelques jours. J’en suis encore à
analyser les émotions et à essayer de comprendre ce qui s’est
exactement passé.

J’ai prodigué des soins médicaux de base avec un groupe d’affinité
de mes amis ; tout le monde va bien, curieusement ni eux ni moi
n’avons été arrêtés ou sérieusement blessés. Certains amis qui
travaillaient avec des équipes médicales de rue ont dû affronter
un merdier insensé. Une vieille femme est morte dans son
appartement à cause des excès de gaz lacrymogène, et il y a
des rumeurs selon lesquelles deux manifestants et un officier
seraient morts également. Ceci n’a pas été confirmé, mais
aurait apparemment été diffusé sur CBC, donc certains sont
en train de vérifier pour être surs.

Il y a beaucoup de blessés, une personne a été touchée à la
gorge par une balle en plastique et a été envoyée à l’hopital,
proche de la mort ; elle a du subir une trachéotomie. Il y a eu
des os brisés, des pieds et des mains écrasées, des gens
entassés dans les cliniques de fortune mises en place
par d’autres. Je ne décrirai pas tout maintenant, mais
les gens sont vraiment choqués. D’autres sont encore détenus
en prison, sans aucun soin médical, ni contact extérieur.
C’est horrible et je ne crois pas que les mots puissent
décrire avec exactitude le traumatisme dont nous
souffrons tous. La souffrance, la colère et la rage ne nous
quitteront pas de longtemps, peut-être les garderons-nous
pour le restant de nos jours.

Nous avons avec nous un groupe de cinq gamins qui
ont voulu pénétrer l’enceinte en passant par la montagne,
pour finalement se faire prendre par la police et passer
trois jours en prison. Un ami qui quittait la ville les a
trouvés à la station de bus, ne sachant où aller et les a
ramenés. La police a visé et tiré sur tout le monde sans
discrimination à coup de balles en plastique, de balles
en caoutchouc, de lacrymos. Les ambulances ne pouvaient
pas pénétrer dans la zone « sécurisée » par la police. Les
blessés ont du être transportés, certains envoyés vers les
hopitaux en taxi, certains ont été privés d’ aide médicale
parce qu’ils n’avaient pas la sécurité sociale. Une femme, dont
le pied avait été mutilé par une grenade lacrymogène
qui lui avait atterri dessus, n’a pu avoir accès à des soins
et a été renvoyée aux Etats Unis en bus. A son arrivée,
son pied devra être recassé pour réduire la fracture.
On a tiré sur le personnel soignant et utilisé des fusils
à visée laser pour toucher les gens.

Le samedi soir, il y a une descente dans la clinique. Nous
avons été gazés, les médecins, les infirmiers et les patients
ont été dépouillés de tout ce avec quoi ils pouvaient se protéger
(foulard imbibé de vinaigre, masque à gaz etc.) et contraints
à quitter la clinique sous la menace des armes. La police a
ensuite laché quelques bombes lacrymo dans les escaliers,
et personnel soignant et blessés ont été forcés de partir, sans
autre choix que traverser les nuages de gaz qui venaient
d’être répandus.

Les ambulances ont servi de « chevaux de Troie », s’immiscant
dans la foule, avant que des escouades de policiers
anti-émeutes ne surgissent de l’arrière.

Parallèlement à toutes ces horreurs, j’ai également vu
et pris part à des choses surprenantes et significatives.
Des gens sans masque à gaz, tout juste protégés par des
morceaux de tissus, ont continué de renvoyer les lacrymos
et d’attaquer la barrière, et mené bien d’autres actions dont
je ne parlerai pas ici.

Le sens de la communauté et de la solidarité était incroyable.
On peut se faire des amis proches extrêmement rapidement.
Voir ces choses et être gazé est une manière très efficace d’amener
les gens à s’attarder à des enjeux plus vastes et à essayer de comprendre
pourquoi cette merde leur arrive à eux et à leurs proches.
Plus de tels affrontements auront lieu, plus les gens deviendront
conscients qu’ils n’ont que le choix de participer activement
de n’importe quelle façon. Il devient évident que nous vivons
dans un Etat policier.

Je vais m’arrêter là pour le moment, si vous avez des questions,
contactez moi et j’y répondrai du mieux que je pourrai. Je
vous aime tous et j’espère que vous non plus n’avez pas cru
à ce qu’ont dit ces putains de médias. Les gens lancent des
pierres, des cocktails molotov et prennent la rue pour des
raisons justifiées. Nous avons des raisons concrètes d’être pleins
de rage, d’être hostiles et de nous concentrer sur nous aimer
les uns les autres et tenter de changer ce monde, dans nos
vies quotidiennes et dans chaque option que nous prenons.

Amour toujours

Vrinda.

 
 
lagadu
Imprimer
format impression
19 juin 2001
25 juin 2001
 
SPIP
Web indépendant


> Tragédie des Commons Remix
11 mai 2001
 

Pour ceux qui veulent compléter en ligne, il y a des textes de jean pierre cloutier dans les chroniques de cyberie d’il y a pas longtemps, qui vont dans le même sens.

Quoi, quoi, l’url ? vous croyez pas que je vais donner l’adresse alors qu’on la trouve partout.

Répondre
> Tragédie des Commons Remix, 11 mai 2001

Y’a aussi le lien ci-dessous ainsi que les pages spéciales (en anglais) sur www.zmag.org

 
en ligne : cmaq
Répondre
> Tragédie des Commons Remix, 12 mai 2001

Et un texte que je m’étais mis de côté :

http://www.insite.fr/interdit/2001fev/nice.htm

Répondre
> Tragédie des Commons Remix, 12 mai 2001

Grand merci pour les liens. C’est vrai que j’ai écrit ça un peu vite, à chaud, et que
je n’ai pas vraiement fait de boulot de recherche.

Autre lien possible :http:// www.virtualistes.org/cae1.htm sur la question de l’utilité ou non d’attaquer les bunkers.

Et puis, si tant est que l’on conclut que oui, il reste interessant d’y aller, et j’aurais tendance à dire oui, parce plus ça va, plus la violence d’état se dévoile, devant les caméras
et frappe sans attendre comme tu le disais dans ton texte sur Nice, que les gentils soient remontés dans les bus et qu’il ne reste que

" En gros, toute
la queue du cortège de l’après-midi, ainsi qu’un certain nombre de petits groupes
autonomes, en tous cas sans drapeaux définissant leur appartenance. En les
rassemblant tous, on devait atteindre 5000 personnes. "

il y a le sommet du G8 à Gènes du 19 au 22 juillet.. Bon si le milliardaire et ses copains de la Ligue du Norsd passe, ça risque d’être chaud.
Il a en plus promis à Bush d’être son meilleur embassadeur !

lag

Répondre
> Tragédie des Commons Remix, ARNO*, 13 mai 2001

Le texte de Jean-Pierre (« et autres considérations), avé lé fotos, c’est là...

 
Répondre