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Des crânes bien bourrés
 
vendredi 19 janvier 2001

Le bourrage des crânes au quotidien

par Vykinge
 

Un petit exemple d’assertions pseudo-scientifiques derrière lesquelles se cache (mal, heureusement) la pensée unique.

J’aimerais un jour écrire un petit fascicule qui n’énoncerait rien de neuf, mais qui se voudrait un simple florilège d’expressions de l’impérialisme culturel auquel nous sommes quotidiennement soumis. Il serait bâti sur un certains nombre de lectures et auteurs qui ont en commun de dénoncer la pensée unique régnante. Il pourrait avoir (et aura peut-être un jour) toute une série de frères et sœurs, tant sont nombreuses, si l’on fait preuve de vigilance, les occasions de prendre cet impérialisme « la main dans le sac », c’est-à-dire s’exprimant le plus souvent à leur insu dans la bouche des gens ou les écrits des journalistes (et autre écrivants).

Qu’on me permette, pour illustrer ce propos, de prendre un exemple qui, justement, n’est pas quotidien, puisqu’il est tiré d’une revue dont la masse des lecteurs ne ressort a priori pas du grand public (la revue Sciences Humaines, et plus précisément le hors-série numéro 21 de juin-juillet 1998). On pourrait intituler l’ensemble des remarques qui suivent « Les petits maîtres à penser », désignant ainsi ceux qui profitent de leur alphabétisme (on hésite souvent, à leur sujet, à parler de véritable culture) pour nous asséner, hurlant plus ou moins élégamment avec des loups de plus en plus asservis, que « le communisme est mort », tout en passant sous silence la seconde partie du cri : « vive le capitalisme qui enrichit ceux qui l’encensent ».

Il s’agit de S. Moscovici, connu pour certains ouvrages douteux sur la psychologie des foules. Il affirme avec l’aplomb de celui qui a la Science avec lui que « les éléments théoriques avancés par Freud, tels que l’inconscient ou le complexe d’Œdipe, devenaient, une fois répandus dans la population, de véritables réalités objectives », alors qu’il se déclare, inversement, surpris (mais on ne le croit pas, car il ne « découvre » que ce qu’il veut découvrir) de « constater l’absence de représentations sociales du marxisme » équivalentes de celles du freudisme.
Son propos doit provoquer chez tout lecteur attentif trois réactions qui s’enchaînent.

Première réaction : « Et alors ? » Que je sache, le fait que la notion de réduction du paquet d’ondes ne soit pas familière au commun des mortels n’empêche pas la majorité des physiciens de conserver la mécanique quantique comme hypothèse de travail. De même, le fait que le concept d’habitus n’appartienne pas au vocabulaire de la conversation courante n’a jamais été invoqué comme argument contre Bourdieu (et Dieu sait que les arguments qui ont été parfois opposés à ce dernier sont loin d’avoir la pertinence requise pour ce genre d’exercice, ce qui constitue un magnifique euphémisme).

Deuxième réaction : « Il y a tromperie ! » D’abord, non seulement la notion d’inconscient n’a pas attendu Freud pour exister, mais certaines notions marxistes sont bien passées dans la langue courante (prolétariat, plus-value, dialectique – la dialectique hégelienne n’est certainement pas « du domaine public », etc...). Ensuite, autant le marxisme a été combattu par le pouvoir en place, ce qui pourrait expliquer ses difficultés à entrer « dans les mœurs », autant le freudisme a, lui, été encouragé par ce même pouvoir (il vaut en effet mieux, pour ce dernier, envoyer les gens un par un chez leur « psy » pour qu’ils tentent de s’adapter à la société en place, plutôt que de les voir se rassembler dans la rue pour exiger que la société s’adaptent à eux).

Troisième réaction : « pourquoi ne dit-il pas clairement où il veut en venir ? » En effet, il nous cache ce qu’en fait il veut nous dire, en l’occurence : le marxisme (il n’ose dire communisme ou socialisme, ce serait trop gros) n’est pas entré dans les mœurs (ouf ! on a eu chaud !) contrairement au freudisme, les gens ne sont pas idiots, n’est-ce pas, ils savent où réside leur bien (... comme celui des classes dominantes auxquelles appartient Moscovici, mais ça on le tait). Et s’il nous cache ce fond-là de sa pensée, c’est qu’il souhaite que le lecteur lise ce qu’il n’a pas écrit, ce qui prouverait qu’il a raison. Raffiné, n’est-ce pas ?

Dans cet exemple, on peut constater qu’il n’est pas toujours évident de dénicher l’assertion politique dans un texte qui se déclarant scientifique tend ainsi à se dire a-politique. Première leçon, donc : il n’y a pas de texte a-politique.

 
 
Vykinge
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> Le bourrage des crânes au quotidien
29 avril 2003, message de josue perez emission prend toi en main sur radio cite geneve
 

bonjour

je realise une emission radio sur geneve pour les jeunes qui est realitivement porte sur l information puis des conseils donnees par la suite.
notre sujet de la semaine prochaine est la tele-realite est pour cela si possible j ai besoin d en savoir le maximum si vous pouviez m aider au dela de votre texte qui est fort interressant je vous en remercierai d me contacter par e mail au josueperez@voila.fr
merci

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> Le bourrage des crânes au quotidien
30 janvier 2001
 

Bien dit, la pensée unique existe-elle vraiment et qui peut prétendre la détenir ? Les scientifiqes qui ne parlent jamais franchemment parce que leur vies et leurs discours sont puremment théoriques, a les entendre parler au sujet des ondes nocives des portables, ils faudraient ne plus les utiliser. Quant aux politiques, ils sont tous à mettre dans le même panier, rien n’est apolitique pas plus leurs discours que leurs écrits, ils ne servent qu’une cause la leur. Le marxisme combattait le capitalisme, le communisme la propriété privé, et le socialime l’état liberale. Nous prennent-ils vraiment pour des cruches ? Que des mots tout ça, la réalité est toute différente, tout ceci est fait ou dit pour nous berner et nous empêcher de penser par nous mêmes.

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juste une remarque
19 janvier 2001
 

"il n’y a pas de texte apolitique"
- > il n’y a pas de texte déconnecté de l’auteur et de ses présupposés, tout simplement.

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> juste une remarque, tartar, 22 février 2001

Il n’y a pas non plus de niveau de compréhension déconnecté du lecteur.
Le rédacteur et le lecteur ne parlant jamais "exactement" de la même chose pour des raisons à la fois de sémantique et/ou de culture générale la plupart des échanges sont bourrés de malentendus.
Il faut parfois un certain temps pour constater qu’un discours qui semble pétri de bon sens est émis par un ignare qui s’exprimait hors sujet.
Incommunicabilité ?
Nous percevons le monde de façon personnelle et en quelque sorte nous sommes tous asociaux sans le savoir.
Est-ce le fameux égoïsme occidental ?

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> juste une remarque...de première qualité, Le sénéchal, 30 mars 2001

Ouh la la, je parierai ma chemise ( que je n’ai pas encore tombée...) contre mon abonnement ouhhhèèèbbbeee qu’il y a du sociologue dans l’air ou un gars objectif du genre...Mais j’aimerais poser une question qui me taraude depuis des lustres : Y-a-t-il de l’air dans les sociologues ?

J’ai essayé d’être le plus subjectif possible, j’espère que ça va réussir.....

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> juste une remarque...de première qualité, Vykinge, 30 mars 2001

Non, sociologue, vraiment pas. D’ailleurs, ça me fait tout drôle une réaction à cet article, mon premier sur uZine. Garde ta chemise, donc, et surtout, ne remballe pas ta subjectivité, y’a qu’ça d’vrai, n’est-ce pas ?

Quant à l’air qu’il y aurait ou pas dans un sociologue, à mon (humble, évidemment) avis, ça dépend du quidam qui se dit exercer cette noble profession. Tu vois, entre un Bourdieu et un Touraine (pour ne pas descendre plus bas), il y a plus qu’une certaine masse d’air...

Cordialement

Vykinge

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