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1er novembre 2000
 
jeudi 2 novembre 2000

Ievoli Sunk

Ce qui recommence, ce qui a changé... tour d’horizon subjectif d’une citoyenne en colère
par Pascale Louédec
 

To sink, sank, sunk, me serinait ma prof d’anglais à l’école.
Ievoli Sun.
« Là-bas le soleil s’écroule dans la mer… » chantait Souchon dans La Ballade de Jim.
Ievoli Sunk. On connaît la chanson...

Et encore une fois...

C’est étrange comme les associations d’idées peuvent parfois se former…
Après l’Erikatastrophe qui n’était pas vraiment un poème, le Ievoli Sun, irrise la mer de ses rayons chimiques…
Et encore une fois, nous sommes en colère…
Qui ça nous ?
Ben, nous, c’est-à-dire vous, les gens de mer, les gens du littoral, et moi, et nous, les amoureux de la Belle Bleue ; que l’on a pris coutume de croire si grande qu’elle en serait infinie !
Capable de faire disparaître, au bout de quelques temps de cet infini même, les saloperies qu’on lui balance à longueur de journée, et d’année, avec nos pas si ptits navires, qui ne cessent de naviguer, jusqu’à ce que... craque la barcasse qui se fracasse...

La mer, c’est dégueulasse...

"...les poissons baisent dedans ! " chantait aussi Renaud.
"Et quand le vent soufflera, je repartira, et quand les vents souffleront, nous nous en allerons...de requins..."
Tin tin tin ! Le Renaud, il avait vu juste.
Car, il s’agit bien de requins encore une fois dans cette affaire. De requins de l’économie, des économies, des économies de bout de chandelles, comparées aux enjeux de la préservation de l’écosystème marin et littoral.

L’espoir du profit

La dérégulation du transport maritime, le tout économique de la gestion européenne de ces questions, malgré le précédent de l’Erika, qui n’en est encore qu’à l’heure des bilans presqu’un an après la marée noire ; voilà, entre autres, ce qui nous amène aujourd’hui à cette crise du chimiquier.

Si des bateaux en mauvais état, ou des bateaux plus convenables mais par une mer en colère, naviguent en Europe aujourd’hui, c’est bien que les pressions de la compétitivité, de la rentabilisation, de l’amélioration des gains de productivité en tous genres, poussent derrière, drainent dans leurs courants plus ou moins clairs, des épaves flottantes, des capitaines, taine, taine, à la merci des donneurs d’ordres, et des irisations polluantes, passant par pertes et profits dans le budget des assurances des transporteurs maritimes, ou bien encore, des affréteurs sans foi ni loi... autres que celles du marché, bien entendu.

Le BEA, Bureau des Enquêtes techniques & administratives après Accidents et autres événements de mer (BEA/mer), le rappelle joliment, en citant Shakespeare dans le texte, en exergue de son RAPPORT ANNUEL
1 9 9 9
 :

“ … nous nous savions aventurés sur une mer dangereuse, mais l’espoir du profit possible étouffait la peur du péril probable ; … ”

Les aventuriers de l’économie maritime dérégulée, n’en pensent pas moins aujourd’hui.
Qu’ont-ils à craindre ces armateurs qu’une amende qui sera largement compensée par leurs gains de l’année ? Et les affréteurs ? Quand depuis, le protocole de 1992, ils ne sont pas, en France, considérés comme responsables des catastrophes industrielles qu’ils génèrent sur la mer et nos côtes ?

Passe-moi l’éponge

Une bonne campagne de pub, fera oublier tout cela... dans quelques mois...on passera l’éponge (naturelle ou mutante ?)autant qu’il le faut, sur les vitres versatiles de nos écrans divers, jusqu’à ce que nos yeux bouffis de chagrin et de colère, s’apaisent enfin...
Est-ce bien cela que nous suggère de façon imagée le total-repenti du naufrage de l’an denier ?

Faut croire...mais, le dossier de l’Erika n’est pas encore classé. On en est à l’heure des bilans.

20/20

Sur le site du CEDRE, on peut constater que les accidents sont fréquents et les pollutions qui vont avec, malheureusement, également.

La page "Accidents" de ce site accessible à tous, en sélectionne au moins un par an depuis 20 ans, sous le critère général des " accidents qui ont marqué l’histoire de la prévention et de la lutte contre les pollutions accidentelles (et dans un cas intentionnel) des eaux."

20 accidents, un par an ; sans compter les dégazages habituels...
C’est désespérant, il est vrai.

Et l’on se trouve comme à nouveau surpris par le naufrage du Ievoli ?
Surpris ? Et pourquoi donc ? Au fond, cela n’a rien de surprenant... c’est ordinaire... 20 en 20 ans...

A tirer les leçons de l’an dernier, on n’a pas vraiment pu agir, nous dit-on.
Et n’ont pas encore succédé entièrement les actions, nécessaires, indispensables pour éviter la reproduction sysiphienne du traumatisme, de l’accident à chaque grosse tempête, quand un navire dangereux longe nos côtes.
Alors qu’est-ce qui a changé depuis l’Erika ? Qu’est-ce qui peut faire avancer tout ça ?

Une question de sensibilité

C’est sans aucun doute la sensibilité de l’opinion publique qui a modifié le regard sur ce qui semblait être avant l’Erika, une fatalité plus ou moins acceptée.

La marée noire de l’an dernier, massive, scandaleuse comme toutes les marées noires, et porteuses de tant de ressentiments après les échecs successifs pour la contenir ou la faire oublier ; cette marée noire de l’Erika, a été tout autant qu’une catastrophe écologique, économique, à long terme, une occasion, malgré l’adversité, de progrès citoyen.
Est-ce là une affirmation provocatrice ?
En aucun cas.

C’est un constat que l’on peut faire sans risque, en observant l’actuelle gestion de la crise réitérée par l’Ievoli. Car, malgré un démarrage un peu lent de l’information le premier jour, lundi 30 octobre, on a vu très rapidement ces dernières jours s’instaurer de nouvelles coopérations entre acteurs de la société civile, Marine Nationale et gouvernement.

Ce qui a changé depuis l’Erika

Selon Daniel Goulet :’’Depuis l’Erika, l’état d’esprit est resté le même’’
Membre d’une mission d’information sur le naufrage de l’’’Erika’’ auprès du Sénat, Daniel Goulet dénonce ainsi dans France-soir du 01.11, l’état d’esprit des affréteurs et des transporteurs maritimes, "des armateurs et des sociétés de classification’’. Il oublie un point important du contexte : la société civile qui s’organise et entend bien peser sur ses représentants pour qu’une vraie prise en compte politique et juridique de la situation aboutisse.

On apprend même par l’AFP, la création ce mercredi, d’un "collectif regroupant 21 associations, organisations syndicales et partis politiques s’est créé mercredi après-midi à Cherbourg (Manche) pour dénoncer les risques pour l’environnement, les populations, l’économie et la santé provoqués par le naufrage du naviré ’’Ievoli Sun’’".

La société civile dans la crise

Les organes de presse ont rapidement dépêché leurs correspondants sur les lieux du naufrage ; les gens de la Marine sont venus rapidement témoigner dans les journaux télévisés, les citoyens et militants associatifs ont encore plus rapidement réagi, sur le terrain ou l’Internet, mutualisant leurs propres informations, leurs interrogations, leur mécontentement.
Chacun a pu s’exprimer dès les premières heures d’inquiétude, lorsque l’Ievoli a coulé, sans que l’on prenne les défenseurs de l’environnement pour de doux-dingues attardés, comme la première fois.

Si l’on compare avec l’extrême lenteur avec laquelle la couverture médiatique de l’Erika s’est faite (environ 10 jours après les faits, pour le début d’une "émotion "collective ; trois semaines pour une véritable percée des questions de sécurité maritime dans le débat public via les médias entre autres), on peut trouver un premier motif d’espérance malgré l’adversité.

Des partenaires inouïs

Les citoyens, qui étaient aux premières lignes sur le dossier Erika (souvenons-nous des bénévoles), qui se sentaient désemparés, méprisés, devant le silence des autorités et celle de l’affréteur (qui par son omerta, s’était offert à l’époque la plus calamiteuse campagne publicitaire qui soit), sont aujourd’hui considérés comme des interlocuteurs évidents, comme des partenaires parmi d’autres, en charge de la crise.

L’immobilisme et la langue de bois des officiels, ont déjà perdu du terrain, et l’on voit émerger la volonté réelle de coopérer, de faire pression sur une situation globale innacceptable.

La preuve ? Bruno Rebelle, de Greenpeace France est sur le point, mercredi soir, d’embarquer pour surveiller de près des opérations initiées par la Marine Nationale ! Et ce qui nous aurait paru fort inouï en d’autres temps, il est même accueilli à bras ouverts à la suite d’"une demande officielle auprès de la Marine nationale pour participer aux opérations de surveillance de la zone du naufrage " selon l’AFP.

Il restera à voir, comment après l’originale union des premières heures, chacun pourra trouver sa place sur le bateau, et au sein du débat.

Le directeur du CEDRE, Michel Girin, homme fort occupé en plein coeur de la crise, n’hésite pas non plus à répondre, en personne et avec naturel, aux sollicitations des internautes lambda, issus du Radiophare, dont l’auteur de ces lignes.

Et la cerise sur le gâteau (c’est peut-être trop beau, ça cache quelque chose ?),Christian Balmes, le Pdg de Shell, l’affréteur des 4000 tonnes de styrène qui commencent à se déverser dans la mer, revendique lui, spontanément ce que le droit ne lui réclamait plus depuis 1992, sa responsabilité d’affréteur : "Nous sommes prêts à assumer nos responsabilités s’il y en a, à limiter les risques et a récupérer notre cargaison", a-t-il indiqué, selon une dépêche AFP du 01.11.

C’est sans doute le syndrome Total-Erika qui le pousse à anticiper sur une exigence morale et financière exprimée l’an dernier par la société civile tout entière et résumée par le slogan définitif : "Pollueur, payeur."

Prévenir, dissuader, réprimer

Le deuil n’est pas fait du passage désastreux de l’Erika aux abords de nos côtes ; il ne le sera réellement que lorsque seront retrouvés les équilibres fragiles que la pollution a brisés ; équilibres naturels, équilibres économiques. Lorsque les gens de mer, auront enfin retrouvé des conditions sereines d’exercice de leur métier,lorsque l’écosystème européen, notamment celui des oiseaux, pour évoquer le plus symbolique, aura été restauré ;lorsque les habitants du littoral pourront aborder leur vie quotidienne, faite aussi de tourisme, comme si de rien n’était ; lorsqu’enfin, ce naufrage aura concrètement servi à un durcissement des nécessaires mesures de prévention, c’est à-dire de dissuasion et de répression des accidents maritimes.

Froid dans le dos

Plus de 100 000 bateaux transportant éventuellement des produits dangereux dans des conditions encore alétoires, longent le littoral, remontent, chaque année, le flanc de l’Hexagone, oubien descendent vers l’Espagne, sans qu’on puisse vraiment les compter ; ça fait froid dans l’échine - c’est la réalité.

Et le BEA rappelle que les " NAVIRES DE COMMERCE", notamment les "cargos porte-conteneurs" sont souvent surchargés au mépris des conditions de sécurité, gonflés à bloc histoire de profiter un peu plus du voyage. le rapport évoque éles derniers plans de chargement en pontée ont été réalisés avec des boites chargées à plus de 10t alors que le maximum admissible y était fixé à 3,5t."

A qui la faute ?

Pas aux marins, en tous les cas ou pas en bloc ; aux commerciaux peut-être, du moins, c’est ce que dit le BEA, et on est enclin à le croire :
"Ces chargements non conformes, qui semblent avoir été récurrents, ont été faits, à l’insu du bord, mais pas des services techniques et commerciaux des agences qui ont recruté ce fret et ont établi les plans de chargement en étant plus préoccupés du rendement de la ligne que des normes de sécurité. "

Etait-ce le cas du Ievoli ? Apparemment pas. Doté d’une double-coque, ce qui faisait défaut à L’Erika, le bateau n’était peut-être pas sûr (classé 32/50 par la société d’accréditaion italienne RINA, qui avait également évalué l’Erika) mais en tous cas, il n’était pas, loin de là, en surcharge.

La Shell a même précisé à France 2 :" L’Ievoli Sun, construit en Italie en 1989, dispose d’une jauge de 7.200 tonnes. La coque de l’Ievoli était divisée en 16 citernes en acier inox. Tous les navires de la Marvani sont équipés d’une double coque "selon les plus sévères normes de sécurité."

Apparemment, ce sont ces normes, les critères retenus pour laisser aller un bateau à la mer avec un chargement risqué qui sucsitent aujourd’hui la polémique. Sur la sellette, la RINA, donc, qui a évalué et classé l’Ievoli, tout comme l’Erika d’ailleurs, ce pour quoi elle se trouve aujourd’hui mise en examen.

Paroles, paroles, paroles...

Quels sont ces critères ? Voilà, ce qu’on aimerait savoir.
Selon Rina, promoteur et organisateur d’un symposium internationnal à Genève en 1997 sur la sécurité maritime ( les Suisses en seraient-ils hilares
aujourd’hui...) : c’est le facteur humain qui est le plus souvent mis en cause dans la sécurité ou plutôt l’insécurité maritime !

On trouve même sur le site officiel de la société italienne, un petit article dont on peut traduire le titre par : "Le facteur humain dans la sécurité maritime : intégration de l’homme au
bateau"
On est heureux d’y découvrir que
"Selon les statistiques internationnales, 80% des accidents maritimes
ne sont pas dûs à des insuffisances techniques ou structurelles mais à
l’élément humain. Cela ne recouvre pas seulement l’équipage mais aussi
l’ensemble de la structure d’organisation des compagnies maritimes, à la
fois sur terre et en mer."
Cela est bien vu, quand aux disfonctionnements possibles de la RINA elle-même.

La Rina déplore également que l’attention se soit surtout focalisée sur "toutes les ressources utilisables pour
n’établir que des règles de design et de construction des bateaux " au détriment du précieux facteur humain.
"On a réalisé que pour garantir la sécurité de la vie humaine autant que la
protection de l’environnement marin, il était nécessaire de viser une
meilleure intégration homme/navire, ou plutôt une intégration entre le
bateau et l’ensemble de l’organisation humaine qui fait tourner les moyens
techniques."
Et la Rina de proposer de "porter attention non seulement à l’expérience de l’équipage et ses pratiques, mais aussi à l’organisation de
la compagnie, aux standards opérationnels, aux procédures et procédés de
contrôle."

Le facteur humain ? BEA dis-donc...

C’est bien dit, non ?
Dommage, que Rina n’applique pas sa propre théorie...
La RINA plaide "une prise de conscience" "de ce "facteur humain" pour avoir un impact sur "le
pourcentage d’accidents à réduire."

On a curieusement envie de renvoyer aux beaux parleurs de la RINA, cet extrait accablant du rapport du BEA, où sont évoqués des bateaux, "qui continuaient à être dotés de certificats de sécurité en règle délivrés par des sociétés de classification et donc exploités “en confiance”. "

Car malgré les certificats alloués à ces navires, poursuit le BEA :

"Leur état était[...] tel que la machine ne donnait plus la puissance nécessaire, ou que la coque ou la structure manifestaient de réelles faiblesses sur des zones déjà réparées, et/ou que les panneaux de cale ne présentaient pas l’étanchéité requise, et/ou encore que les circuits de ballastage n’avaient plus l’intégrité nécessaire."

La conclusion du BEA semble avoir été faite pour le naufrage du Ievoli Sun, mais elle ne fait qu’analyser des situtaions malheureusement établies, et antérieures :
"Il en est résulté des ruptures de cloisons internes ou des voies d’eau se concluant par des gîtes excessives entraînant l’abandon du navire, voire son chavirement et sa perte totale ou encore des échouements catastrophiques et/ou de graves pollutions. "

Un pour tous...

Tous pour un !
C’est la devise des mousquetaires, cela pourrait être celle des populations et des autorités européennes confrontées aux accidents maritimes.

Pour l’heure, la solidarité européenne, ne semble pas avoir fonctionné à plein pot. Après l’Erika, la France, touchée comme on sait, a formulé, en février 2000, des propositions destinées à renforcer la sécurité au niveau local et plus largement international, dans le cadre de l’Union. Aujourd’hui, le Ministre Gayssot déplore ne pas avoir été complètement suivi par ses collègues européens. La présidence de la France, semble bien courte, surtout en ces temps de bilans du désastre de l’Erika, pour que soient déjà mises en place toutes les mesures nécessaires à la prévention optimale des dangers de pollution via la mer.

Il est important que les populations civiles des états membres fassent pression sur leurs gouvernements, sur leurs représentants pour que des engagements concrets, globaux, dissuasifs, puissent enfin apporter au continent une sécurité comparable à celle que les américains ont su imposer dans leurs eaux territoriales.
Le grand défi de la coopération internationale est lancé en Europe ; à travers le test de la coopération de crise anglo-normande, face au naufrage de l’Ievoli ; mais aussi plus largement, dans le cadre de la construction d’une véritable Union, celle des citoyens soucieux de leurs espaces publics, maritimes autant que terrestres.

Car ainsi que le déplore Greenpeace France dans son communiqué du 30 octobre dernier :

" Tant qu’une législation extrêmement rigoureuse ne sera pas adoptée pour l’ensemble de l’Europe, les côtes françaises resteront à la merci de nouvelles catastrophes."

Voir le dossier Ievoli Sun sur RadioPhare

 
 
Pascale Louédec
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20 janvier 2001
18 décembre 2001
 
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Web indépendant


> Ievoli Sunk
2 novembre 2000, message de collectif citoyen anti-marées noires de St Nazaire
 

COLLECTIF CITOYEN ANTI-MAREES NOIRES DE ST NAZAIRE ET DU LITTORAL
http://collectif.littoral.free.fr

19 Propositions pour l’Amélioration de la Sécurité Maritime

Sommaire :
Préambule
1- Pour une Garde-Côte Européenne
2- Création d’une CIPIAN
3- Conception des navires
4- Refonte des Affaires Maritimes
5- Modernisation urgente des CROSS
6- Inspection des navires en cale sèche
7- Inspection obligatoire des navires avant d’entrer dans les ports
8- Equipements de réception des eaux de ballast sales
9- Slops et Sludges
10- Eaux de cale et de machine
11- Certificats internationaux
12- Audit des chantiers de construction navale
13- Pratique de la langue anglaise
14- Responsabilité des Capitaines
15- Equipages
16- Service de Pilotage Hauturier
17- Rades ou ports de refuge
18- Audit des systèmes d’aide aux recherches
19- Responsabilités des affréteurs, armateurs et abrogation des protocoles de 1992
ANNEXE

PREAMBULE

La catastrophe de l’Erika, 21 ans après celle de l’Amoco-Cadiz et près de 20 ans après celle du
Tanio, a révélé la carence de tout ce qui avait été mis en place pour qu’on " ne revoie plus jamais
ça " : tout un arsenal législatif, technique, juridique s’est montré inefficace et une grande
confusion a régné, mise en lumière par les différents rapports officiels. Maintenant, chacun y va de
ses propositions, mais le "concept français de la sécurité maritime" réaffirmé envers et contre tout
par les autorités publiques françaises laissent craindre que dans 5, 10, 15 ans, on ne se retrouve
dans la même situation.

Les mesures proposées par le Collectif sont de bon sens, certaines inédites, d’autres déjà proposés
par d’autres organismes, associations ou groupements. Mais toutes ces mesures sont réalistes. Il
est toujours facile de faire des propositions démagogiques telles que celles relatives aux Pavillons
dit de complaisance ou alors les pétitions pour le Pétrolier type E3.
Si elles n’ont pas de fondement, ou si elles ne sont pas suivies d’effet, elles sont inutiles.

1 - Pour une Garde-Côte Européenne :

200 000 navires passent au large de nos côtes allant et venant vers/des plus grands ports de
l’Europe du Nord, à commencer par le plus grand du monde : Rotterdam.
500 navires par jour franchissent la Pas-de-Calais dont les pétroliers, faisant transiter 1 million
de tonnes de pétrole. Tout ce trafic, dans le Pas-de-Calais, passe dans les eaux territoriales sur
40 miles marins.
Pour ces deux raisons, il est impératif que la France édicte et/ou propose des solutions réalistes
et fermes pour éviter que les contribuables français ne payent les dégâts provoqués par des navires
navigant pour le compte des autres états. Il faut dont créer un organisme européen, financés par
tous les Etats Membres, sous le contrôle de la Commission Européenne, qui prenne en charge la
Surveillance des navires de commerce, la Sécurité de la Navigation dans les eaux européennes,
l’Organisation du Sauvetage, la mise sur pied et/ou à jour de la réglementation maritime, etc…
Le collectif demande la création d’une Garde Côte- Européenne, telle que proposée par l’AFCAN
(Association Française des Capitaines de Navires) depuis plus de 20 ans, sous la direction et le
contrôle direct de la Commission. Son personnel doit être composé de fonctionnaires ou contractuels
européens.

2 - Création d’une CIPIAN :

Pour la France, création de Commissions Itinérantes Permanentes d’Inspection Approfondie des Navires
(CIPIAN) telles que définies dans le document annexe (disponible sur notre site internet). Cette
proposition pourrait s’étendre aux autres Etats de la Communauté sous le contrôle direct de la
Commission Européenne.

3 - Conception des Navires :

les transports de produit liquides polluants ou dangereux doivent se faire sur des navires conçus de
telle sorte qu’en cas d’abordage ou d’échouement aucune liquide ne soit répandu dans la mer
(double-coque, navires à pont intermédiaire ou d’autres solutions). Le ingénieurs navals doivent
faire preuve d’imagination en ce domaine.

4 - Refonte des Affaires Maritimes :

L’administration des Affaires maritimes qui, au fil des ans, a montré son inefficacité, doit être
complètement repensée et refondue. Le personnel à Statut Militaire (Administrateur des Affaires
Maritimes) doit être " civilisé " de telle sorte qu’il n’existe qu’un seul corps civil des
Administrateurs des Affaires Maritimes. Cela vaut aussi pour l’Enseignement Maritime : les
professeurs de la Marine Marchande, à statut militaire, doivent aussi être " civilisés ".

5 - Modernisation urgente des CROSS
En attendant l’intégration des CROSS dans une nouvelle organisation des Affaires maritimes, il faut
remplacer d’urgence leur matériel vétuste, par des moyens modernes. Une bonne partie de ce matériel
technique a plus de 20 ans (datant de l’Amoco Cadiz). Outre la vétusté du matériel, il convient de
souligner l’insuffisance des moyens de surveillance et d’intervention en mer.

6 - Inspection des navires en cale sèche :

Tout d’abord il faut revoir de fond en comble la manière dont un navire doit être inspecté :
Le seul moment où un navire peut être inspecté complètement, (un navire même récent peut avoir des
problèmes de structure par exemple) c’est lorsqu’il passe en cale sèche. Donc les limites d’âge
imposée (plus de quinze ans etc…) sont irréaliste : un navire quel qu’il soit et quel que soit son
âge doit passer en cale sèche tous les deux ans (il y a trente ans, les pétroliers passaient en cale
sèche tous les ans et progressivement, on est passé à tous les 5 ans). Dire que l’on visitera un
ballast de pétrolier alors qu’il est en exploitation commerciale (comme le prévoit la Communication
de la Commission au parlement Européen et au Conseil sur le Sécurité Maritime du transport
Pétrolier) , est utopique : aucun inspecteur n’acceptera de descendre dans un ballast d’un pétrolier
qui n’est pas complètement dégazé et ventilé.
Le collectif demande dont l’obligation pour tous les navires à citernes (pétroliers, gaziers,
chimiquiers, méthaniers, etc ..) de passer en cale sèche tous les deux ans maximum et ceci quel que
soit leur âge. A cette occasion, des mesures d’épaisseur des tôles de la coque doivent être
effectuées et les résultats annexés au Certificat international de sécurité de Construction.
Sur l’organisation des inspections : un seul inspecteur (comme le prévoit la Communication de la
Commission au Parlement Européen et au Conseil sur le Sécurité Maritime du Transport pétrolier) ne
peut visiter de fond en comble un navire, surtout s’il est à flot. On peut garantir qu’à six
personnes compétentes, en une journée, un navire peut être inspecté " à fond " et surtout
sérieusement, quelque soit son tonnage et son type.

7- Inspection obligatoire des navires avant d’entrer dans les ports :

Un navire qui entre dans un port en sortira toujours : s’il est arrêté par une autorité quelconque
ou saisi, il encombre un quai, perturbe les opérations commerciales, un contentieux commercial naît,
etc … exemple, si un des grands navires pétroliers qui déchargent au Poste 7 à Donges était arrêté
par un inspecteur, tout le programme d’approvisionnement de la raffinerie de Donges serait perturbé
avec tous les problèmes annexes (parfois graves) qui en découleraient : à notre avis, il est
impératif que les navires soient inspectés AVANT d’entrer dans les ports.
Ces inspections devront comporter un minimum d’obligations édictées par une loi : essai des moyens
de navigation, de moyens de sécurité vitaux, de la barre de secours, de la pompe à incendie de
secours, du générateur de secours, vérifiés en état de marche. Contrôle des certificats
Internationaux. Entrée interdite dans le port si un document est périmé ou si un des moyens de
sécurité ou de navigation ne fonctionne pas.

8 - Equipements de réception des eaux de ballast sales :
obligation pour tous le sports de posséder des moyens, économiquement exploitables, pour recevoir
les eaux de ballast sales des navires. En corollaire, interdiction aux pétroliers de déballaster en
mer, en particulier ceux qui effectuent du cabotage entre ports européens.

9 - Slops et sludges :

En cas de vidanges illégales des slops et sludges, c’est l’Armateur qui doit être pénalement
sanctionné, libre à lui de se retourner contre son Capitaine.
Appliquer des peines de prison ferme et des amendes faramineuses aux capitaines est une aberration
car ils ne sont pas solvables pour de telles sommes et leur responsabilité est déjà suffisamment
lourde au regard de leur statut de salarié.

10 - Eaux de cale de la machine :

Pour tous les navires, les eaux de cale de la machine doivent être dépolluées avant d’être rejetées
à la mer. Les séparateurs doivent fonctionner et la preuve de leur entretien permanent fournie par
les bords. Un système d’enregistrement dit " boîte noire " scellé et approuvé, doit pouvoir être
présenté à toute réquisition des Autorités.

11- Puissance publique, sociétés de classification et certificats internationaux :
En 1994, la directive 94/57/CE du Conseil Européen a institué un système communautaire d’agrément
des Sociétés de Classification. Cette directive abordait le problème général de la qualité de
prestations des Sociétés de Classification autorisées à agir pour le compte des administration
maritimes des Etats membres. Or un des premiers devoirs régaliens d’un Etat est la protection des
personnes et des biens et c’est à l’Etat, par ses services compétents d’agir dans ce domaine : pour
le citoyen c’est une garantie de cette protection. L’Etat ne peut déléguer à des sociétés privées le
soin de délivrer les certificats internationaux aux navires. Pourquoi ne pas faire délivrer les
permis de conduire ou les diplômes universitaires par des sociétés privées, agréées par l’Etat et
payées par ceux-là même qu’ils ont délégation de contrôler.
En outre, qui contrôlera ces sociétés de classification agissant pour le compte des Etats membres
afin, d’une part, de vérifier que les organismes agrées continuent à satisfaire aux dispositions de
la directive et, d’autre part, d’évaluer la qualité de leurs performances, si un Etat membre ne
possède pas un service capable de le faire ?
Les Certificats internationaux réglementaires doivent être délivrés par la puissance publique de
l’Etat dont le navire porte le pavillon. Si cela est impossible, l’organisme privée chargé de le
faire en leur nom, doit être différent de la société qui classe le navire (attribution d’une cote).
En effet, l’indépendance nécessaire des Etats dans l’application de leurs obligations légales et
internationales ( délivrance des Certificats internationaux de Navigation), d’une part, et l’action
de sociétés privées de surveillance et de contrôle (délivrance de la cote du navire pour le compte
de l’exploitant) d’autre part doivent être clairement séparées. Or, elles sont actuellement
confondues, et cette confusion a entraîné les Compagnies Pétrolières à se substituer aux organismes
officiels pour effectuer elles-mêmes les inspections, en créant les " vetting ".

12 - Audit des chantiers de construction navale
Tous les chantiers de constructions navale doivent être audités. Des statistiques internationales
doivent établir le nombre d’avaries selon les chantiers où ont été construits les navires. Il en est
de même pour les chantiers de réparations navales.

13 - Pratique de la langue anglaise :

Tout le personnel de l’Etat en charge de la sécurité des navires, que ce soit les officiers de Port,
l’inspection des Navires ou le Secours et le Sauvetage, doit pratiquer la langue anglaise (lue,
parlée, écrite). Pour ce faire, il doit subir un examen spécifique éliminatoire.

14 - Responsabilité des capitaines :

Le capitaine étant toujours le seul responsable du navire dont il a la charge, tous les moyens
doivent lui être donnés pour qu’il puisse en tout temps et en tout lieu, exercer pleinement ses
responsabilités. Pour ce faire, il devrait être directement recruté par l’Exploitant (Armateur) du
navire (et ne dépendre que de lui) et non plus par l’intermédiaire d’une société de management (il y
en a 450 dans le monde). Il faut donc prévoir des textes internationaux qui définissent l’existence
d’un contrat spécifique liant l’Exploitant du navire et le Capitaine, définissant les obligations
des uns et des autres, e en particulier reconnaissant clairement que le Capitaine, outre les
pouvoirs et les devoirs qu’il détient selon la Loi du pavillon de son navire, est le représentant
permanent de l’Exploitant du navire et son mandataire.
Le capitaine étant le chef d’expédition maritime, l’exploitant doit lui donner tous les moyens pour
assurer sa mission en particulier dans le domaine de la sécurité du navire qu’il commande et dans
celui de la préservation de l’environnement où il évolue.
Un contrat de travail spécial doit lier l’Exploitant du navire et le Capitaine. Ce contrat
sanctionné par l’Etat du pavillon doit mentionner, en plus du salaire, les obligations des parties,
l’assurance que l’exploitant a consenti en faveur de son capitaine. Il doit énoncer les noms de
l’exploitant du navire (PDG), le nom de la " designated person " telle que définie par le code ISM
et, bien sur, se référer aux lois du pavillon du navire. Ce contrat doit être présenté à tous
réquisitions des Autorités de l’Etat du Port.

15- Equipages :

Les équipages doivent recevoir un salaire minimum décent selon le barème établi par la Fédération
Internationale des Ouvriers du Transport (ITF), basée à Londres. La composition des Equipages doit
être conforme à celle également définie, pour chaque type de navire, par l’ITF (représentée en
France par le CFDT). Une clause des contrats d’affrètement (Chart-Party) doit préciser que les
salaires de l’Equipage sont conformes aux barèmes en cours établis par l’ITF. Les quatre officiers
supérieurs d’un navire de commerce, à savoir le Commandant, le second capitaine, le Chef Mécanicien
et le Second Mécanicien doivent être de la même nationalité.

16- Service de Pilotage Hauturier :

Un service de Pilotage Hauturier, basé à Cherbourg doit être créé et étroitement contrôlé par l’Etat
pour éviter que le Pilotage en Manche et Mer du Nord ne soit entre les mains d’intérêts privés,
comme c’est le cas actuellement. Son organisation doit être similaire à celle des Stations de
Pilotage Portuaire.

17 - Rades ou Ports de refuge :

Il devrait être interdit à un port de refuser la relâche d’un navire en cas d’avaries. Des rades ou
ports de refuge doivent être immédiatement prévus et équipés comme tels pour accueillir les navires
en général et les pétroliers en difficulté en particulier. Pour la France, cela pourrait être :
- le Port d’Antifer (Le Havre)
- la rade de Cherbourg
- la rade de Brest
- la baie de Douarnenez
- sous Belle-île
- sous l’île de Groix
- le Pertuis d’Antioche

18 - Audit des systèmes d’aide aux recherches :

Il faut procéder à un " audit " du système Cospas-Sarsat, système d’aide aux recherches et au
sauvetage par satellites, reposant sur l’utilisation de satellites sur orbite quasi polaire de
faible altitude, conçu pour localiser des balises de détresse émettant sur les fréquences 121,5 Mhz
et 406Mhz (EPIRB). En effet, pourquoi 95 % des alertes émises par les EPIRB sont-elles de fausses
alertes ?
Il faut revoir le système mondial GMDSS de secours et de sauvetage dont on a vu, à la " faveur " de
l’Erika , les faiblesses si ce n’est les dysfonctionnements.

19 - Responsabilité des affréteurs, armateurs et abrogation des protocoles de 1992 :

Le collectif réclame la mise ne place d’une réglementation prévoyant la co-responsabilité objective
des affréteurs et des armateurs lors des catastrophes maritimes et pas seulement celle des armateurs
et du capitaine.
Il en découlera l’application du principe " pollueur/payeur " aux propriétaires de cargaisons
dangereuses. Seule une contrainte économique les mettre face à leurs responsabilités et par là même
sera un facteur d’amélioration de la sécurité.
En cas d’accident, en mer et sur le littoral, la compagnie propriétaire des matières répandues devra
en assumer, à sa charge, la récupération complète. Les opérations seront menés par des entreprises
professionnelles et devront débuter dans un délai maximum de 24 heures après l’accident.
De même pour la remise en état des écosystèmes concernés. Il ne sera en aucun cas fait appel à des
bénévoles.
En cas de défaillance du propriétaire des matières répandues, l’Etat prendrait en charge les
opérations puis se retournerait vers le propriétaire pour récupérer les sommes engagées. L’Oil
Polllution Act en vigueur aux USA peut servir de modèle en matière de responsabilité des affréteurs
et armateurs.—

 
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> Ievoli Sunk, 6 janvier 2001

Je voudrai m’exprimer principalement au sujet des transports de matières dangeureuse.
Le pétrole, ça va durer encore quelques années !
Pourquoi ne pas créer un port extrèmement complet et doté d’un système prévoyant pour recevoir la totalité des pétroliers au croisement de leur route ?
Par exemple HUELVA en Espagne.
Les gros tankers y seraient acceuillis, venant de l’Afrique, du sud amérique et surtout ceux ayant passé Suez.
Un port doté d’une stucture parant toute anomalie et respectant les critères énoncés dans vos souhaits, traçabilité du navire, visites régulières, équipage formé et reconnu, rejets des eaux de cales etc....
Créer au sud Espagne un mégapétroport et instaurer un service de bateaux navettes(ceux ci controlés au plus près) qui executeraient les vacations vers le nord de l’Europe ?)
Les compagnies pétrolières ont certainement des idées et de l’argent pour proposer des améliorations, celle ci m’est poussée par le souhaît de ne plus jamais voir nos côtes souillées car il existe des possibilités, construction de pipes par exemple, mais il n’est pas nécéssaire de s’encombrer d’un lourd artifice qui périclitera dans les prochaines décénies.
Il reste malheureux dans cette affaire, que de biens braves marins, soient des dindons dans une farce, qui farcie la panse de boursiers et friquiers qui ne seront jamais insultés !!!

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> Ievoli Sunk, tanguy, 30 décembre 2005

bonjour
un scénario un bateau traverse l’océan entre la france et les etats-unis l’armateur décide de reduire les couts de déchargement des résidus il le fait savoir au bord
celui-ci pompe les hydrocarbures et les rejette à la mer si possible par mauvais temps et personne n’a rien vu et aucun controle,inspection, boite noire,satellite n’y pourra rien changer
l’armateur est là pour gagner de l’argent
les consommateurs pour gagner du pouvoir d’achat
alors qui va payer pour retraiter les résidus qui sont le fond de la cuve du raffinage ?
pétrole que tout le monde consomme

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