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Fantaisie Babelouèbienne pour achever l’année 2000 qu’on nous a bien gonflés avec.

La poussière grise

Final Shutdown
par Max Pétrois

« PLLus que TTtout au MMond... ». Plusieurs rafales de mitrailleuse lourde. Le troubadour de charme multirécidiviste, au crâne de monsieur propre s’écroule dans un rond de lumière. Sa carcasse approuvée Ravensburger.

Je me réveille brusquement. Bêtement heureux. Je zieute l’heure sur mon PalmDriver. Un petit tas de poussière grise le remplace. Je sors de mon sakaviande, intrigué. Je contemple ma vieille toquante à aiguilles pour apprendre qu’il est 7h passé entre 10 et 15. Avec la néotechniquologie, ce qui est bien, c’est la précision. Ca sert pas à grand chose mais ça rassure. On a l’impression de totalmaitriser ce qui nous entoure même si c’est pas la vérité vraie. J’allume ma radio pour les niouz. Mes doigts effleurent un tas de poussière grise. Qu’on dirait du ciment. Celui là même que le Caïd utilise pour fabriquer les bottes de ses concurrents à qui il veut apprendre à nager en bourse. Dans ma cube-cuisine éclairée crûment par ma loupiote verte, je reste hébété face à ma kaftière dont je me rappelle la fonction qu’au bout de quelques minutes. Je me tape des litres de kawa pour mettre en branle mon activité cérébrale. C’est seulement au bout d’un moment que je comprend que c’est dans la nuit que c’était arrivé. Fatalement, ça devait arriver. Avec le flot de giga-informations qui circulaient. Pour vérification, je regarde dans mon salon. Bingo. Un tas de poussière à la place de mon phone. A coté de mon ordimatos, idem. Exit, le chronomodulateur. Poussière. Mon aspiro se les goinfre les petits tas. Slurp. Slurp.

Je m’assois dans mon cyberfauteil en mousse. Pouf. Il l’appelle cyberfauteil, monsieur Confordulogis parce qu’il y a imprimé plein d’arrobase dessus, ça fait topmode et c’est plus cher du fait. Monsieur Confordulogis il est content de participer un peu à la néoconomie. Que nao si tu connais rien à la culture cyber, que si t’as pas la cyber attitude, t’es rien qu’un azbin. Et les gosses, dehors, dans la rue, y te jettent des boulons de 12 à la face. J’ouvre mon niouzpaper-papier frais du jour : « Libération du monde enchaîné ». Ca fait le gros titre en gros et gras. COMMENT TOUT A PÉTÉ CETTE NUIT (lire notre dossier spécial, page 4). Je vais à la page horoscope. Et ensuite page 4. j’apprend que les dégâts sont démesurément importants. Toute la planète se retrouve privé de moyens de communication et d’information. Y a plus que la poste et les niouzpaper. Toute la néo-techniquologie détruite. Mon dos se glace au fur et à mesure de ma lecture. Apparemment, ça a commencé par les antennes GSM. Elles ont grésillé et fondu. Les câbles aériens et sous-marins. Désintégrés. Les fils téléphoniques. Grillés. Les satellites. Explosés. Les paraboles, les tévéanimés, les radios, les fax, les boites à clavier, tous les phones, les chronomodulateurs et autres modemaize. Des tas de poussière grise. Plus rien d’autre. Que dalle. Nada. On allait être obligé d’échanger des idées avec son voisin et ses collègues. L’enfer.

Du fait, le papier à en-tête de la C-O-M. Tu peux te le fumer. Au moment où le Caïd était sur de rester le Caïd. Où il allait incuber comme une bête des ouinners pour l’uémtéés. Où il essayait de convertir certains technopérateurs à la sexualité anale en voulant grignoter des eurokoopek sur la Boucle locale. Au moment où il souhaitait ouvrir les portes de Babelouèbe par la PerfidAlbion. Où il s’était fait des nouveaux potaux, les mayors [1] des bleds et les chambreurs de commerce [2] de notcoin de planète. Pour leur fourguer des Rapidoconnector. Les Rapidoconnector, c’est son truc au Caïd, que même avec son potau, Monsieur Plusquelalumière, Ils développaient les connections à Babelouèbe par tes prises électriques [3]. Il avait même sauvagement fusionné pour fourguer des télécomconnector aux worldcompany. Ropaweb aussi, il avait sauvagement fusionné pour récupérer des eurokoopek, optimiser son portefeuille de sitaforpotentiel et développer des services uémtéés. Vendizavi, lui, il était content, il pouvait écouter de la Zic dans son PhonaNet et allait pouvoir vendre des projections de films sur les ordimatos. Monsieur Sécurité et Monsieur Intelligent aussi, y étaient contents. Ils avaient racheté des Helvétiks antennes parce que leur Psykozmachine, y trouvaient qu’elle grésillait un peu. Not’Gouv.fr, lui, y suivait ça de très loin. Tant que la néoconomie créait du taf. Et Patatras, vla tout le populo réduit à des tams-tams et des pigeons voyageurs. Les scriptokookies et les électrovirus de Vorass sont tous crevés. Alors il s’est rabattu sur les acariens et les cafards. Bazdon, Il en a pour des lustres à se retaper tous ses mégalistings à la main sur des cartofiches. Le Globalrezo. Terminé. La toile déchiré. Les tuyaux de Babelouèbe bouchés à mort par la poussière grise que même avec du Viakal, tu les débouche pas. Mondotour réduit à mon quartier. Amazon lecter s’est échappé et est devenu gourou d’une secte dans le Larzac. Les cadavres des ouinners commencent sérieusement à sentir, alors Néomarket Crugger les a taxidermisé et il a ouvert un musée avec. Il le fait visiter aux nouvelles générations. Pour que les enfants sachent comment c’était la néoconomie avant le Final Shutdown. Et il les aime bien les enfants, Crugger. C’est même son plat préféré. A la Nécroserie, y ont transformé la salle 404 en MacBurger. Au moins, là y savent d’où elle vient leur barbaque. Et moi, specteur des Forces Babelouèbiennes d’Investigation, je suis au technikchomdu.

Assis à ma tablette de cuisine, pour le moral, je me verse une larme de tékilbibine dans ma tassote de kawa. Je me tape quelques triscottes aux oligoéléments. J’entend le vent enfler dehors. La poussière grise salit mes vitres. Elle s’infiltre par mes portes, mes fenêtres. Une bourrasque en transporte des tombereaux. Inquiet, je me lève pour refermer difficilement une fenêtre qui s’était brusquement ouverte. Une autre éclate. Des tourbillons de poussière grise voltigent furieusement dans ma cuisine. J’essaie de ramener à la raison ma loupiote qui gesticule à tout va. Mes meubles tremblent, se décomposent. Les canalisations de l’évier éclatent et un puissant geyser gris frappe le plafond. Mon vaisselier vit sa vie et se décroche du mur. Je me le prend dans la tronche et m’écrase le pif sur le carellage, les jambes coincées par le meuble. Je me retourne pour essayer de me dégager. Et là, mon propre frigogidaire, ce rascal, me bascule dessus traîtreusement. Juste le temps de le soutenir à bout de bras. Mais, au bout d’un temps, mes forces font comme ma femme, elles m’abandonnent. Merdafeuk, mourir écrabouillé, en pyjmoisa imprimé panthère rose, sous de la charcuterie dont je ne saurais jamais si elle était frelatée et des fromages qui puent.

Une voix de morveux par la fenêtre : « Je peux te sortir de là contre trois cartes Povékon. »

Fin de la première partie - suite et fin l’année prochaine

 

[1Lettre de l’Atelier BNP Paribas - Christine Weissrock - 22/11/2000

[2Lettre de l’Atelier BNP Paribas - Christine Weissrock - 15/11/2000

[3Science et vie, n°998 - Novembre 2000

 
 
Max Pétrois
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