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Médiocratie, phallocratie
 
dimanche 26 novembre 2000
Grands principes sur papier glacé

« L’affaire Yahoo » et le Nouvel observateur

Le révisionnisme : non ! La pornographie : oui !
par Marc Laimé
 

« L’affaire Yahoo ! » enflamme tout ce que la France compte de publicistes, éditorialistes. Ils dénoncent les possibles résurgences révisionnistes sur Internet. Et se félicitent que la justice, représentante du peuple français, aît mis un terme à l’insoutenable commerce de reliques nazies que ledit Yahoo !, fort du Premier Amendement de la constitution des Etats-unis, croyait pouvoir poursuivre impunément. Chacun apprécie en son âme et conscience si une démocratie doit, ou non, - et si oui comment -, « réguler » Internet. Ce débat est nécessaire, vital. Il ne fait que débuter. M. Laurent Joffrin, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, se prononce clairement : « C’est la loi qui libère. »

La position de M. Laurent Joffrin, exprimée dans une tribune intitulée « Web et démocratie », publiée dans la livraison de cette semaine de l’hebdomadaire, est éminemment respectable.

M. Laurent Joffrin y affirme notamment : « Ce n’est pas aux PDG des multinationales de fixer les règles du jeu sur le Net. (...) Voilà un premier pas de franchi vers la régulation démocratique du monde virtuel, qui a besoin de la liberté la plus grande, mais aussi, comme la presse et l’édition, d’un cadre juridique conforme aux traditions républicaines (...) Le refus de la loi, du règlement, de l’Etat sont des réflexes nobles et utiles ; la liberté n’a jamais trop de défenseurs. Mais le même refus de la loi, dès qu’on touche à l’économie, nous ramène purement et simplement à l’ultra-libéralisme. Aussi respectables qu’ils soient, les libertaires dans cette occurrence, ne sont que les éclaireurs involontaires des libéraux. Les méchantes langues diraient : les idiots utiles du capitalisme sauvage. »

Tout aussi attaché que M. Laurent Joffrin à l’idéal démocratique, révulsé par toute forme de révisionnisme, pourfendeur dès que l’occasion s’en présente des dérives de l’ultra-libéralisme, la lecture de cette livraison du Nouvel Observateur me conduit à m’interroger.

La couverture de l’hebdomadaire annonce le titre de son dossier de la semaine : « Pouvoir, les femmes attaquent. » Un dossier de dix pages, tout aussi respectable que la tribune précitée de M. Laurent Joffrin. Il se conclut, en page 32, par une interview de Mme Elisabeth Badinter, titrée : « La nouvelle frontière du féminisme. »

Les pages 36 et 37 du Nouvel Observateur de cette semaine sont consacrées à un encart publicitaire.

Un encart publicitaire sobrement titré « J.M. Weston », une marque de chaussure.

Le visuel de cette publicité présente en avant-plan la jambe et la chaussure d’un homme assis, hors-cadre.

Une jeune femme, ravissante, nue sous un gilet « panthère », aux lèvres violemment fardées, fixe, assise sur une bergère, sur fond de décor somptueux, le pied de l’homme, sa chaussure.

Il nous est fort peu celé des hanches et de la poitrine de la jeune femme.

L’invite, le message - si peu subliminal -, sont explicites.

« Au pied ! »

« Il a la chaussure, il aura la femme. »

(La plus élémentaire équité engage à signaler que dans son édition datée du mardi 21 novembre 2000, Le Monde, « quotidien français de référence », a lui aussi publié cet « encart publicitaire », en page 5.)

La page 43 de la même édition du Nouvel Observateur est à nouveau affermée à un encart publicitaire. Il s’agit cette fois d’un parfum.

Une autre jeune femme, dont le décolleté laisse apparaître l’un des seins, est en passe de succomber à la fougue d’un jeune homme, dont la position ne laisse subsister aucune équivoque sur les intentions qui l’animent.

La page 47 de cette même édition du Nouvel Observateur accueille un nouvel encart publicitaire. Il s’agit du parfum Opium, de la société Yves Saint-Laurent.

Entièrement nue, une jeune femme, seule, très belle, violemment fardée, allongée sur un drap de velours, une main posée sur le sein, s’offre à l’on ne sait quels assauts, et semble en passe d’atteindre l’extase.

Ces « publicités » sont « licites », au regard du droit français. M. Laurent Joffrin rappelait, dans la tribune précitée, que « la presse et l’édition (disposent) d’un cadre juridique conforme aux traditions républicaines. »

Je me prends à douter soudain de mon entendement.

Qui sont les « idiots utiles du capitalisme sauvage ? »

Il est juste et bon, nécessaire, impératif, de fustiger les activités, absolument condamnables j’en suis d’accord, des tenants d’une « Nouvelle économie » pour qui la commercialisation de reliques nazies, puisqu’elle se peut pratiquer Outre-atlantique sous couvert du 1er amendement de la Constitution des Etats-unis, serait licite.

On peut et on doit fustiger ces atteintes intolérables à la mémoire des victimes de l’Holocauste.

On peut tout aussi bien proférer toute forme d’excommunication sur ces sujets, dans les colonnes d’un magazine offrant une vision de la femme comme prostituée y proclamant, outre son avilissement consenti, le bonheur éperdu que lui procurerait la promotion de la marchandise, réduite à ses plus élémentaires atours.

Singulière époque. Singuliers principes. Singulière morale.

La défense des libertés et des droits de l’être humain ne se divise pas.

Promouvoir délibérément une image dégradante de la femme signe en creux que les grands principes ne résistent guère à l’emprise de la publicité.

Dommage.

 
 
Marc Laimé
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Journaliste, coordinateur du dossier « La Folie de l’Internet » du Canard Enchaîné

 
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> « L’affaire Yahoo » et le Nouvel observateur
30 novembre 2000, message de Gérard Vansteene
 

D’accord avec vous monsieur Lainé pour votre reflexion sur les pubs du NO, donneur de leçons mais qui ne fait de la pub qu’au niveau "hauts revenus" voir aussi les annonces immobilières de fin du journal !

En ce qui concerne la honte de voir Yahoo USA vendre en france des horreurs comme Min Kampf je vous renvoie au catalogue de la très officielle et de gauche librairie "Jeanne Laffitte" à Marseille qui dans son catalogue , page 85 propose 3 livres de cet auteur dont 2 en français et un rédigé "à la demande de Martin Bormann"
Paille et Poutre...
Gérard Vansteene

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