racine uZine

Dans la même rubrique
Surf nazis must die !
 
samedi 23 septembre 2000

Sur les sites de haine

par Lirresponsable
 
 

Le débat actuel sur l’opportunité d’une régulation pose mal le problème, et transforme dans une forme polémique toute critique en plaidoyer pour le nazisme et tout contradicteur en nazi (potentiel). Ainsi il y aurait nécessité de réguler parce que la liberté d’expression a des limites. Et, tout comme d’autres supports médiatiques, le Réseau devrait lui aussi recevoir une législation.

Ce raisonnement a l’apparence de la validité. En effet, il confond dans un premier temps la possibilité d’abus avec la liberté, comme si non seulement le dévoiement était l’usage normal et représentatif, mais aussi comme si l’absence de limite signifiait nécessairement un chaos, où règne la lâcheté et la complaisance pour le pire.
Alors même que la loi s’applique déjà : la liberté d’expression n’a pas de limite (a priori), il y a des abus sanctionnés par la loi (a posteriori). Ensuite il plaque une symétrie éminemment discutable en ceci qu’il méconnaît la nature spécifique du Réseau.

On a déjà relevé les discours sur la dramatisation (compréhensible), les excès, la réduction, qui le plus souvent se servent des « sites de haine » comme d’un prétexte. Malgré la nature délicate du débat (à causes des drames historiques), il convient cependant d’examiner les évidences avancées et les arguments, afin d’en déterminer la réelle portée ainsi que leurs conséquences. Sans pour autant prétendre apporter d’un seul coup l’ensemble des solutions à ce problème complexe.

Qu’est-ce qu’un « site de haine » ?

La catégorie de site de haine est relativement imprécise, elle regroupe des positions différentes (politique, propagande, etc.) et comporte des distinctions (raciste, klaniste, suprématiste, etc.). D’autre part cette terminologie laisse supposer que le reste serait constitué de sites d’amour ; division fragile.

En général, quand on parle de sites de haine, on n’y inclut pas les sites anti-Microsoft, les sites de supporters, les sites anticapitalistes, etc. On entend donc des sites politiques, militants, situés à l’extrême droite.

L’extrême droite est elle aussi une nébuleuse regroupant des partis et des idées parfois opposés. Malgré par exemple l’internationale paradoxale des nationalistes (les liens, les réseaux, les cercles), elle est présente dans à peu près tous les pays du globe et liée à un particularisme national. Le point commun peut-être trouvé dans les thématiques : racisme, antisémitisme, anti-féminisme, fascisme, anticommunisme, etc. L’antisémitisme est un cas spécial car il permet une union contre une minorité désignée comme ennemi commun (c’est pourquoi, on a pu le définir avec raison comme le socialisme des imbéciles).

La représentativité des sites de haine

Qui représentent-ils ? Combien sont-ils ? En partant d’une hypothèse de 4000 sites (estimation large et critiquable), on voit tout de suite que rapportés au nombre total de sites, on a là une frange extrêmement minoritaire. Petite quantité non négligeable certes, mais bien loin du prétendu raz de marée médiatique.

Ensuite, en tant que site politique virulent et militant, il est plus remarquable, ce qui ne signifie pas qu’il ait plus d’audience (des visiteurs) et de crédit (des visiteurs convaincus par le message).

D’autre part, avec les facilités techniques, n’importe qui peut ouvrir et maintenir plusieurs sites. Des groupuscules qui jusqu’ici restaient dans un anonymat médiatique gagnent une visibilité. Gain qui n’est pas forcément inutile afin de faire sortir de l’ombre ce qui se cache.

Il faut donc distinguer entre la multiplication de tels sites (ce qui laisse supposer une contagion) et le clonage (la répétition d’un même message à différents endroits, souvent par le même groupe). De même s’ajoute une facilité de la provocation avec la certitude d’obtenir une publicité.

Là encore, n’importe qui peut fabriquer une page avec une croix gammée, et être assuré d’une reprise dans la presse médiatique. Cette possibilité ne minore aucunement l’existence de groupes organisés, mais illustre un mode de provocation parfois non politique.

Comme tout militant politique, un site raciste cherche à diffuser son message, à toucher un large public afin de le convaincre. On comprend donc que la provocation fasse partie de la propagande : faire croire que le message se multiplie (quitte à le répéter soi-même sous différents pseudos), faire croire que son message est vrai parce que censuré, faire croire que des lobbies existent puisqu’il est censuré. On donne donc plus de consistance à une quelconque théorie du complot en la censurant, qu’en laissant crier dans le vide son promoteur.

Dans ces conditions, parler de multiplication des « sites de haine » c’est faire leur jeu, et brandir la menace de la censure leur offrir le masque de victime de la vérité.

Influence du message de haine

Les partisans de la censure objectent alors que le discours de haine, en plus d’être faux, est trompeur, donc nuisible. Puisque leurs promoteurs militent, c’est qu’ils espèrent convaincre. Donc pour les empêcher de convaincre, censurons.

Remarquons, bien sûr, que ce n’est pas parce que j’espère convaincre que je vais convaincre (la prophétie n’est auto-réalisation qu’avec le pouvoir). Les partisans de la censure parlent alors du pouvoir du discours, et affirment que les mots tuent. C’est pourquoi, de manière préventive, afin d’empêcher de futurs massacres, il faut censurer. Rien n’est moins évident, malgré le poids de l’histoire.

En effet, les discours de haine ne deviennent efficaces que dans les mains de l’Etat. Les génocides sont organisés, planifiés, exécutés par l’appareil d’Etat (propagande, police, armée). Et nous sommes heureusement sous nos latitudes, loin d’avoir un pouvoir raciste.

L’endoctrinement de masse suppose un média de masse, et plus précisément un diffuseur unique sans possibilité de critique. Ce qui n’est justement pas le cas d’Internet.

La publicité devient efficace, non seulement lorsqu’elle relaie ou exploite un désir déjà présent, mais surtout par la répétition d’un même message non critiqué, parfois jusqu’à la saturation (le matraquage). C’est pourquoi les campagnes publicitaires de masse prévoient le nombre de diffusions, achètent en masse de l’espace, jouent de préférence sur les registres émotifs ou esthétiques.

Il s’agit de communication = s’assurer par un contrôle total de la diffusion et de l’élaboration du message que ce dernier touchera la plus grande audience. Ce qui suppose une simplification proportionnelle du message, c’est à dire jouer sur un niveau cognitif minimal. La propagande de haine offre l’exemple le plus parfait de l’essence de la publicité.

Internet en tant que média où le récepteur est aussi émetteur neutralise l’absence de critique, et en tant que Réseau de réseaux fragmente l’audience. C’est pourquoi pour les marchands l’intérêt d’Internet réside dans la possibilité offerte de faire un ciblage précis, des campagnes courtes et sur mesure. Pour toucher un large public, un site Internet fait de la publicité à la télévision.

Il est alors stupéfiant d’entendre ceux qui ont offert régulièrement des tribunes télévisuelles aux discours de haine crier aujourd’hui à propos des sites de haine et braquer la lampe de police sur Internet. Curieuse amnésie qui est dénégation de sa responsabilité en tant que médiateur, et permanence de la recherche d’audience.

Le pouvoir des mots

A une moindre échelle, le meurtre raciste semble pourtant le résultat d’un tel discours. Du moins préparé par ce dernier. Il y a là une croyance au pouvoir des mots, qui trouve son origine dans un modèle religieux, et ne rend pas compte de la particularité des cas.

Ce modèle est en grande partie d’origine biblique. C’est le cas dans la Genèse (création du monde), et dans l’évangile selon Jean (le Verbe divin), par exemple. Ensuite, certains s’intéresseront à la langue adamique (celle d’Adam qui nomme les créatures, celle avec laquelle Dieu communique avec Adam), et les spéculations de la cabale porteront en partie sur l’alphabet divin (comment créer au sens fort avec des lettres) ; pour aller vite. On trouve une survivance dans le mythe fameux du Golem, créature animée qui porte sur son front Emet. En effaçant l’alef, on a Met (la mort), et notre Golem n’est plus animé.

La croyance au pouvoir du Logos (discours) a bien sûr d’autres origines, notamment dans l’identité grecque du penser et de l’être, mais inscrire une fatalité de l’efficience du discours hors de l’argumentation véritable (y compris et surtout raciste), c’est postuler une sorte de modèle magico-religieux (bien que d’anciennes divinités donnent leurs noms à certains serveurs sur le Réseau). Et ensuite, faire comme si le public n’était qu’un ramassis de crétins.

En effet, il faut poser le problème de la réception du message et donc de son traitement par un sujet. Devient-on raciste en surfant sur un site raciste ? La question n’a pas vraiment de sens, pour plusieurs raisons.

Il faut distinguer entre un racisme diffus et indéfini (en gros le poids des préjugés qui explique le fonctionnement des blagues racistes et le mépris au quotidien) et le racisme en sens strict, en tant que fausse théorie scientifique qui prétend expliquer et classer les hommes par leur appartenance à une « race ».

Les comportements et les idées racistes, au sens large, n’ont pas attendu Internet pour exister et non pas été réduites par Internet, qui est ici le strict reflet de la réalité sociale.

Le risque que quelqu’un de non raciste le devienne pas une lecture théorique sur Internet est donc très faible. D’autre part, le racisme en tant que fausse théorie s’effondre par une démarche argumentative sérieuse. Comme les sites d’astrologie, il conforte les préjugés, jouant sur un registre sentimental (ou passionnel) et fournit un modèle explicatif pauvre, d’un symbolisme ridicule. Pourtant personne ne réclame l’interdiction de tels sites.

Le discours de haine ne peut toucher qu’une haine déjà présente, confortée par une précarité économique ou un manque culturel. Véritables problèmes qu’une censure moralisatrice escamote. La circularité est-elle alors renforcée par les sites de haine ?

Sans doute comme toute circularité, mais le discours sur la multiplication et la diffusion réussie réduit les récepteurs au niveau d’automates (ou d’enfant à protéger malgré eux) et ne règle aucun problème. Il interdit même un traitement véritable en voulant faire disparaître les manifestations de la maladie (la peste brune) en cachant les malades. Pour filer la métaphore médicale, il prend l’expression de la haine comme une souche contagieuse, et veut enfermer les malades. Malades qui soliloquent ou crient dans le vide cybernétique.

On retrouve en fait l’autre versant de l’utopie de la communication, aussi erroné que le premier : à la place des hommes tous frères grâce au Réseau, la haine des hommes grâce au Réseau. Croyance technique, nouvelle religion, qui fait du support (qui est un moyen) la cause ou la fin.

Répétons encore une fois que le Réseau est un outil démocratique et permet l’exercice nouveau d’une participation de tous aux débats, contre les monopoles. Ce qui signifie pas une concorde ou une fraternité automatique (la présence des sites de haine le montre, et leur domiciliation pose d’autres problèmes). Mais on n’instaure pas la dictature parce qu’il y a des ennemis de la démocratie en petit nombre, tout comme on ne prive pas de droits civiques tous les citoyens parce qu’il y a des criminels.

 
 
Lirresponsable
Imprimer
format impression

AMOK-FAAA
Memento finis

6 octobre 2003
13 septembre 2001
9 septembre 2001
 
SPIP
Web indépendant


> Sur les sites de haine
12 novembre 2004
 

la liberté d’expression n’a pa de limite c’est vous qui censuré vous ete donc des affreu fachiste

Répondre


> Sur les sites de haine
23 novembre 2002, message de zack
 

voilà bien posé ce probleme de limite...

La liberté d’expression sans restrictions aucune n’est plus une liberté à mon avis.

Il faut une limite, toujours, la liberté d’expression a une limite : celle qui consiste a exclure une catégorie de de pensées et d’idées jugées dangereuses, subversives.

Aujourd’hui sont exclus les sites inspirant la haine raciale, phédophiles ou exploitant violemment l’enfance ... certes... exclus également les sites d’approvisonnement en armes (au moins en France) ...bon ...mais aussi les sites inspirant à la constitution de factions ou milices voire certains sites sectaires ... mais encore ?

Mais encore ? et bien tout ou rien, du moins
ce que les pouvoirs publiques auront jugés subverssif ? Et alors ? Indirectement "c’est nous qui décidons", la justice au visage jurisprudenciel doit bien avancer, c’est aussi un tracas des électeurs que nous sommes... qui avons investi notre voix à ce gouvernement qui conduit les pouvoirs publiques....

Il est vrai qu’il tire un peu sur tout ce qui bouge, mais dans les circontances actuelles...

Répondre
> Sur les sites de haine, national-sozialistische, 14 mai 2003

On parle de liberté d’expression ; mais tout de suite après c’est "censure" car "manipulation" ... Vous ne trouvez pas qu’il y a quelque chose qui ne va pas ??
Je m’explique ... Pour moi la seule et unique manipulation véritablement existante que ce soit sur le net ou même ailleurs, c’est celle du braquage "anti extrème-droite" ! Est-ce que au moins l’un de vous s’est donné une seule fois la peine de regarder dans le sens de la droite extrème ? je parle biensur sans préjugés ni critiques !
Non ? Et bien je n’ai aucun étonnement à cela vu la "MANIPULATION" dont "VOUS" êtes victime !
Et, bien personnelement, je ne me sens aucunement manipulée ; étant donné que personne ne m’a censuré les autres partis et idées politiques.
Sur ceux, c’est tout ce que j’ai à dire ! Bonne (ou mauvaise) continuation à vous ; traitres de votre nation abandonnée à la mondialisation.
WPWW 14/88

Répondre
> Sur les sites de haine, orlando de rudder, 7 mars 2006

La liberté n’a pas de limites !!!! Aussi le problème de la haine mérite d’autres réponses. Si je m’insurge parce que Mein Kampf est interdit, ce qui permet un profitable trafic, c’est que ej crois qu’il serait bon de l’étudier d’une façon critique et vigilante dans les écoles.Hé oui : éduquer, instruire.. donner les armes humaines contre ces discours : la culture, encore !!!! éduquer l’esprit critique et l’étude de certains textes, en en montrant par uen stricte analyse de discours, l’aspect fallacieux et dangereux me semble bien plus efficace que la censure ! J’essaie parfois de le faire sur mon blog et je me fais évidemment engueuler !!!hi ! hi !

 
Répondre