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mardi 16 janvier 2001

Supplique à Mme Catherine Tasca

Taxez les plagiaires !
par Marc Laimé
 

Lettre à Madame la Ministre de la Culture, aux fins de rendre justice à un million et demi d’internautes, citoyens, contribuables, odieusement pillés chaque jour. Et très démocratique proposition de taxation des fossoyeurs de la culture.

Madame la Ministre,

Un million et demi d’internautes français sont interpellés par votre toute récente annonce.

Un million et demi d’internautes français auto-publient sur Internet leurs travaux, expériences, pensées, écrits...

Cette admirable libération de l’expression tisse, conforte, revivifie le lien social, dans des proportions hier encore inconcevables.

Au regard de cette expérimentation, les quelques excès, tout à fait condamnables, qui sont la rançon de cette innovation apparaissent bien mineurs.

La loi et la jurisprudence témoignent à l’envi que le corps social, la justice, n’ont jamais à ce jour dû avouer une hypothétique impuissance à réguler cette nouvelle forme d’expression.

Ceci en dépit des protestations forcenées émises par les tenants de diverses cléricatures, fort inquiètes de voir s’éroder leur monopole sur la fabrique de l’opinion.

Madame la Ministre,

Vous vous proposez d’instaurer une taxe sur tous les supports autorisant la copie numérique. Taxe qui permettrait d’accorder une légitime rétribution aux auteurs qui souffrent de voir leurs oeuvres indûment reproduites par des acteurs n’ayant ni droit ni titre à ce faire.

Mesurant la difficulté de votre tâche, dès lors notamment que votre collègue de Bercy a déclaré ce jour s’opposer fermement à votre initiative, je me permets d’attirer votre attention sur le point suivant.

Un million et demi d’internautes français expérimentent de nouvelles formes de socialité en s’exprimant sur le réseau.

Loin d’y véhiculer de très marchandes préoccupations - qui témoignent au demeurant dans la période de leur consternante impéritie -, ces internautes, ces citoyens, y témoignent en actes de leur attachement aux valeurs fondamentales de la démocratie.

Ils y réinventent une culture du don, de l’échange, de la gratuité, de la réflexion et du travail partagés.

Ces internautes, simples citoyens, militants associatifs, enseignants, universitaires, artistes..., sont très directement concernés par votre projet de taxation.

Non pas qu’ils s’émeuvent, à mon sens, de la taxation que vous proposez d’imposer à des acteurs dont le mercantilisme le dispute à une sottise désormais avérée.

Touefois cette taxe ne manquera pas de peser sur leurs activités. Les calamiteux marchands précités n’auront bien évidemment de cesse, si vous parvenez à vos fins, de faire peser sur leur clientèle le poids de cette taxe...

Madame la Ministre,

Ces internautes, ces citoyens, sont très directement concernés par votre projet.

A raison, notamment, de pratiques éhontées que tant l’équité que la plus élémentaire moralité publique devraient conduire les représentants du peuple à réprimer avec la dernière énergie.

Il appert en effet, Madame la Ministre, que les représentants a priori les plus respectables de l’industrie, la presse ou la réclame se livrent, jusqu’ici dans la plus totale impunité, à un pillage absolument scandaleux des oeuvres du million et demi de citoyens, au nom desquels j’ai l’audace de vous interpeller.

Tenir la chronique de ces débordements excède l’humaine condition.

Je me permets néanmoins de vous indiquer ci-après l’adresse à laquelle il vous sera très aisé de vérifier - entre mille et un exemples dont nous pouvons au demeurant nous attacher à vous faire tenir un très consternant florilège -, la matérialité des affirmations qui précèdent :

« Sources et citations : lettre à M. Edwy Plenel.

16 janvier 2001

par Marc Laimé

Les journalistes du quotidien français de référence ont de bonnes lectures. Uzine2 entre autres. L’ennui c’est qu’ils oublient parfois de citer leurs sources. Le directeur de la rédaction dudit Monde, M. Edwy Plenel, rappellera-t-il ses troupes aux bons usages ? »

Lire l’article :

http://www.minirezo.net/article418.html

Considérant par ailleurs que l’un de nos lecteurs, apparemment très bien informé, réagit avec une rare lucidité à la dénonciation de ces odieuses pratiques qui achèvent de déconsidérer ceux qui s’y livrent, je me devais de vous faire tenir ce qui revêt l’allure d’une très originale proposition de taxation des abominables forbans qui sévissent sur les réseaux. Et y acclimatent une sous-culture de la rapine institutionnalisée, dont j’imagine, et qu’elle vous répugne, et que vous aurez à coeur de la combattre avec fermeté.

Si d’aventure vous deviez en retenir le principe, ne doutez pas, Madame la Ministre, qu’un million et demi d’internautes français auraient le sentiment d’avoir, enfin, été compris par l’un des représentants du personnel politique, dont les difficultés récurrentes à appréhender les véritables enjeux de la société de l’information nous plongent, chaque jour ou presque, dans une affliction, dont je suis intimement convaincu que vous en percevez, tant l’ampleur, que les périls dont elle est porteuse pour le gouvernement que vous honorez de votre présence.

Ce million et demi d’internautes vont hélas, en leur qualité de contribuables, être appelés à supporter financièrement les conséquences déjà trop visibles du désastre financier résultant des calamiteuses simagrées auxquelles se sont livrées les tenants de la « Nouvelle économie. »

Et, c’est un comble, se voient odieusement pillés en permanence par les tristes vautours précités !

Madame la Ministre,

Je ne doute pas de l’accueil que vous réserverez à cette proposition.

Elle présente, sous réserve de l’examen approfondi qu’elle mérite, et qu’il vous est loisible de confier à toute commission ad hoc qu’il vous plaira de constituer, l’incomparable avantage de vous assurer sans coup férir le soutien, vibrant, résolu, d’un million et demi de citoyens, excédés par des dérives mercantiles qui trouvent hélas les renforts les plus inattendus dans des administrations semble-t-il peu enclines à soutenir toutes les formes d’expression citoyenne et démocratique sur Internet.

Dans l’attente, je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma considération la plus respectueuse.

Notes :

La très démocratique et citoyenne proposition de taxation ci-après a été formulée ce jour par un lecteur d’Uzine2 :

« Vous auriez dû mettre en copie monsieur Daniel Schneidermann, auteur de plagiats à répétitions publiés dans le journal... Le Monde (déjà) l’été dernier !

Sites plagiés, entre autres et de mémoire : www.lementeur.com, www.kitetoa.com, Uzine je crois bien aussi, www.fluctuat.net... Une vraie bookmark’s razzia !!

Je propose que soit instaurée une taxe sur le piratage des sites indépendants, à l’instar de la toute prochaine nouvelle taxe sur les supports numériques, qui financerait un fonds d’aide à la création et à l’expérimentation d’oeuvres numériques, car, après tout, quand Le Monde pirate uZine2, vous perdez des e-lecteurs, et toute peine (causée) mérite salaire (de la sueur).

Cette taxe serait perçue à la source, sur la vente de chaque journal susceptible de contenir un jour ou l’autre tout ou partie de textes trouvés et pompés sur le web. Pour ne pas quand même tuer la vache à lait que constituent les centaines de milliers d’exemplaires de journaux vendus en France, cette taxe serait admettons de 30 centimes (pardon : 0,04 euro !), reversés à un fonds chargé de répartir cette manne en toute opacité (c’est le cas actuellement avec les revenus des taxes perçues sur les supports vierges...). »

 
 
Marc Laimé
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Journaliste, coordinateur du dossier « La Folie de l’Internet » du Canard Enchaîné

30 août 2000
 
SPIP
Web indépendant


> Supplique à Mme Catherine Tasca
17 janvier 2001, message de Zorro
 

Le ministère de l’économie "s’opposera fermement" à une taxation des disques durs (cf http://fr.news.yahoo.com/010116/1/u6sj.html).
Comme quoi certains, au gouvernement, sont encore lucides.

Pour la taxe sur les cds vierges (la gabelle du troisième millénaire), on peut s’attendre à une montée du piratage en flèche. Par vengeance ou par simple retour des choses : après tout, je donne de mon argent à des artistes dont je n’ai jamais rien acheté. Il est donc logique que je pirate leur travail !

Ceci dit, je suis tout à fait favorable à une taxe pour les journaux. Ici aussi, c’est un juste retour des choses.
Pour aller plus loin dans l’imbécilité gouvernementale, Catherine a décidé de sortir un peu de son champ d’action pour vraiment répandre la justice dans notre beau pays. Celà se traduit par une nouvelle portée de taxes idiotes(tm) :

* une taxe sur les voitures, qui financera une aide aux banques. En effet, les voitures sont parfois utilisées comme moyen de fuite après un cambriolage.
* une taxe sur les couteaux, qui aidera l’association des citoyens poignardés.
* une taxe sur les briquets & allumettes, qui permettra le reboisement des forêts.
* une peine d’un an de prison pour tout nouveau ministre. En effet, l’homme est corruptible, donc corrompu : de ce fait, il ’pré-purge’ une peine qui le punit de tout ce qu’il fera de stupide en tant que ministre. Cette peine est portée à deux ans pour le président.
A noter que Catherine, souhaitant donner l’exemple, rentrera à la prison de la santé dès le premier mars.

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> Avez vous lu ce texte sur la question ?, 19 janvier 2001

" [...] La mesure de Madame Tasca est en réalité disciplinaire : elle entend protéger la société contre ses auteurs et leur faire payer leur créativité. On sait que la liberté de créer a toujours été critique vis à vis de l’institution culturelle. L’art invente l’inconnu quand la culture en conserve les traces.

Cette mesure a pour projet la protection d’une forteresse vide, les « sociétés d’auteurs » fort mal nommées quand précisemment ce qui fait acte de création se trouve alentours, à la périphérie, à l’extérieur. Aujourd’hui, c’est la société dans son entier qui est devenue une société d’auteurs. [...] "

 
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> Et celui-ci ?, 19 janvier 2001

" [...] Après le projet européen de brevetage sur les logiciels, le prêt payant en bibliothèque (toujours en suspens), la taxe sur les CD et DVD, nous assistons à la multiplication des tentatives de mise en coupes sombres des formes de production et de création immatérielles.

Est-ce un hasard ? Non, bien sûr. Ceci n’est que le dernier —mais pas l’ultime— avatar des parangons de la « propriété intellectuelle » qui, profitant d’un certains nombre d’idées reçues et de fantasmes collectifs qui circulent sur les « nouvelles technologies », n’hésitent pas à détourner le droit d’auteur, pour le plus grand profit de ceux qui deviennent, justement, inutiles à la production numérique. Au nom d’une prétendue « propriété intellectuelle », c’est bien « Mozart qu’on assassine » au profit de quelques lobbies privés. [...]"

 
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> Supplique à Mme Catherine Tasca, Tobin des fois, 21 janvier 2001

Je partage pleinement la lassitude qu’inspire ce nouveau projet de taxe fort heureusement avorté. Il en dit long sur l’inventivité des prétendues élites qui façonnent les règles du jeu de notre société…
La taxation des CD vierges (inspirée de celle des précédentes VHS) qui vient de nous être imposée “était” déjà inique, ne serait-ce que du point de vue des quantités de CD Rom utilisés uniquement pour des infos (datas d’archivage et autres usages n’ayant rien à voir avec la “création” de pseudo artistes spoliés). Comme est déjà inique la TVA payée inégalement au prix fort par l’infortuné petit consommateur et à un prix indolore par le déjà nanti.
Les lobbies qui ont obtenu cette nouvelle taxe sur les CD vierges représentent pour l’essentiel des majors qui se gavent de longue date et prétendent défendre les auteurs. Et dire qu’en plus, on se fait aussi forcément taxer pour des daubes multidiffusées dont -dans le meilleur des cas- on n’a rien à fiche.
Bientôt nos zélées élites vont devoir adopter un terme édulcoré, BC BG politique, pour parler de telles taxes. Conjugué au passif, ce mot est définitivement synonyme dans le langage courant de vol plus ou moins plaisant. Il est désormais grillé, devenu trop voyant pour désigner de telles initiatives et pratiques qui apparaissent inévitablement sous leur vrai jour, comme un racket organisé.

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