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La brevetabilité de l’imbrevetable
 
dimanche 24 juin 2001
Commentaires sur une Directive criminelle

Les brevets tuent !

par Christine Tréguier et Jean-Pierre Berlan
 
 

Jean-Pierre Berlan, directeur de recherche à l’INRA et économiste
de formation,
pousse un cri d’alerte. Il démontre les dangers de la Directive Européenne
sur les biotechnologies, et tente de convaincre nos élus de ne pas la
transposer en droit francais. Il est temps, dit-il, dans les deux domaines
jumeaux de la biologie appliquée, l’agriculture et la santé, de clarifie
l’enjeu du brevet du vivant et de la directive européenne 98/44 dite
de « brevetabilité des inventions biotechnologiques ».

Petit rappel historique : le 17 juillet 1997, lors de la
première discussion de la directive 98/44, les parlementaires européens
sont accueillis à Strasbourg par une manifestation d’handicapés, vêtus
par les industriels des « sciences de la vie » de maillots jaunes portant
l’inscription « Patents for life », « Des brevets pour la vie ». Grace à cette
directive visant à breveter « les inventions biotechnologiques », une ère
nouvelle de progrès débarrassant l’humanité des fléaux de la faim et
de la maladie allait s’ouvrir, disaient les industriels.
Au même moment, à 15 000 kilomètres de là, le même cartel faisait
tout pour empêcher le gouvernement sud-africain d’adopter une loi
autorisant la fabrication et l’importation de médicaments génériques
anti-sida. De 1997 à 2001, sa guérilla légale en a empêché l’application
et 400 000 malades sont morts faute de soins. Un peu plus tard,
en mars 1998, le ministère américain de l’agriculture (la recherche
« publique ») et une firme privée déposent le brevet « Contrôle de
l’expression des gènes », alias Terminator, qui stérilise les plantes.
En juillet 1998, les parlementaires votent la directive malgré
l’opposition des Verts. Ils ignorent tout de ce qui se trame en
Afrique du Sud. Et ceux qui ont entendu parler du « Terminator » sont
loin d’en saisir les implications. Ce vote a été arraché aux parlementaires
par les pressions « sans précédent » de la bio-industrie, la propagande
et le chantage à la compassion. Le brevet n’est pas « pour la vie » :
il tue.

En matière agricole, personne ne niera que tant que le grain récolté
est aussi la semence de l’année suivante, le « semencier » ne peut pas
vendre de « semences ». Le semencier doit donc se débarrasser, par un
moyen quelconque, de la faculté malheureuse des plantes et des animaux
de se reproduire dans le champ du paysan. Terminator, cette technique
de stérilisation des plantes de 1998 dont il existe maintenant
d’innombrables clônes, n’est pas le fruit de l’égarement d’un quelconque
Dr Folamour, et encore moins une technique visant à protéger
l’environnement de pollutions transgéniques inévitables comme
la propagande cherche à le faire accroire, mais le plus grand
triomphe de la biologie appliquée depuis 150 ans
. La production reste
entre les mains de l’agriculteur, mais la reproduction devient le
monopole, le privilège du semencier-obtenteur - maintenant un
cartel de transnationales agrochimiques et pharmaceutiques
autoproclamées « des sciences de la vie ». La loi du profit triomphe
enfin de celle de la vie.

Terminator ruinait vingt ans de propagande transgénique au moment
même où le cartel était sur le point de parvenir légalement à ses fins
avec la directive européenne 98/44 dite de « brevetabilité des inventions
biotechnologiques ». Tout d’abord, la directive organise de fait,
une discrimination légale en faveur de « solutions » transgéniques
inutiles et dangereuses. Si l’article 4 alinea 1a indique que
« les variétés végétales et les races animales ne sont pas brevetables »,
l’alinéa 2 affirme le contraire :
« Les inventions portant sur des végétaux ou des animaux dont
l’application n’est pas techniquement limitée à une variété végétale
ou à une race animale sont brevetables.
 » Tout ce qui est transgénique
devient brevetable. En faisant de la reproduction le privilège d’un
cartel de transnationales, cette directive revient à nous faire
condamner nos portes et fenêtres pour permettre aux marchands de
chandelles (génétiques) de lutter contre la concurrence déloyale
du Soleil ! Comme le montre l’exemple américain qui suit, semer de
grain récolté - la pratique fondatrice de l’agriculture - devient un
acte de piratage.

Et comme un privilège pousse à tricher ceux qu’il exclut, il faut mettre
en place une société de délation. Ce que fait Monsanto aux Etats-Unis
avec sa police génétique chargée de débusquer les « pirates ». Monsanto
met même à la disposition des agriculteurs des lignes téléphoniques
gratuites pour qu’ils dénoncent leurs voisins « pirates ». Curieusement,
la directive 98/44 ne dit rien de cette police génétique. Sera-t-elle
privée ou publique ? Quand les parlementaires débattront-ils de
la « protection policière du privilège des investisseurs sur la
reproduction des êtres vivants
 » ? Quand s’attarderont-ils au fait
que la Directive organise la cartellisation marchande des ressources
génétiques et leur pillage, et qu’elle remplace une coopération
internationale fondée sur le partage des connaissances et le libre
accès aux ressources génétiques par la guerre économique. Qu’elle donne
le coup de grâce à une biodiversité en danger. Et qu’à l’instar du brevet
du médicament qui, au nom du progrès médical, tue les malades non
solvables, elle prépare les futures famines en prétendant les prévenir.

En matière de santé, les conséquences des brevets, et en particulier
des brevets sur le vivant sont, on l’a évoqué, mortifères. Avec
le procès des transnationales pharmaceutiques contre l’Afrique du Sud,
l’opinion publique a réalisé le caractère criminel du brevet des
médicaments. Les médicaments brevetés sont vendus 10 à 40 fois le prix
des médicaments génériques. La recherche coûte cher, martèle
la propagande pour légitimer les brevets. Il faut en protéger les
résultats pour que le progrès médical se poursuive. Le 9 mai 2001, le
journal financier Les Echos levait le voile. Novartis « n’a jamais eu
autant de nouveaux produits à lancer : dix sur les trois prochaines
années... Cette vague conduit Novartis à dépenser 1 milliard de
francs suisses supplémentaires en marketing cette année, ce qui porte
ce budget au ratio inhabituel de plus de 32 % du chiffre d’affaire.
Un investissement qui coûtera au groupe de 1 à 2 points de marge
opérationnelle en 2001
 ». Novartis dépense donc 12 milliards de
francs suisses (50 milliards de francs francais) en marketing (sur 36 milliards
de C.A.). Ses concurrents-partenaires en font autant. La recherche
est en réalité le parent pauvre d’une politique commerciale destinée
à transformer le médecin en prescripteur. Ces dépenses contribuent-elles
à l’amélioration des soins aux malades et au progrès médical ?
Ou aux profits des actionnaires - et au déficit de la sécurité sociale ?

Un exemple : le Duovir (version générique du Combivir de
Glaxo Welcome) produit par le fabricant indien de génériques Cipla,
coûte 1,74 dollar par jour, soit 600 dollars par an, quelques
pour cents du prix pratiqué par Glaxo. Pour Glaxo, ces importations
transgressent son brevet. Or, le Combivir combine deux molécules,
l’AZT - découvert par le National Cancer Institute, institut de recherche publique,
au début des années 60, oublié puis breveté tel quel par Glaxo qui
devient ainsi l’« inventeur » à peu de frais du premier
médicament anti-sida - et le 3TC. Les ventes totales de ces deux
molécules sont de 1,1 milliard de dollars.

Cette directive crée en réalité un privilège sur la découverte de
gènes (article 5-2), « même si la structure de cet élément est
semblable à celle d’un élément naturel
 ». Un forfait couronne
ainsi une forfaiture : pour qu’il y ait brevet, il faut qu’il y ait
invention, et non découverte ; le brevet de gènes (c’est-à-dire
sur le moyen de produire les médicaments futurs) s’ajoute au brevet
du médicament. La maladie devient monopole. C’est déjà le cas
avec les brevets de Myriad Genetics sur les gènes de prédisposition
au cancer du sein. En somme, les investisseurs possèdent la maladie
mais ne l’ont pas, les malades l’ont mais ne la possèdent pas.

La conclusion s’impose : dans le tiers-monde, le brevet tue.
Chez nous, il permet de dévaliser en toute légalité la sécurité
sociale. La directive 98/44 prépare la tiers-mondisation de nos
propres systèmes de santé : seuls les riches pourront se soigner.
Pour terminer, un argument que nous n’aimons guère : la directive
européenne a, dit-on, pour objectif de renforcer la compétitivité
européenne. Or les Etats-Unis brevètent les organismes vivants
depuis 1980. L’Europe aura les miettes. Il s’agit donc d’aller faire
la guerre économique sur le terrain soigneusement préparé de
l’adversaire et de ses grands cabinets d’avocasserie. C’est aller à la déroute.

Mais ce n’est pas tout !

Le brevet sur le vivant est inséparable d’une nouvelle conception,
prétenduement scientifique, de la maladie : les maladies seraient
génétiques. Les chercheurs découvrent les gènes de l’obésité, du
cancer, de la schizophrénie, du sport, de l’intelligence, de l’alcoolisme,
de l’homosexualité, de l’autisme, de la vieillesse, etc. Soigner requiert
de breveter les gènes. Ce déterminisme génétique strict existe dans
certains cas de maladies très rares - qui n’intéressent pas le complexe
génético-industriel puisque le marché est minuscule. Mais il est en
train de le généraliser au marché immense des maladies dites
« de civilisation » et à celui de vieilles maladies, en plein renouveau
comme la tuberculose. Le paradigme de la maladie génétique introduit
un élément nouveau par rapport à celui de la maladie microbienne.
Cette dernière laisse la porte ouverte à la compréhension des causes
sociales et politiques de la maladie, bref à son écologie politique et,
par conséquent, à la mise en œuvre d’une politique de santé
publique, s’attaquant à ces causes, plutôt qu’à son agent (par
exemple le bacille de Koch). Mais avec la maladie génétique, la
maladie devient propre à l’individu. Pas de chance, ses mauvais
gènes en font une victime désignée, et un client « à vie ». Cette
idéologie médicale nouvelle traduit dans le domaine de la santé
la dynamique d’individuation et de rupture des liens sociaux
caractéristiques du capitalisme. Réduite à ses gènes, la personne
est abolie. Ne restent que gènes défaillants face aux transnationales
« thérapeutiques ». Et des malades financièrement défaillants face
à l’accès aux soins.

Tout a été fait, nous l’avons vu, pour se débarrasser de la faculté
des plantes et des animaux de se reproduire dans le champ du paysan.
Pour ces mêmes firmes des « sciences de la vie », une personne en
bonne santé porte préjudice à la rentabilité du capital. Tout sera donc
fait pour l’en débarrasser. Ne faut-il pas comprendre ainsi la théorie
génétique de la maladie, le battage médiatique à propos de la « doctrine
de l’ADN », le chantage au brevet qui « en protégeant l’investissement
permettra de nous débarrasser de la maladie
 » ?

Terminator et le procès du complexe génético-industriel à l’Afrique
du Sud ont fait tomber les masques de la philanthropie et de l’écologie.
Ils ont démontré la collusion entre industrie et politique, entre
recherche publique et privée. Ce qui m’amène à une conclusion en
trois points.

- L’abrogation de la directive 98/44 est nécessaire. Parce que son
vote a été obtenu par la désinformation et l’intimidation ; parce qu’en
matière agricole, elle crée une discrimination légale en faveur de
solutions transgéniques aux dépens de solutions agronomiques
durables ; parce qu’en matière médicale, en ajoutant le brevet
des gènes au brevet du médicament, elle renforce le pouvoir d’un
cartel génético-industriel ; enfin, parce qu’elle met notre avenir
scientifique et technique dans les mains des transnationales, fait
passer la recherche publique sous le contrôle des entreprises privées, et
promeut les « solutions » éphémères les plus profitables aux dépens
des solutions durables les plus utiles.

- L’Etat (ou l’Union Européenne ) investit. La recherche publique
se mobilise. Au nom du progrès et de la philanthropie, elle œuvre
en partenariat avec la recherche privée. Les alternatives restent
en friche. Ces investissements exclusifs finissent tout de même par
assurer un succès qui confirme la justesse du choix initial - créant
de nouveaux problèmes qui, à leur tour... La « société » n’a qu’à
s’adapter à un « progrès » qui revêt, dès lors, un caractère inéluctable.
Cette conception panglossienne de la technologie comme destin est
une supercherie. C’est précisément le cas avec les biotechnologies.
Loin d’aller vers une agriculture durable, elles nous mènent, selon
l’expression de Gilles-Eric Seralini, vers une agriculture jetable.
Ce qui précède vaut aussi dans le domaine de la santé. On en sait
suffisamment sur les causes sociales et politiques des grandes
endémies modernes (maladies mentales, cancer, obésité, etc.) pour
ne pas chercher des solutions techniques et médicales à des problèmes
politiques.

- Le principe de subsidiarité veut que l’Union ne fasse pas ce que les
Etats font. Mais avec l’industrie privée, il semble que le principe
soit celui des subsides. L’Union subventionne des activités de recherche
et de développement qui relèvent de l’entreprise privée. Le préalable à
toute aide publique est la convergence de l’intérêt public avec l’intérêt
privé. Or dans le domaine de la biologie appliquée, comment pourrait-il
y avoir convergence entre les expropriateurs et les expropriés ? Si l’avenir
des biotechnologies est radieux, pourquoi les subventionner ? Toujours
selon le principe de subsidiarité l’Union Européenne devrait financer
les travaux que les industriels ne font pas : ceux de toxicologie,
d’éco-toxicologie, de prévention, d’évaluation des risques, et d’une
manière générale de la mise en œuvre de méthodes durables - qui
minimisent les interventions et favorisent l’autonomie et la liberté
des individus. Pour nous éviter l’enfer génétique prédit par certains.

Références :
- John Vidal, « How Monsanto’s mind was changed », The Guardian, 14-20 octobre 1999.
- James Orbinski, Pour, n° 63, mars 2000.
- M. Cassier et J-P Gaudillère, « Le génome : bien privé ou bien commun ? », Biofutur, 204, octobre 2000.
- Jean-Pierre Berlan, « Cette vie qui devient marchandise », Le Monde Diplomatique, décembre 1988.
- Lewontin Richard, 1993. The doctrine of DNA. Biology as ideology, Penguins, Londres, 1993.

Liens :
- Campagne contre la Directive 98/44.
- Le texte de la directive.

 
 
Christine Tréguier et Jean-Pierre Berlan
 

Cet article est à l’origine publié dans l’hebdomadaire Politis du 28 juin

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Christine Tréguier
Jean-Pierre Berlan
 
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> Les brevets tuent ! L’informatique aussi...
28 août 2003, message de Suskewit
 

Ce 1er septembre 2003, le parlement européen est appelé à voter une directive sur les brevets... LOGICIELS !!!

Oncle Bill dit merci, le reste du monde est contre... Que feront-ils ?

Inquiétant, vraiment, voyez le lien...

 
Répondre


> Les brevets tuent !
26 juin 2001, message de sebsami
 

Personnellement je ne pense pas que les brevets tuent en eux-mêmes.
Ceux qui tuent ce sont les actionnaires des compagnies pharmaceutiques qui réclament chaque fois plus de bénéfices. L’industrie pharmaceutique avait au départ, je pense, un but humain, c’est à dire pourvoir au bien-être de l’humanité. Les bénéfices étaient principalement réinvestis dans la recherche. Depuis 2 décennies la logique de marché l’a emporté et maintenant on est plus enclin à rechercher des molécules pour la puissance sexuelle plutot que pour la malaria. L’économie de marché est la véritable coupable.
Les Etats du Nord le sont aussi, nous blamons l’industrie pharmaceutique alors que ce sont nos sociétés dans leur ensemble qu’il faut blamer.
Dans tous ceux qui blament l’industrie pharmaceutique, qui a envoyé les médicaments qu’il n’utilise pas ? hein qui ?

Pour ce qui est du cas Sud Africain il me parait que le gouvernement sudaf a superbement manoeuvré l’opinion publique. Les ONG, qui n’ont aucun autre but que l’homme et son bien-être ce sont fait quelque peut "abuser". Une question s’impose, combien dépense l’état sud africain en matière d’armement ? combien dépense cet état, que je qualifie de "voyou" en avions de chasse, en tanks etc... L’Etat sud-africain se fout comme de sa première chemise de la santé de ses concitoyens, cet argent dépensé en armes ne le sera jamais dans le système de santé.
Et quitte à enrichir quelqu’un je préfère enrichir les pharmaciens que les vendeurs d’armes.

Merci, si possible de me faire part de vos réaction aussi sur mon mail perso : sebsami00@aol.com, je suis entrain de conduire un mémoire sur le thème des brevets, de l’industrie pharmaceutique et le tiers monde.

Répondre
> > La mondialisation m’a tuer !, 26 juin 2001

Bonjour

Je ne crois pas que Berlan et moi même disions que ce sont les industriels
qui tuent, masi bel et bien comme tu le dis, la mécanique implacable du
marché et la mondialisation économique. Pour ce qui est des bénéfices
réinvestis dans la recherche, aujourd’hui, ce sont des budgets inférieurs
aux budgets marketing/communication. Et comme tu le dis plutôt sur le Viagra
que sur la malaria.

POur ce qui est du gouvernement sudaf, je n’ai pas l’information, mais si tu
le dis, sans doute peut-on te croire. Le fait est que la demi-victoire
remportée par les ONGs MSF, Actoupe etc a fait que les labos n’ont pas
attaqué le Kenya qui vient d’annoncer qu’il se lançait dans l’achat -ou la
production ?) de génériques.

Quant à enrichir tel ou tel, je ne crois pas, malheureusement, que celà
fasse une grande différence. Les armes tuent, la drogue tue, mais les brevets aussi, on en
a la preuve ! Et la peur et l’avidité itou !

Christine

Répondre
Vive l’entrisme !!, Kodbar, 27 juin 2001

Sur newsgroup fr.emplois.offres, je viens de tomber la dessus :

Would you like to work at the European Patent Office ? we need 400
ENGINEERS IN ELECTRONICS, TELECOMMUNICATIONS, BIOTECHNOLOGIES,...

Comme nous parlons beaucoup d’action contre les brevets, je n’ai pas résisté au plaisir de vous envoyer le lien officiel, dès fois que vous connaissez des volontaires pour former une cinquième colonne directement chez "l’ennemi"...

Moi je peux pas chuis pas ingé :(

 
Répondre
> Vive l’entrisme !!, Kodbar, 28 juin 2001

Décidement, l’actu est vraiment très chade autour des brevet. Regardez ce que vient de faire la FSF France :

 
Répondre


> Les brevets tuent !
24 juin 2001, message de ASH
 

Autant les brevets sur le vivant tuent et ne servent que les multinationales, autant les brevets logiciels que l’Europe veut adopter sont tout aussi dangereux.

Précisons ce qu’apporterait les brevets logiciels. Selon ses partisans (les multinationales), l’argument est le même que pour l’agriculture : les brevets soutiennent l’innovation.

Soutiennent l’innovation ? Vraiment ? Je n’en suis pas si sûr. Trois exemples me viennent à l’esprit, trois exemples où des entreprises ont essayé de "faire valoir leur bon droit" et de monnayer leur utilisation. Trois entreprises ont successivement essayé de contrôler :
1) le format d’image GIF
2) le lien hypertexte
3) la notion "Enregistrer sous..."

Dans les trois cas (en plein essort d’Internet) ces entreprises ont voulu contrôler ces trois exemples en ressortant des vieux tiroirs des brevets n’ayant qu’une notion vague avec ces trois choses.

Si on avait dû payer des royalties pour chacun de ces exemples, le Net ne se serait certainement pas développé aussi vite que maintenant. Et pour revenir à ma phrase du début, autant les brevets génétiques tuent, autant les brevets logiciels tuent l’innovation.

Répondre
> > Les brevets tuent !, Kodbar, 25 juin 2001

Le parallèle entre brevets techno-bio et logiciels est loin d’être absurde, mais il ne s’agit pas tout à fait de la même chose.
Je dis cela car le débat reviens régulièrement dans les discutions sur le logiciel libre. Mais même s’il on peut voir une forme de confluence, il est difficile d’envisager des actions concertés pour lutter contre les deux problèmes. C’est tout du moins l’opinion de R. Stallman sur la question. Je n’est pas trouvé d’articles de lui sur le propos, mais le lien renvoi à un papier de la Free Software Fondation sur les licences libres pour protéger l’information non logicielle.

 
Répondre
> > > Les brevets tuent !, William Steve Applegate, 25 juin 2001

En fait, il faut se rendre à l’évidence : quel que soit son objet (une molécule chimique, un gène, un algorithme informatique), un brevet est potentiellement dangereux. Ils ne favorisent plus des inventeurs isolés et à la merci des prédateurs, comme lors de leur invention, mais bien les plus puissants, ceux qui ont les meilleures équipes R&D, les laboratoires les plus perfectionnés... Une publicité pour Lucent se targuait de produire un nombre incalculable de brevets par an. Soi-disant c’était là leur manière d’apporter l’innovation au monde. Je suis désolé, mais une innovation réservée à ceux qui peuvent se la payer (i.e. certainement pas les pays pauvres, qui auraient pourtant le plus besoin d’accéder à nos connaissances technologiques), je n’en veux pas ! Une innovation que je peux obtenir, mais pas partager, je n’en veux pas, ça heurte toutes mes convictions. Ce qui est matériel est forcément la propriété de quelqu’un. C’est logique et nécessaire. Mais le savoir - et nos Gouvernements devraient l’affirmer haut et fort -, appartient à tous.

C’est pourquoi, je pense qu’il faut arrêter de cloisonner les initiatives (« contre les brevets logiciels », « contre les brevets génétiques », « pour un moratoire sur les brevets concernant les médicaments contre le SIDA », etc.) et s’opposer fermement aux brevets _en général_. Il serait probablement aussi judicieux de se demander comment répondre aux attaques de leurs défenseurs (par exemple, le fameux argument comme quoi, sans les brevets, les entreprises arrêteraient de financer une recherche qui ne pourrait rien leur rapporter).

En bref, je pense que le problème sur les sujets qui ont trait à la propriété intellectuelle (brevets, Napster, logiciels propriétaires, etc.), c’est que l’on passe pour une bande de hippies anarcho-stalino-bolchéviques [1], alors qu’un régime sans brevets serait probablement très profitable à un grand nombre d’entreprises (les petites, celles qui innovent vraiment la plupart du temps, mais qu’on voit de moins en moins, avalées qu’elles sont au sein des monstrueux conglomérats qui continuent à grossir à leurs dépens), et ceci est handicapant pour faire passer le message.

Mais bon, le problème est que je n’ai pas beaucoup d’idées pour améliorer cette image (j’avoue, je ne suis pas une lumière). Donc, si quelqu’un pouvait avoir une initiative en ce sens (ne serait-ce qu’écrire un Advocay-Against-Patents-HOWTO), ce serait à mon avis une très bonne idée.

Voilà, en espérant ne pas avoir écrit trop de bétises...

Amicalement,
WSA

[1] C’est de l’_humour_, hein, inutile de troller là-dessus...

Répondre
> > > > Les brevets tuent !, Kodbar, 26 juin 2001

Mais je suis bien d’accord avec toi, pas de problème. Maintenant, voyons la chose d’un point de vu pratique (comprendre : agir en tant que lobby). La chose est moins simple : tu vois une action concerté possible entre des groupes aussi divergeant dans leurs formes et dans leurs fonds que Act-Up, ATTAC et la FSF ? Que la bataille contre les brevets soit un point commun est une chose, mais de là à pouvoir en tirer une ligne commune, il y a un grand pas...

Tu vois ce que je veux dire ?

Répondre
> > > > > Les brevets tuent !, William Steve Applegate, 26 juin 2001

Farpaitement !

C’est d’ailleurs pour cela que je disais ne pas avoir beaucoup d’idées : le problème est complexe, et je ne me sens pas de taille à proposer des solutions. Donc, j’expose simplement les problèmes qui me semblent importants en espérant que des gens plus intelligents que moi auront les solutions appropriées (ou simplement des bonnes idées ; il ne s’agit pas forcément de grouper des entités disparates, ou de créer une nouvelle entité juste pour lutter contre les brevets - encore que ça pourrait être souhaitable -, mais peut-être tout simplement de donner à tout ce monde une base commune lorsqu’il s’agit de discuter des brevets, histoire qu’on ne voit pas des associations combattant tels ou tels brevets mais *les brevets* dans leur ensemble)...

Amicalement,
WSA

PS : pour ce qui est d’ATTAC et de la FSF, je ne pense pas qu’ils soient si éloignés que ça : la plus grosse différence est à mon avis que les uns sont des économistes distingués en costume trois-pièces et les autres des informaticiens barbus et vociférateurs en chemise hawaiienne ;-) Mais leurs opinions ne me semblent pas vraiment divergentes...

Répondre
> > > > > > Les brevets tuent !, 26 juin 2001

Moi mon opinion sur la question est plus pratique que ça (qui a dit cynique ?!). Depuis quelques années maintenant, je suis un bon petit soldat du logiciel libre : rédaction de doc, prosélitisme à tout bout de champs etc... Le fait est que le modèle économique du logiciel libre est un train d’entrée dans les moeurs de l’industrie informatique, à un point tel que Microsoft se croit obligé de faire du FUD sur la question (aujourd’hui c’est eux qui en sont réduit à dire du mal de nous : grande première !).

Bref, si la lutte contre les brevets logiciels est encore vive, nous avons déjà les moyens de la gagner - tout seuls, comme des grands - Au fur et que le poid économique du logiciel libre augmente, l’idée de brevet logiciel recule. Depuis BIND, il est clair que TOUTInternet dépend étroitement du logiciel libre...

Alors pourquoi prendre le risque de s’associer avec tout ces autres mouvements ? On les connais pas (ou mal), il n’est pas évident que l’on puisse se concorder convenablement... beaucoup de soucis donc, pour des alliés dont nous avons pas necessairement besoin et dont nous partageons pas toutes les finalités.

J’ai de la sympathie pour les luttes "cousines" que mènent tout ces braves gens. Mais je l’affirme froidement : nous n’avons pas besoin d’eux et il est probable que la réciproque soit tout aussi vrai.

PS : Cela dit, je veux bien me trémousser follement sur le char de la FSF-ActUp à la prochaine gay pride ;))
(et une install-party au Queen aussi !!)

Répondre
> > > > > > > c’est toi qui tue là !, 26 juin 2001

Bonjour cher anonyme

Non là je ne peux pas te laisser prendre cette position nationalo-corpo-séparatiste.

Excuse moi mais la lutte contre les brevets logiciels est à mon avis
bien loin d’être gagnée. D’autant moins que d’après gensss informés, l’étape suivante dans le
process, la consultation n’ayantservie qu’à gagner du temps, c’est la préparation
de la directive, qui prendra du temps, mais qui passera. Et c’est comme ça que
les MSN et autres info-moguls ont l’intention de bouffer le libre.

Pourquoi s’associer avec "ces braves gens" comme tu dis : parce qu’ils essaient d’en
démonter une de directive depuis 98, qu’ils ont de l’avance, des arguments,
l’habitude des pièges (genre les exceptions que finalement on n’applique pas puis on
fait supprimer) etc... Mon ami, tu te trompes. Tu, vous avez besoin d’eux.

je voudrais répondre aussi vite fait à une autre intervention.
Organiser une plate-forme, une déclaration minimum exigeant la remise
en cause du système des brevets dasn tous les secteurs, c’est précisément ce sur quoi j’essaie de travailler
avec d’autres comme JP Berlan. L’idée c’est un colloque international à paris
peut-être avec l’aide de l’Unesco et du parl Euro, qui aboutirait à la rédaction de
ce document.

Il faut des moyens, des partenaires, des énergies, mais si il y en a ici que
celà interesse, il y a du pain sur la planche, et ce n’est pas à trois avec nos p’tites mains
qu’on arrivera au bout... ou alors ce sera trop tard !

Christine
manifestez vous

Répondre
> > > > > > > > c’est toi qui tue là !, Kodbar, 27 juin 2001

>Non là je ne peux pas te laisser prendre cette >position nationalo-corpo-séparatiste.

hola, hola, faut rester aimable hein :p

Bon c’est vrai, je fais preuve d’un optimisme sans doute un peu naïf (c’est la chaleur d’hier je pense).
MSN va bouffer le libre alors arfff !! je me demande comment tu peux dire ça sans éclater de rire. Et NT va bouffer Linux aussi ? (c’est ce que tout le monde disais y a qq années)
Maintenant oui, je ne doute pas que d’autres groupes disposent de connaissances et de compétences qui peuvent faire défaut aux défenseurs du logiciel libre. Ecoutons les alors.

Tu cherches a organiser une "plate-forme, une déclaration minimum exigeant la remise en cause du système des brevets".
Excellent ! Je ne peux que vous encourager à le faire. Mais si tout le monde sera d’accord sur le principe (changeons le système des brevets), je veux bien parier que personne ne sera d’accord sur la forme qu’ils devront prendre à l’avenir, ni sur la façon d’agir pour faire passer ce message. Ce qui fait que cette déclaration risque bien de se limiter à de belles déclarations d’intention (oui je sais, c’est le risque à courir).

Moi je préfère le code source :)
Cela dit, nous sommes tous sur la même longueur d’onde, et encore une fois, je serais le premier heureux si un début de coordination venait à se faire autour de la question. Mais je doute que cela soit possible comme je l’ai dit plus haut.

Maintenant, il m’arrive aussi de pécher par pessimisme...

Répondre
> > > > > > > > > c’est toi qui tue là !, christine@rezo.net, 28 juin 2001

>hola, hola, faut rester aimable hein :p

Pardon j’avais oublié le :-))

Je ne dis pas que MSN VA bouffer le libre, mais aimerait bien et fera tout
pour... ça ne veut pas dire qu’ils réussiront !

On connait les difficultés des plates formes communes, mais on peut toujours
essayer. D’autant que les enjeux concernent vraiment tout le monde, et au
niveau le plus basique : la bouffe dans nos assiettes, la santé, et l’accès au savoir.
Et de celà le logiciel peut profiter, car on se nourrit plus de nourritures terrestres
que de code. C’est fédérateur dirais-je.

Après l’application ou non ou l’officialisation de cette plate-forme, c’est une question
de lobbying et d’alliance objectives entre... libéraux et libertaires par ex.
Et en la matière les anti-OGMs et les défenseurs du libre ont le savoir-faire.

Quant au lien sur l’OEB qui recrute il tue ! Je m’en va jeter un oeil illico.

Christine

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> Les brevets tuent !
24 juin 2001
 

Bonjour

Cet article me semble reprendre des idées déjà écrites, ce qui n’empèche pas son intéret.
Il était indispensable de mettre un minimum de références.

Je tiens à signaler au moin cet article publié dans « Le Monde Diplomatique » (ci dessous en lien).

Autre lien :
<http://www.monde-diplomatique.fr/in...>

 
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> > Les références tuent !, 25 juin 2001

Vous n’avez pas tort, mais le nombre de références est telle qu’il faudrait
une pleine page pour citer l’essentiel. Je suis bien placée pour le savoir, vu que je prépare un dossier sur le sujet :La guerre des Brevets",
où seront inclus
les brevets logiciels, qui ressortent effectivement de la même logique.

L’industrie du libre pouvant être comparée à celle des médicaments
génériques, et bien des arguments utilisés par les opposants
aux OGMs pouvant être adaptés au brevetage des logiciels.
Entre autre l’aspect brevets sur les méthodes de commerce. Un relatif
consensus semble émerger sur la nécessité de ne pas les breveter.
Tout comme sur le "vivant". Mais les organismes, végétaux,
animaux etc issus de manipulations le seraient (brevetés). Tout comme les
logiciels. Sous couvert ... d’effet technique.
Les parallèles à faire entre ces deux secteurs, si ils sont correctement établis, permettent
de démonter pas mal d’arguments fallacieux des lobbies en action à Bruxelles.
Toute aide est la bienvenue.

Alors désolée pour les citations mais pas le temps.Et puis la connaissance ; n’est-ce pas appartient à tous
le plagiat ou la recombination sont les pratiques d’aujourd’hui, et ne portent tort qu’à ceux qui défendent
leur petite propriété... enfin il me semble :-)

Christine

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> > > Les références tuent !, severino, 30 juin 2001

Bon bon bon...

Mais s’il y a trop de références, il faut classer (yaka faucon :-)

Donc j’en rajoute : dans le Monde Interactif de cette semaine (fin Juin) il y a un excellent article sur une pétition d’universitaires qui rassemble déjà plus de 20 000 signatures. Le texte de la pétition contient notamment une prise d’engagement de ne plus publier leurs articles dans les revues scientifiques si elles continuent à en interdire la publication en libre accès sur le net plus de 6 mois après la publication papier.

A noter aussi en troisième page du Monde Diplo de Juillet un article de Philippe Rivière sur la lutte contre le Sida au niveau mondial.

L’article se termine ainsi :

<< En 1955, le docteur Jonas Salk, le créateur du premier vaccin contre la poliomyélite, est interrogé en héros dans une émission de télévision. Le journaliste lui demande à qui appartient le brevet. « Eh bien... au peuple. Il n’ y a pas de brevet. Peut-on breveter le soleil ? » A la fin de sa vie, le docteur Salk consacrait l’essentiel de ses travaux à la recherche d’un vaccin contre le sida. Contre l’acharnement antithérapeutique, ses successeurs réussiront-ils à faire briller un rayon de soleil ? >>

Cette histoire de propriété intellectuelle se terminera sans doute après bien des luttes par un nouvel équilibre entre "bien public mondial" et "protection de l’innovation". Personnellement je suis assez radical sur la question, et je préfererai que l’on force le système capitaliste à muter en l’obligeant à prendre en compte que l’information au sens large ne peut pas être cloisonné, pour des raisons d’efficacité (meilleur circulation, concurrence loyale), que d’intérêt général (pas d’exclusion de ceux qui ne peuvent pas payer les droits d’accès).

 
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