racine uZine

Dans la même rubrique
Le peer to peer face à la logique du droit d’auteur
 
mardi 12 août 2003
Le peer to peer face à la logique du droit d’auteur

Première partie : Extension du P2P

Vers la nécessaire reconnaissance du droit du public
par Jean-Baptiste Soufron

Avant d’essayer d’aborder la problématique croisée du P2P et du droit d’auteur, il semble important de revenir sur la notion de P2P elle-même et sur ses applications.

Définition du peer to peer

Les réseaux P2P bénéficient d’une architecture innovante (1) qui continue d’évoluer aujourd’hui (2).

1. Une architecture innovante

Un réseau P2P est un réseau end to end (a) dont les participants mutualisent leurs capacités (b).

  • a. Un réseau end to end, d’égal à égal

Bien qu’on le traduise souvent par réseau « de pair a pair [1] »le terme de peer to peer gagnerait sans doute à être traduit par celui « d’égal a égal ».

En effet, les contenus d’un réseau P2P ne sont pas fournis à des clients par un serveur central mais par les utilisateurs eux-mêmes qui se relient les uns aux autres sans relation hiérarchique. Sur Internet, le P2P est donc une forme de réseau dans le réseau qui correspond beaucoup plus à son architecture originale que le simple Web aujourd’hui familier du public [2]. Pour atteindre cet objectif, les systèmes de P2P utilisent des protocoles appelés end to end qui permettent d’échanger des données directement entre machines, sans serveur central et sans contrôle [3].

  • b. Un réseau mutualisé

Les réseaux P2P fonctionnent en utilisant les ressources personnelles des utilisateurs en stockage, bande passante, etc. On peut donc dire que le P2P mutualise les capacités des utilisateurs dans les limites qu’ils veulent bien consentir. Il est, par exemple, difficile de savoir si les données d’un réseau P2P sont stockées sur un ensemble de disques durs individuels où s’il vaut mieux considérer qu’il s’agit d’un immense disque dur communautaire sur lequel chacun viendrait piocher au gré de sa bande passante [4].

2. Une architecture en évolution

Les réseaux P2P correspondent en réalité à l’architecture originale d’internet (a) mais ils n’ont été rendus possibles, en pratique, que par les évolutions technologiques actuelles (b)

  • a. Un réseau ancien

Le P2P est en réalité très proche de la structure originelle qu’aurait dû adopter Internet. Il ne faut pas se leurrer quand certains aimeraient présenter le P2P comme une anomalie utilisée opportunément par quelques collégiens en mal de musique gratuite. En réalité, c’est l’apparition du commerce en ligne qui a imposé un changement d’architecture faisant dévier Internet de sa structure P2P initiale.

En effet, au fur et à mesure que le World Wide Web devenait de plus en plus populaire, les serveurs Web sont devenus dominants et leur croissance a remplacé la maille P2P de l’Internet par un nouvel ensemble bâti autour de clients et de serveurs.

Ce n’était pourtant pas l’intention de Tim Berners Lee, le chercheur du CNRS créateur du Web, qui a toujours invité les concepteurs de navigateurs à créer des logiciels capables de se comporter a la fois comme des clients ou des serveurs HTML. Il souhaitait voir apparaître un Web véritablement P2P mais les gros fournisseurs d’accès comme AOL ne s’intéressaient pas plus au développement des parties terminales du réseau qu’un supermarché ne s’intéresse au développement de ses clients. L’architecture client-serveur s’imposait naturellement pour laisser les utilisateurs accéder à des contenus commerciaux en les empêchant de créer d’autres contenus en concurrence avec les premiers [5]. Heureusement, l’évolution informatique a permis, avec le succès que l’on sait, de contourner le problème en laissant les internautes accéder à des serveurs pour y créer leurs propres sites.

  • b. Un réseau en renouveau

Depuis peu, les machines des internautes sont devenues plus puissantes, plus fiables et connectées plus longtemps en profitant de la démocratisation du câble ou de l’ADSL||Et cette évolution n’est pas sur le point de s’arrêter puisqu’on trouve déjà des offres à 100 Mo/s pour les particuliers à moins de 30 euros/mois dans certains pays étrangers comme le Japon.]]. Dès lors, plus rien n’interdisait à ces utilisateurs de redevenir les serveurs qu’ils auraient du être depuis le départ.

Le P2P rend donc simplement le contrôle d’Internet à ceux qui n’auraient jamais du le perdre : les internautes. Dès lors, la liste de ses applications n’est plus limitée que par l’imagination de ses utilisateurs et il suffit de lire la synthèse établie par le Forum des Droits sur Internet pour se rendre compte que le nombre de ces nouveaux usages ne cesse de s’agrandir [6].

Applications du P2P

Le P2P permet à tous de partager ses capacités ou ses connaissances en développant un réseau que l’on peut qualifier de mutualisé.

1. La mutualisation du calcul

Une des premières applications du P2P correspond au projet Search for ExtraTerrestrial Intelligence qui scanne le bruit ambiant des émissions radios traversant l’univers dans l’espoir de capter la preuve d’une intelligence extraterrestre [7]. Après avoir enregistré ces fréquences, leur analyse est effectuée par une batterie d’ordinateurs. Malheureusement, l’analyse de telles masses de données nécessitait une énorme puissance de calcul dont le coût dépasse, de loin, les possibilités financières du projet. C’est pourquoi les chercheurs de l’université de Berkeley ont eu l’idée de diviser les données enregistrées pour répartir leur analyse entre des machines bénévoles qui seraient prêtes à leur accorder leur temps de calcul inutilisé. Dix jours à peine après le démarrage du projet, plus de 350 000 participants appartenant à 203 nationalités avaient manifesté leur intention d’apporter leur aide au SETI. Quatre mois plus tard seulement, le million d’inscriptions étaient dépassés. Au milieu de l’année 2000, le SETI était capable de fournir 280 000 années de temps de calcul grâce à l’utilisation du P2P [8].

2. La mutualisation du stockage

C’est le même principe de mutualisation qui est à l’œuvre mais il s’agit cette fois-ci de partager des capacités de stockage plutôt que des capacités de calcul. C’est le principe sur lequel fonctionnent aujourd’hui de nombreux logiciels d’échanges de fichiers comme Gnutella ou eDonkey. De nouveaux logiciels poussent maintenant l’idée encore plus loin en mutualisant non seulement le stockage mais aussi les fichiers eux-mêmes. Ceux-ci ne sont plus véritablement détenus par des particuliers mais ils sont désormais divisés en éléments épars qui seront rapatriés à la demande par chaque utilisateur.

Face à ces évolutions, on en vient vraiment à se demander s’il faut considérer qu’il existe encore des ordinateurs individuels ou si l’on ne se trouve pas, déjà, face à un ordinateur unique composé de plusieurs entités qui formeraient un immense disque dur et un processeur surpuissant.

3. La mutualisation de la bande passante

Autre utilisation originale des possibilités d’Internet, c’est l’exemple du logiciel PeerCast qui permet de diffuser de la radio en P2P, sans passer par un serveur central. Les auditeurs ne sont plus de simples clients et ils sont transformés en serveurs de telle sorte que chacun d’entre eux augmente la bande passante globale de la radio grâce à leur bande passante personnelle. L’addition des capacités de tous les utilisateurs améliore singulièrement la transmission des données et permet d’obtenir une qualité d’écoute surprenante, même en bas débit. Le logiciel d’échange de fichiers Bittorrent fonctionne sur le même principe et autorise des débits de téléchargement qui surpassent complètement ceux qui seraient normalement accessibles à des serveurs commerciaux normaux.

4. La mutualisation des connaissances

Les réseaux P2P permettent enfin de partager efficacement des données qui peuvent être réappropriées par leurs utilisateurs sans pour autant altérer les sources qu’ils ont utilisées. Ces techniques permettent par exemple de développer des programmes de formation ou de partager le mieux possible des données libres de droit. Elles permettent également de développer des logiciels en identifiant les apports de chaque programmeur.

 

[2Il suffit de lire la description par Ted Nelson, l’inventeur de l’hypertexte, de ce que devrait être un « véritable » Internet où les liens sont bidirectionnels au lieu d’être simplement unidirectionnels.

[3Donsez Didier, P2P (fichier PDF).

[4Les protocoles P2P les plus récents rendent encore plus difficile la distinction entre utilisateurs en divisant les données entre eux exactement comme des données peuvent être reparties à plusieurs emplacements d’un disque dur. Il est alors possible qu’un fichier donné ne soit présent dans son intégralité chez aucun utilisateur en particulier mais que des fractions de celui-ci soit disponible, réparties au hasard du réseau et assemblées seulement quand le besoin s’en fait sentir permettant ainsi des économies de bande passante et de capacité de stockage.

[5Lessig Lawrence, The Future of Ideas, the fate of commons in a connected world, Random House, 2001.

[6« Peer to peer : quelle utilisation pour quels usages ? », Forum des droits sur l’internet.

[7Notons que le projet SETI n’est pas toujours vu comme un véritable projet P2P dans le sens où les données analysées par les participants sont regroupées par les ordinateurs du SETI qui recréent ainsi un système client/serveur au niveau du protocole utilisé. Pour autant, les calculs sont bien répartis entre les utilisateurs selon les principes du P2P et on pourrait parfaitement imaginer qu’ils ne soient pas nécessairement renvoyés vers un organisme unique mais à d’autres utilisateurs du réseau.

[8Avant même le début du projet SETI, la société distributed.net avait mis au point un système permettant à des ordinateurs reliés autour du monde de répondre au challenge de RSA Labs de réussir à craquer un message crypté avec leur algorithme DES en seulement 92 jours. Quelques années plus tard, distributed.net avait amélioré sa technologie pour devenir capable de relier plus de 100 000 machines à travers le monde et pouvoir craquer un nouveau système de cryptage en moins de 24 heures alors que même le gouvernement américain estimait ne pas être capable de le faire en moins de plusieurs années de temps calcul machine.

 
 
Jean-Baptiste Soufron
Imprimer
format impression
 
SPIP
Web indépendant


> A lire...
3 janvier 2006
 
Répondre


> Première partie : Extension du P2P
8 octobre 2004, message de bizut 59/78
 

Question

Où puis-je trouver les traductions en FR de COLOK "car plus de lien valide" sur son site ??? A croire que cela géner pas mal de gens

Répondre


P2P : Double doigt
10 mai 2004
 

P2P : Double doigt

En réaction au gros doigt des maisons de disques, voici une idée de double doigt qu’hélas je n’ai pas le temps de développer en ce moment, et soumet à la populace pour voir qui veut la mettre en oeuvre :

Internet et les médias ont une particularité similaire à celle que l’on trouve dans les sports de combats asiatiques : quand l’adversaire déploie une force de frappe importante en communication, comme c’est le cas actuel des maisons de disque avec leur gros doigt, il est possible d’utiliser cette force pour amplifier une réponse symbolique qui sera facilement reprise par les médias comme un élément du débat lancé par le gros communicateur.

Il est donc urgent de monter une association avec un petit site web et un système de micro paiement qui permette au utilisateurs de P2P de faire des dons

- tout d’abord destinnés à payer les amendes et frais de justices de ceux qui se feront prendre et poursuivre (leur stratégie "punition pour l’exemple") : double doigt à l’agressivité des maisons de disques : on crée un mécanisme d’assurance qui permet de mutualiser le risque de poursuite limité par rapport aux nombres d’utilisateurs de ces systèmes.

- qui puisse ensuite recueillir des dons destinnés aux artistes dont vous téléchargez les disques, dans une optique type shareware, afin de montrer que d’autres modèles économiques sont possibles, qui rémunèrent la création mais n’engraissent pas les producteurs.

Qui a cinq minutes pour monter ça ? il faut bien sur trouver un garant des sommes versées, type huissier ou personnalité renommée, pour réaliser la confiance nécessaire + demander à un juriste comment présenter les choses car je ne suis pas sur que la mise en place d’un système assurantiel des pénalités de justice soit légal.

PS : merci de diffuser la proposition dans les autres forums de voter connaissance afin de trouver rapidement un maiter d’oeuvre pour le projet.

Répondre
> P2P : Double doigt, 11 mai 2004

Salut c’est une super idee.

Répondre
> P2P : Double doigt, Aldoo, 20 août 2004

Non, si je ne m’abuse c’est illégal.
Je veux dire : une assurance qui couvre ce que la justice nous oblige à payer pour une infraction est illégale.
Il faut tourner ça autrement.

Répondre
> P2P : Double doigt, Tino, 8 septembre 2004

L’idée est plaisante certes mais irréalisable malheureusement... ne serait ce que par la nature de la plupart des gens qui utilisent le peer to peer, qui en fin de compte, s’en tape le coquillard des autres. J’en temoigne d’une longue expérience pour me rendre compte que malheureusement seule une minorité de "cyberintello anticapitaliste" (ce n’est pas de moi !!!) oeuvre pour l’élargissement de licences GNU. Partant de ce principe, tout client p2p qui mettrait en place ce principe de micropaiement, perdrait irremediablement ses utilisateurs au profit d’un autre client qui lui aurait décidé que les gars qui se font prendre.. et bien c’est triple doigt dans leur c.. "dommage de s’etre fait prendre".
Enfin, comme tu le dis, ce type d’opération necessiterait soit un huissier (qui refuserait parce que c’est illegal) soit une personnalité renommée qui se trouverait couvert en plus des "classiques" accusations, d’une surenchère de peines liées à son statut et à l’exemple que cela constitue.

Répondre
> P2P : Double doigt, 24 septembre 2004

Bonjour.
Je suis content de lire cet article.
Il se trouve que l’idée m’est venue au moment ou je me suis mis au p2p.
Une asso type 1901 pourrai faire l’affaire.
Maintenant je pense que juridiquement ce type de structure n’est pas viable.
Intégrer les artisites a la mutualisation du risque est une très bonne idée, car aujourd’hui cette population n’apprécie pas le p2p.
Il faut trouver un juriste, et lui soumettre le projet.

Répondre
> P2P : Double doigt, bidouille, 28 décembre 2005

il faut actuellement montrer aux politiques ,de gauche comme de droite , que le p2p doit etre légalisé et gratuit comme semble l’avoir compris le vote des députés de fin décembre 2005 .
Face aux "quelques majors " et quelques artistes (quelques voix), si nous leurs faisions comprendre que nos futurs votes de plus de 8 millions d’internautes sanctionneront une politique de restriction de liberté du p2p !

Répondre


> 1. Première partie : Extension du P2P
9 février 2004, message de Skblllz
 

Reste à faire exploser internet par un véritable point à point. Sans passer par un provider (FAI).

Ceci est prêt, reste la commercialisation.
Vous pourrez vous connecter directement à votre voisin (pour autant que vous connaissez son numéro de téléphone et que son PC soit prêt à recevoir une connection.) D’un simple clic.

De même, est prévu un accessoire pour GSM contenant un Client/Serveur...
Bref, le vrai P2P et là, bien malin de qui fait quoi, car tout sera crypté automatiquement. Ben tiens...

 
Répondre
> Première partie : Extension du P2P, Graal, 8 août 2004

Je voudrais savoir si avec le P2P on peut se faire attraper avoir une grosse amende ou aller même en prison ?

Merci D’avance

Graal

 
Répondre


> 1. Première partie : Extension du P2P
6 septembre 2003, message de Titoxx69
 

Cet article a le grand mérite de présenter le Peer-to-Peer comme il a été et tel qu’il restera... Très très bon article, complet, didactique, sans aucun parti pris, à lire absolument.

Répondre


> 1. Première partie : Extension du P2P
18 août 2003
 

Il convient de doucher un tantinet ce bel enthousiasme pour le peer-to-peer en rappelant qu’en fait, la majorité des utilisateurs de ces réseaux téléchargent bien plus de données qu’ils n’en servent, la majorité des donnés provenant en fait de gros serveurs dotés de grandes bandes passantes, en particulier des serveurs universitaires plus ou moins détournés de leur fonction par les étudiants. Bref, en pratique, des noeuds "serveurs" se forment, et la majorité des autres sont presque seulement clients.

Répondre
> 1. Première partie : Extension du P2P, jean-baptiste soufron, 18 août 2003

Les noeuds ne se forment que parce qu’ils correspondent à des utilisateurs dotés de plus grosses capacités en stockage et bande passante. La situation devrait logiquement se stabiliser quand les capacités des utilisateurs classiques augmenteront. Au japon, par exemple, les capacités des utilisateurs sont désormais bien plus que suffisantes pour ne plus nécessiter aucun "serveur" (les abonnements de 100mo/s coutent 30 euros par mois).

Répondre
> 1. Première partie : Extension du P2P, jean-claude, 23 novembre 2003

Ceci est gratuit, sans fondement. Nous fonctionnons en réseau. Avec ses forces et ses faiblesses.

Répondre
> 1. Première partie : Extension du P2P, pahad, 5 mars 2004

Pour les réseaux de P2P type eDonkey-eMule, c’est faux. Le serveur ne sert qu’à faire la mise en relation et ne contient aucun fichier.
Le trafic, pour nombre de clients statistiquement significatif, est parfaitement symétrique, le flux entrant étant égal au flux sortant. Il y a un mécanisme de récompense pour éviter que des petits malins téléchargent sans rien fournir en échange.

Répondre
> Première partie : Extension du P2P, 4 août 2004

Votre analyse montre que vous ne connaissez absolument rien aux technologies de peer to peer. En effet, dans ce type de reseau un fichier en cours de telechargement est aussi un fichier propose au telechargement, du moins pour les partis deja telecharger.
Il en resulte que contrairement a vos dires, il n’y a pas de gros serveurs, ni dans les universites, ni dans les entreprises. Le mecanisme de client-serveur n’a pas le meme sens dans les reseau p2p que traditionnellement.

Répondre
> Première partie : Extension du P2P, Tino, 8 septembre 2004

C’est faux (!!!) pour l’ensemble des P2P de dernière génération... Je t’invite à en installer quelque uns... et à réviser tes jugements

Répondre