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Nouveau : la taxup (taxe sur l’upload) !
vendredi 23 janvier 2004




Dans une étude financée par le Réseau pour l’innovation dans l’audiovisuel et le multimédia (RIAM), Olivier Bomsel, Jérémie Charbonnel, Gilles Le blanc, et Abakar Zakaria redécouvrent le principe du minitel (la télématique payante en simple consultation), avec néanmoins cette touche de modernité : les utilisateurs qui uploadent paieraient pour financer le développement des infrastructures de download, des versions payantes (subvention à l’industrie) et (sans doute) une surveillance du contenu par le FAI, puisque ce dernier aurait « la charge de la preuve de licéité des échanges » en cas de refus d’augmentation dissuasive du tarif de l’upload.

- Enjeux économique de la distribution de contenus (pdf), conclusions provisoires, 7 (extrait) :

« Il existe, néanmoins, plusieurs solution à l’arrêt des transferts. Un simple remède consisterait à segmenter le marché de l’accès en imposant aux fournisseurs d’accès (FAI) une tarification dissuasive pour le trafic montant (upload) susceptible de contenir des fichiers sous copyright. Le FAI pourrait proposer un tarif moindre, mais aurait la charge de la preuve de licéité des échanges. Une telle mesure fixerait un coût à l’usage du P2P dont l’utilisateur serait facturé au prorata des fichiers chargés depuis son ordinateur. L’existence d’un tel coût favoriserait les offres payantes en ligne et le téléchargement descendant. La recette correspondante pourrait servir à financer le déploiement des infrastructures haut-débit et à subventionner l’accès descendant. Une telle mesure engendrerait sûrement des coûts de mise en oeuvre et priverait l’accès haut-débit de l’utilité du P2P gratuit. Elle rétablirait néanmoins le principe de la rémunération des droits et permettrait à leur détenteurs de développer des versions payantes en ligne. »







> Nouveau : la taxup (taxe sur l’upload) ! 31 mai 2004

Si il y aurait une taxe sur l’upload de conneries je pense que les quatres gars qui ont pondus ce "rapport" serait ruinés !

Plus sérieusement, d’un coté l’état nous bassine avec la perte d’emploi, la nécessité de créer de nouvelles entreprises et de l’autre ils cherchent par tous les moyens à museler les technologies offrant un peu de liberté aux utilisateurs...

[Répondre à ce message]

Non, ce n’est pas un réquisitoire...(2) 16 avril 2004, par Alex Bontsaleck

.........

Jouer avec les chiffres est donc d’une facilité redoutable. Le tout est d’enrober suffisamment bien ces chiffres de commentaires ou de graphiques/tableaux et d’y mettre une quantité non négligeable de mauvaise foi.

Pourquoi de mauvaise foi ? Explications :

L’auteur finit par conclure qu’un bon moyen d’enrayer le P2P consisterait à « segmenter le marché de l’accès en imposant aux fournisseurs d’accès (FAI) une tarification dissuasive pour le trafic montant (upload) susceptible de contenir des fichiers sous copyright ». Comprendre : « rendre les FAI responsables de ce qui est uploadé sur leurs réseaux en les forçant, par une loi, à taxer l’upload ». En effet, l’upload est le moteur du P2P : plus on upload, plus on download (échange symétrique de données).

On a vu que selon « Media and Marketing Europe-Forrester Inc. » 20% des connectés à internet utilisent (entre autre je le rappelle !) le web pour télécharger de la musique (légalement ou non). Par ailleurs, 10% de l’usage internet réside dans le jeu video OnLine (ce chiffre se monte à 22% d’après le fameux sondage IPSOS réalisé sur 7430 internautes haut-débit).

Or le jeu on-line est très consommateur en upload et ne contient pourtant aucune donnée illicite. Une taxe sur l’upload ne tuerait-elle pas le marché naissant et croissant du jeu on-line ? D’autant que le potentiel de ce marché à long terme est estimé supérieur à celui de l’industrie du cinéma.

Et qu’en est-il des données d’infographie ou à contenu scientifique (séquences génomiques...) ? Ce sont pourtant des données à fort volume. Et l ‘échange de données open-source via le P2P ? Et la mise à jour des sites Internet par les webmasters ? Et la video-conférence ? Et le télétravail ? Et l’envoi de courrier électronique ? Et la démocratie électronique participative ?

Dès qu’une connexion internet est établie, des données sont uploadées vers le réseau. Le système de limitation d’upload a déjà été tenté avec le câble. Les internautes câblés ne pouvaient certes pas faire de P2P mais ils ne pouvaient pas jouer OnLine non plus. Le marché du câble a dû s’adapter à la concurrence de l’ADSL et abandonner finalement ce système de limite d’upload.

Serait-on prêt à sacrifier des marchés prometteurs en pleine expansion au profit de la sauvegarde des intérêts d’un système de diffusion de produits de divertissement condamné à s’adapter, de toute façon (l’auteur le reconnaît lui-même) à internet ? Quelles-en sont les raisons ? Cette étude dissimulerait-elle un quelconque conflit d’intérêts ?

La question peut être posée lorsqu’on étudie le CV de l’auteur principal de l’étude Mr Olivier Bomsel (http://www.cerna.ensmp.fr/CVs/Bomsel.html). Il se déclare lui-même « producteur de films et co-fondateur d’art-netart, producteur-éditeur d’art numérique ». L’attachement dont il fait preuve à vouloir diaboliser le P2P n’est pas innocent et encore moins digne d’objectivité. La partialité de l’étude et les intérêts personnels sont des faits à prendre en compte à la lecture de l’étude. L’arrogance avec laquelle l’auteur répond aux critiques témoignerait ainsi d’une position ouvertement partisane. (http://info.vnatrc.net/1078947433/index_html)

L’objectif n’est pas d’accuser une personne en particulier mais de dénoncer la partialité et le caractère opportuniste de cette étude dans le débat qui fait actuellement rage autour du P2P. Toutefois, gageons que si Mr Bomsel avait eu des intérêts dans le secteur de l’édition ou de la production de jeux videos OnLine, il aurait été un des plus fervents détracteurs du projet d’une taxation de l’upload.

Maintenant, que les doutes concernant le caractère partisan de cette étude sont dissipés, revenons à la leçon de mauvaise foi professée pour justifier l’idée d’une taxe de l’upload.

Afin de rassurer les sceptiques qui voient d’un mauvais œil cette idée de taxe (les auteurs emploient le terme « tarification » car « taxe » sonne mal aux oreilles) et pour affirmer son engagement dans la lutte contre ce phénomène P2P si destructeur, l’auteur nuance le projet en affirmant que « Le FAI pourrait proposer un tarif moindre, mais aurait la charge de la preuve de la licéité des échanges. Une telle mesure fixerait un coût à l’usage du P2P dont l’utilisateur serait facturé au prorata des fichiers chargés depuis son ordinateur ».

Cette idée est séduisante mais difficilement applicable.
En effet, ceci supposerait une obligation de surveillance permanente du contenu de son réseau par le FAI au mépris de toute forme de vie privée. La CNIL et les autorités publiques seraient immédiatement saisies si une telle loi devait être proposée. Il est absolument inconcevable de sacrifier le respect de la vie privée des internautes, après le marché du jeu video OnLine, pour préserver les intérêts de la boîte de production dans laquelle officie Mr Bomsel.
Si ce projet était venu d’un ténor de la production de films comme Jerry Bruckheimer par exemple, on aurait pu comprendre à la rigueur l’intérêt économique qui justifie la nécessité de vouloir s’essuyer les pieds sur les fondements de la vie privée…
Pour autant il s’agit bien de comprendre que respect de la vie privée ne veut pas dire non plus défense de l’anonymat.
Les FAI pourraient aussi par exemple bloquer les ports associés généralement aux services de P2P ou les surveiller spécifiquement. Malheureusement ils sont paramétrables.

Et puis au sujet de la concurrence, si on propose un projet de forfait d’upload , comment empêcher les FAI de proposer des limites d’upload plus élevées que celle de leur voisin pour le même prix ? Par une nouvelle loi ? Si quelqu’un est connecté 20h sur 24h sur le P2P et upload pendant 1 mois à 10Ko/s, il aura transféré au total 2,2Go de données. Mais qu’est-ce qui interdira à un FAI de proposer un forfait de limite d’upload de 3Go pour un prix égal à celui des concurrents ?

Enfin, bien qu’il cite les chiffres, l’auteur effleure à peine le phénomène du transfert de pouvoir d’achat qui a actuellement lieu chez les consommateurs en matière de divertissement. Le poids économique des ventes au détail de CDs a augmenté de 1.5% entre 1997 et 2001 mais celui des DVDs a explosé de 174% sur cette même période. Le pouvoir d’achat des ménages n’est pas extensible à l’infini et donc lorsqu’il faut faire un choix, les gens achètent de plus en plus de DVD.
En matière de musique, le DVD a une forte valeur ajoutée par rapport au CD du fait qu’il peut contenir clips, interviews et concerts en sus des pistes musicales. Il faut aussi noter qu’un DVD peut valoir jusqu’à 3 à 4 fois plus cher qu’un CD, ce qui diminue d’autant les ventes de CDs

Le transfert de pouvoir d’achat a lieu non seulement vers les DVD mais aussi vers d’autres produits de divertissement comme la téléphonie mobile et internet, ceci au détriment, entre autre, de la vente de CDs musicaux. Le directeur du secteur « disque » de la FNAC, Rodolphe Buet, éclaircit un peu la situation en soutenant l’idée selon laquelle le téléchargement illégal n’est pas seul responsable de la crise de l’industrie musicale.
(http://www.zdnet.fr/actualites/internet/0,39020774,39147204,00.htm?feed).

De plus, il est amusant de noter l’amalgame fait par l’auteur de l’étude entre produits de divertissement (musique, cinéma…) et produits culturels. Bien que le divertissement appartienne à la sphère culturelle, on ne peut pas se permettre de rabaisser la culture à la vente de CDs ou de DVDs. Toutefois ceci a le mérite d ‘entretenir la confusion dans l’esprit de chacun afin de brandir ensuite l’argument définitif « le P2P nuit à la diversité culturelle et réduit le choix musical et cinématographique, il est donc néfaste ». Le P2P nuit peut-être à aux revenus l’industrie du divertissement mais il n’entache certainement pas la sphère culturelle de nos sociétés contemporaines, le choix n’a jamais été aussi vaste dans l’histoire musicale. Sauf bien sûr, si l’on considère les « Taxi 3 » et Jennifer Lopez comme les porte-étendard de la culture.

Ainsi donc, est-ce que les dégâts collatéraux occasionnés par ce projet de taxation de l’upload sont acceptables ? Oui, car il faut croire que la guerre actuellement menée à l’encontre du P2P est juste et que par conséquent cela excuse tous les dérapages. C’est le bien contre le mal, que Dieu bénisse l’industrie musicale. Que Dieu bénisse Mr Bomsel.
Nous pourrions d’ailleurs appliquer ces raisonnements à nos autres problèmes de société, à savoir le lance-roquettes pour écraser une mouche : Castration des violeurs, de leurs proches et de leur descendance ; En cas de flash d’un radar automatique, arrêter et verbaliser les 30 voitures qui se trouvaient alors dans le secteur ; Utiliser des tanks et tirer à vue pour disperser une manifestation d’étudiants.

En conclusion :

Cette étude a suscité de nombreuses inquiétudes, réactions et critiques (http://www.fing.org/ref/lettres/141.html). D’autres publications, dont l’une autrement plus étoffée (http://www.unc.edu/~cigar/papers/FileSharing_March2004.pdf)
viennent contredire les résultats énoncés de manière péremptoire dans cette étude. Le débat est donc toujours d’actualité. Encore faut-il demeurer objectif si l’on souhaite faire avancer les choses de manière sereine. À travers cette étude, l’auteur a finalement porté préjudice à la cause qu’il entendait défendre. C’est regrettable car en se discréditant, il cautionne ainsi la cause inverse qui consiste à dire que l’industrie du divertissement et ses acteurs mentent sur la réalité de leur état de santé et que l’épouvantail du P2P est un coupable idéal pour expliquer la baisse de leur CA et rassurer ainsi les actionnaires moroses qui rechignent à réinvestir.

La principale escroquerie de cette étude est donc l’amalgame fait entre corrélation et causalité. Il est difficile de comprendre pourquoi l’auteur de l’étude, professeur et chercheur au Centre d’économie industrielle de l’Ecole des Mines (CERNA) s’est abaissé à user de pratiques, communément utilisées par les charlatans des pseudo-sciences , sinon pour étayer de manière partiale une thèse, qui permettrait la sauvegarde de ses intérêts dans le monde de la production et de l’édition d’art numérique et cinématographique. Le contrôle de la diffusion des contenus numériques de divertissement ou plus largement, culturels, est à ce prix il faut croire.

S’appuyer sur de simples corrélations et conclure à partir de résultats de sondages pour faire croire à l’hypothèse d’une menace économique, est une escroquerie intellectuelle. Le débat est donc ailleurs et porte à l’évidence sur l’inquiétude de la majorité des producteurs au sujet de la menace de perdre le contrôle sur la diffusion des contenus numériques.

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> Non, ce n’est pas un réquisitoire...(2) 12 juillet 2004

oh, que c’est beau ce texte, les 2 parties !
que c’est argumenté, que c’est complet !

p.s. demannde à l’auteur, Alex Bontsaleck,
c’est citable, c’est possible de le reprendre ?
mailto: bituur at musique-libre point org
merci.

[Répondre à ce message]

Non, ce n’est pas un réquisitoire...(1) 16 avril 2004, par Alex Bontsaleck

Je suis tombé sur l’étude provenant de « L’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris, CERNA » et traitant des « Enjeux économiques de la distribution des contenus » (www.cerna.ensmp.fr/Documents/OBetalii-P2P.pdf). Les auteurs de ce rapport édifiant nous apprennent, chiffres et graphes officiels à l’appui (sources IFPI, RIAA etc…) que le P2P est responsable de la crise actuelle de l’industrie musicale. Ce n’est pas nouveau.

Dans le rapport, de nombreuses données graphiques viennent étayer l’argumentation de l’étude. Le rôle des données statistiques est important, dans toute publication scientifique, afin de prouver le modèle ou les hypothèses de recherche énoncés. Encore faut-il les utiliser en respectant les règles du jeu, sans quoi le caractère rigoureux de l’étude s’effondre, suivi de sa crédibilité.

Les 27 premières pages de l’étude sont intéressantes et leur rôle est de planter le décor : explications techniques, aperçu des enjeux, définitions de vocabulaire. Puis, à la page 28, dans le chapitre « Evasion de l’industrie des contenus », les premières données graphiques apparaissent.

Le premier graphe présenté (Sources : IFPI/RedShift/IDATE), veut établir une corrélation entre la décroissance du marché mondial du disque et le nombre d’utilisateurs du P2P. Il faut noter le choix judicieux de l ‘échelle utilisée afin que les points maximums de ce double graphe se jouxtent et donnent l’illusion d’une relation bien plus profonde qu’une simple corrélation.

Ainsi, le tableau suivant enfonce le clou en établissant un comparatif entre le Nombre d’utilisateurs connectés au réseau P2P à chaque instant et le Nombre de fichiers téléchargés, chaque année. Ce nombre de fichiers est une estimation basée sur 38% des requêtes et suppose que tous les fichiers téléchargés sont utiles. Ces chiffres sont bien entendu à prendre avec précaution, ce que souligne le rapporteur afin d’ôter les soupçons qui commencent légitimement à poindre. Mais, peu à peu se dessine la forme du procès qui va être mené à l’encontre du peer-to-peer : le haut-débit et le nombre d’utilisateurs de P2P influent très fortement sur le taux de décroissance annuel du marché mondial du disque.

Le constat suivant est sans pitié : un second graphe de corrélation (Sources : Idate/Ifpi. Valeurs de croissance 2003 : 1er semestre.) décrit les « Ventes de disques et le déploiement du haut débit ». 4 courbes colorées et relativement parallèles établissent une corrélation entre le taux de croissance en volume du marché du disque (qui chute d’environ 25% - !- en un semestre en France. Il passe de +15% à environ –10% en 6 mois. Ah…) et le taux de pénétration du haut-débit (environ +4% en France sur la même période).
Et là, tout est dit. Dans l’esprit de chacun le haut-débit entraîne l’essor du peer-to-peer qui entraîne à son tour la chute des ventes de disques, donc des revenus de l’industrie musicale…etc…

S’ensuit un graphe décrivant le taux de croissance du marché français (Sources : IFPI). À partir de 2001, on peut lire une chute vertigineuse de ce taux qui passe de +13% en 2001 à –9% mi-2003.

La conclusion de la première partie (page 35) suggère de facto la responsabilité du P2P dans la nécessité, pour l’industrie musicale, d’investir lourdement dans des modèles payants de distribution en ligne pour contrer les pertes de revenus dû, on s’en sera douté, au piratage via le net. La causalité entre baisse de chiffre d’affaire, augmentation de la pénétration du haut-débit et accroissement de l’utilisation du P2P est dès lors suggérée fortement.

Logique ? À première vue ça se tient. Malheureusement, malgré les données graphiques et statistiques énoncées, rien n’a été prouvé.
Pourquoi ? Car tous ces graphes décrivent des corrélations. Mais « corrélation » n’est pas « causalité ». C’est une des bases de l’analyse statistique : une corrélation entre deux évènements, aussi forte soit-elle, n’apportera jamais la preuve d’une relation de causalité entre eux. Mr Henti Atlan (http://www.droit-de-suite.com/atlan.htm) l’explique dans son étude traitant des « Usages et mésusages des statistiques et des probabilités » (http://www.droit-de-suite.com/usages_et_mesusages.htm)

D’un point de vue lexical, quand deux faits apparaissent comme ayant suivi la même progression dans le temps, nous avons une corrélation. En revanche, Quand un fait entraîne l’apparition d’un autre nous avons une relation de cause-à-effet, c’est-à-dire une causalité.

Pour illustrer ce propos, prenons des exemples :

Une des plus belles corrélations établie dans l’histoire des sciences est décrite dans le livre « Une logique de la communication ». Paul Watzlawick raconte en effet, que la plus forte corrélation trouvée dans les années 1950 a été celle observée entre la consommation de bière sur la côte ouest des USA, et la mortalité infantile au Japon. Peut-on accuser pour autant les américains assoiffés de tuer des japonais ? Ou au contraire, doit-on accuser les enfants japonais morts d’assoiffer les américains ? Cet exemple a été fréquemment repris pour montrer les limites des statistiques et démontrer à juste titre « qu’on peut leur faire dire n’importe quoi ». Un site très sérieux, « Pénombre » (http://www2.unil.ch/penombre/) traite du sujet des détournements par les médias des chiffres au quotidien. Des mathématiciens et juristes de renom y sont rédacteurs.

Autre exemple : si on met en évidence que le cerveau des adolescents qui passent 5 heures par jours sur leur portable est ramolli, ce ne sera pas forcément la faute aux portables mais peut-être parce que ce sont ces mêmes ados qui regardent les reality-show débilisants. On peut aussi prendre la cause pour l’effet : c’est parce qu’ils ont le cerveau ramolli qu’ils passent 5 heures par jour sur leur portables...

Internet regorge d’autres exemples amusants où corrélation et causalité sont confondues et malmenées. Cet artifice est souvent utilisé à des fins discutables, en particulier dans le domaine des pseudo-sciences (par exemple : http://www.zetetique.ldh.org/lignon_arles.html).

Interrogé à ce sujet, Olivier Bomsel se défausse en soulignant : « Je ne veux pas rentrer dans le débat sur les causes - multiples, complexes, enchevêtrées - de la baisse des ventes. On ne fait que pointer une corrélation : celle de la baisse des ventes et du déploiement des débits »…« On analyse ensuite, du point de la distribution et du marketing, les effets de la concurrence entre payant et gratuit ». Malheureusement, ceci témoigne d’une mauvaise foi à posteriori. Le début de l’étude décrit en effet plusieurs corrélations, puis, un habile glissement sémantique remplace peu à peu cette « corrélation » par une « causalité » qui prendra ensuite toute son importance dans la conclusion de l ‘étude. Le terme « causalité » n’est pas explicitement énoncé mais la tromperie est que pour la plupart des gens corrélation et causalité sont identiques ou du moins, leur superposition est logique. Nombre de scientifiques en font d’ailleurs parfois les frais. Mais d’un point de vue rigoureusement mathématique, ces deux concepts sont distincts et si causalité implique implicitement corrélation, le contraire n’est absolument pas vrai. Cet éclairage est nécessaire pour aborder la suite de l’étude.

La partie relative à « La dynamique économique de l’accès » traite de l’importance et du développement du haut-débit sur le marché de l’accès internet, de leur impact sur les performances économiques des FAI, ainsi que des habitudes des internautes sur leur usage du haut-débit. En suivant les analyses énoncées dans ce chapitre, sous prétexte que le téléchargement de musique est plus fréquent en haut-débit qu’en bas-débit, on veut nous faire croire que la motivation première du développement du haut-débit est l’usage du P2P, à des fins illégales forcément. Toutefois, ces conclusions sont tirées des tableaux 7, 8 et des graphiques 14, 15 et 16. Les données chiffrées énoncées sont malheureusement citées de sources comme « Media and Marketing Europe-Forrester Inc. » ou d’enquêtes IPSOS.

Etablir que « le téléchargement de musique est une motivation importante du consommateur pour accéder au haut-débit » à partir, entre autres mais principalement, d’un sondage IPSOS réalisé sur 7430 internautes en France ou de 6600 individus de 12 pays est un peu péremptoire. D’autant que les chiffres varient beaucoup d’un tableau à un autre.
Selon « Media and Marketing Europe-Forrester Inc. » 20% des connectés à internet utilisent le web pour télécharger de la musique (légalement ou non, ce n’est pas précisé). Mais ces 20% d’abonnés l’utilisent aussi pour d’autres raisons (preuve, la somme des pourcentages dépasse allègrement les 300%, un sondé pouvait donc donner plusieurs réponses). Il faut donc considérer ces données dans leur ordre d’importance et non considérer le nombre symbolique de 20%. Ainsi le téléchargement de musique arrive en 6ème position dans les préférences d’usage d’internet.
Selon l’étude IPSOS réalisée sur 7430 internautes haut-débit, il est estimé à 31% le nombre de personnes qui visitent des sites de services relatifs au téléchargement de MP3 (ici aussi services légaux ou non, on ne sait pas). De même, ces 31% d’abonnés utilisent internet à d’autres fins (total des pourcentages : 183%, plusieurs réponses par sondé)
Selon « Pew Internet & American Life Project, 2003 », aux Etats-Unis 13% des abonnés haut-débit téléchargent de la musique alors que l’enquête IPSOS menée sur les habitudes de 6600 personnes dans 12 pays estime que 44% des interrogés ont téléchargé au moins une fois de la musique en 2002.

Mis à part le fait que ces chiffres sont tirés d’enquêtes de comportement ou de sondages, il aurait été bon de préciser les fourchettes d’erreur relatives à l’ensemble de ces données afin de nuancer la grandeur des chiffres annoncés. D’un point de vue mathématique et scientifique, ce manque de rigueur dans le traitement des données ôte malheureusement toute crédibilité aux conclusions qui en sont tirées. En sciences, les statistiques répondent à des règles de traitement strictes, dont il faut obligatoirement préciser toutes les facettes, afin qu’elles puissent être avalisées en tant que « données recevables » pour étayer une hypothèse. De même, il est exclus de comparer le mode de traitement de statistiques issues de mesures physiques, biologiques (etc…) avec celui employé dans les sondages. Les règles y sont différentes car devant tenir compte de l’aspect « humain » des informations collectées. En effet, de nombreuses études universitaires montrent que, lors d’un sondage, les réponses d’un sondé peuvent varier significativement en fonction de différents facteurs : ordre de présentation des réponses à l’intéressé, temps libre accordé au sondage par le sondé, volonté de fausser le sondage en répondant tout sauf ce qu’on pense vraiment (par jeu, vengeance…) sont des exemples courants. De même, la synthèse finale des données du sondage peut faire apparaître des choses qui étaient absentes à partir des résultats bruts. Tout dépend donc de ce que l’on veut faire dire au sondage et de la manière dont on présente et traite les questions ou les résultats.

Par exemple, à partir des chiffres énoncés dans l’étude, on peut tirer ceci :

D’après le graphe 6, dans le cas de la France, on constate que le taux de croissance en volume du marché du disque passe de +14% à –4,5% pour un taux de pénétration du haut-débit passant de 1% à 5%.
Donc pour 4% de pénétration du haut-débit, la croissance en volume du marché du disque chute de 18,5%. Or, il faut savoir que tous les abonnés haut-débit ne font pas de P2P et que parmi ceux-ci tous ne copient pas illégalement de la musique (ou logiciels…). Tablons donc sur les 31% de connectés haut-débit issus du sondage IPSOS qui téléchargent de la musique et considérons que TOUS piratent de la musique. Ainsi, sur 4% de pénétration du haut-débit, 31% de ces 4% s ‘en serviront pour télécharger au mépris des lois sur les copyrights. Soit donc 1,24% de pénétration du haut-débit.
Dès lors, pour 1,24% de pénétration du haut-débit, on observe une chute de 18,5% de la croissance en volume du marché du disque, en France au premier semestre 2003.
Ainsi donc, seulement 1,24% de connections haut-débit en plus suffiraient à faire chuter les taux de croissance en volume du marché du disque de 18,5%(!) ? Ce chiffre est bien trop impressionnant pour être vrai, non ? Pourtant cela reste logique. Aussi logique que ce qui est énoncé dans l ‘étude.

Autre exemple :
En juillet 2003, on compte 2,053 millions d’abonnés haut-débit en France (Sources : AFA, Wanadoo, Free, AOL, Tiscali et Club Internet, tableau 6). En décembre 2002, on avait 1,456 millions d’abonnés. Au premier semestre 2003, on compte donc en France 597 000 nouveaux abonnés haut-débit dont 31% (bien sûr) vont utiliser leur connexion uniquement pour pirater de la musique, soit 185 070 personnes (ce qui représente 0,308% de la population française, en considérant la population à 60 millions d’individus).
Ainsi donc, 185 070 personnes, ou 0,308% de la population française suffisent pour faire chuter le taux de croissance en volume du marché du disque de 18,5%(!) en France ?
Faramineux ! Ces personnes doivent disposer d’un pouvoir d’achat absolument hors normes pour entraîner une telle débandade de l’industrie musicale.
J’en conclus donc que seuls les milliardaires, PDG et haut fonctionnaires d’état se livrent à du piratage de musique en France.

Voilà, ceci montre à quel point, à partir des même données, on peut obtenir des résultats et conclusions absolument invraisemblables. Il suffirait de glisser des graphiques, des explications techniques, des termes anglais et des encadrés avec des idées fortes pour obtenir quelque chose de comparable à cette étude.

Un dernier exemple pour la route et je passe à la seconde partie :

Selon l’Idate, un total de 149,8 milliards de titres ont été téléchargés dans le monde sur les réseaux deP2P en 2003. Or en 2002, le CA de l’industrie musicale a chuté de 2,2 milliards de dollars pour un total de CA égal à 32 milliards de dollars.
Ainsi le téléchargement de 1 titre sur le réseau P2P de titres musicaux ne ferait chuter le CA de l’industrie du disque que de 0,0146 dollars. Par extension, le téléchargement d’un album complet (12 titres disons) fait chuter le CA de 0,292 dollars. Soit moins de 1,91 Francs.
Mais si le téléchargement d’un album ne fait perdre que 1,91Frs de Chiffre d’Affaire à l’industrie musicale, pourquoi continue-t-on à payer plus de 90Frs un album en prix vert à la FNAC ?
Enfin, si un titre coûte à l’industrie musicale 0,0146 dollars, pourquoi ce même titre coûte 0,99 dollars sur les sites légaux de vente de musique en ligne (iTunes Music OnLine) ?

..........

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> Nouveau : la taxup (taxe sur l’upload) ! 6 février 2004, par erick

Ben voyons et que font les professionnels de la profession du net (référenceurs, graphistes, ...) qui upload(ent) à tour de bras ? hein kékon fait ... ? On regarde une photo du messie du haut Poitou, et on soupir.

Les soucis de l’industrie du disque me laisse indifférent. Par contre savoir que tel ou tel "artiste" a gagné 5 million d’€ là ça commence a m’énerver.

Je leur propose une solution maison et pour pas cher "apprendre à vivre avec moins de sous". Céty pas révolutionnaire ?

Mon cadeau du matin :)

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Le plus incroyable c’est que ces gens sont payés 4 février 2004, par Groufo

...pour sortir des bêtises pareilles... Sans parler de la facilité extrême pour un FAI de savoir si un paquet IP est copyrighté ou non, il va de soi que tous les gens qui uploadent des fichiers pirates sont français.

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Leitmotiv 24 janvier 2004, par Ardekadan

Depuis la nuit des Temps c’est toujours la même histoire qui revient...

Un pays lointain, possédant de nombreuses ressources sur son territoire, peuplé d’hommes libres (appelés “sauvages” par certains crânes de puce). Les Indigènes vivent différemment du reste du monde habité... ils vivent simplement, ne connaissent pas grand chose (du moins au jugé des mêmes crânes de puce), en réalité leur connaissance est différente, en rapport direct avec leur patrimoine… ils sont heureux ainsi ! Bien sur, tout n’est pas rose, comme partout ailleurs le mal œuvre sous les ombres, mais il n’est pour l’instant qu’une minorité…

Un jour, un soi-disant explorateur vient à “découvrir” ce lointain pays… En réalité cela fait bien longtemps qu’il a été découvert, puisque des êtres humains y vivent déjà en toute harmonie ! Et puis la vague de colonisation par des êtres sans scrupule, avide de richesse, prêts à faire argent de tous bois… Et ce lointain paradis devient rapidement un enfer ! Les indigènes, décimés, disparaissent peu à peu, incapables qu’ils sont de résister efficacement face à la puissance déployée par l’envahisseur… Ils sont remplacés par des “colons”, ignorants complets de tout ce qui touche à ce “nouveau pays”, et qui apportent leur “civilisation”, c’est-à-dire une certaine quantité de vices et de maladies inconnus jusqu’alors dans ces lointaines contrées, et un peu de connaissance (plus communément appelée “modernité”)…

Ainsi en sera-t-il d’Internet !

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