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> Ecoles de journalisme : prêt-à-penser ou prêts à penser ?

3 mai 2002, 19:23, par Ftech

Petit témoignage perso. Je travaille dans la presse nationale et je sors d’une école de journalisme reconnue par la profession. Ecole que j’ai intégrée après avoir fait une maîtrise d’histoire.
Je m’étonne de tous ces témoignages sur les pistons. Bien sur, le journalisme, comme tous les métiers qui font envie, favorisent le piston. Mais pas plus, à ma connaissance que pour entrer dans une banque, une entreprise, décrocher un job intéressant dans un cabinet d’avocat, assister un homme politique, obtenir une bourse pour faire une thèse à la fac ou décrocher un stage intéressant dans un hôpital côté pour les médecins ou dans un lycée propret de centre-ville pour les profs. Enfin, sortir d’une école de journalisme même très réputée n’empèche pas le piston. Les deux peuvent s’additionner, hélas.
Le piston ou ce que l’on appelle faire jouer ses relations quelles qu’elles soient n’est cependant pas honteux. J’aurais aimé, parfois, en bénéficier pour aller plus vite. Et si on a l’occasion d’en profiter, je pense qu’il faut savoir la saisir à moins d’être totalement irréaliste ! Parce que ce milieu du journalisme recrute en grande partie grace au piston. Certains journalistes réputés brillants et cités régulièrement dans les revues de presse sont souvent arrivés grace à un piston quelconque dans les journaux nationaux. Au moins au départ. Parce que les exigences de ce métier sont telles que quelqu’un de réellement médiocre a peu de chance de décoller...A un moment donné, il faut quand même faire ses preuves.
Alors bien sûr, je côtoie tous les jours des fils et filles, neveux ou nièces de journalistes ou de patrons de presse qui représentent à mon avis un bon tiers des journalistes qui m’entourent. Parmi eux, beaucoup sont des gens de valeur, tout à fait respectables et professionnels. D’autres sont médiocres. Mais
peu, très peu d’entre eux sont passés par un école de journalisme. Ils se la jouent souvent : je me suis fait sur le tas ou je fais un contrat de qualif, c’est quand même vachement plus formateur qu’une école de journalisme. Je suis sur le terrain alors que vous autres, journalistes d’écoles vous êtes tous formatés> Moi je laisse dire avec un sourire en coin : ils oublient toujours de spécifier qu’ils ont échoué aux concours d’écoles de journalisme, qu’ils ont été infoutus de décrocher une licence ou encore qu’ils obtenu leur contrat de qualif parce que maman est journaliste au Fig, grand-papa à Libé, ou tatie chef de service au Monde. Mais c’est la réalité : contrat de qualif=pistonné.
Pire encore : le cas des gens sous-qualifiés embauchés sans expérience. Les journalistes auparavant coiffeuses ou secrétaires, bac moins deux ou une année de fac par ci, un année de fac par là sont évidemment tous des gens pistonnés. Le mec qui se forme sur le tas et qui n’a pas de diplômes, ça n’existe essentiellement que chez les super-pistonnés. Ou chez les gens hyper brillants, ce qui est beaucoup plus rare : là où je travaille je ne connais qu’une personne dans ce cas.
Autre cas. Les stagiaires qui deviennent pigistes et qui essaient de s’accrocher vaille que vaille pour écrire des papiers. Certains sont issus d’écoles de journalisme, d’autres non. Pour la plupart, ils ne sont pas pistonnés et représentent une proportion non négligeable dans l’effectif du journal. Ils galèrent davantage que les pistonnés au départ, gagnent moins bien leur vie. Mais c’est une bonne chose. Ils doivent se battre pour réussir, ils rongent leur frein. Du coup, ils bossent davantage, ils sont plus motivés, plus accrocheurs, plus enthousiastes. C’est plus dur, mais ça finit toujours pas se remarquer, croyez mon expérience.
Quant à faire une école, c’est une excellente idée. Parce que contrairement aux idées reçues, les gens recrutés dans les écoles de journalisme ont des profils très divers. Beaucoup de scince-po bien sûr mais aussi des facs d’histoire, de langues, de lettres, d’art pu d’économie. Souvent avec une conscience politique développée que ce soit à droite ou à gauche. Quant au lavage de cerveau, on le subit bien plus en débarquant dans un journal sans expérience, en se formant soit-disant-sur-le tas qu’en ayant fait une école de journalisme. Croyez, là encore, mon expérience. La formation sur le tas est effectivement un mythe à l’heure actuelle. Elle est valable en presse régionale que je connais bien mais très dure-quand on n’a pas de piston, bien sûr-en presse nationale. Par ailleurs, le passage par une école de journalisme n’est pas non plus inutile à ceux qui comme moi ont obtenu antérieurement des diplômes universitaires. Parce que les écritures, les mentalités universitaires et jounalistiques sont très différentes.