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> Pourquoi les journalistes dérapent et comment les en empêcher

26 janvier 2001, 11:06, par Sylvain Marcelli

Bonjour. Réponse aux réacions de Goulven. Pour activer le débat !

> "Peux-tu nous donner la définition "d’analyse compréhensive" ?"

Le terme est de Cyril Lemieux, qui le définit comme la "garantie de l’interchangeabilité des points de vue" : "cela signifie qu’on ne peut espérer critiquer justement et efficacement l’action d’un individu, tant qu’on se rend étranger aux valeurs qu’il a l’intention d’honorer et qu’on ignore les systèmes de pertinences qui sont les siens. (On peut le critiquer certes, mais avec moins de chances de le convaincre que de l’impressionner ou de lui faire peur - si on dispose sur lui d’un moyen de sanction - ou de le laisser indifférent - si on n’en dispose pas)"
Etre "compréhensif" ne veut donc pas dire : laisser faire, laisser dire, laisser passer, mais plutôt : se donner les moyens d’écouter et d’être entendu de ceux que l’on critique. Ce que se refusait à faire explicitement Bourdieu.

> La démocratie et l’audimat ?

L’audimat est-il un "facteur de coercition au sein des rédac’" ?
Difficile a priori de contester ce qui sonne comme une évidence, et ce que, pour le coup, avait bien montré Bourdieu. Quand l’audimat est devenue la seule règle (quand la "grammaire de réalisation" a pris le dessus), l’information est mauvaise et tronquée.
Cependant, je connais des journaux où la recherche de l’audimat tente de se faire en accompagnant un impératif de qualité. Ces journaux-là ont à mon avis profondément raison : une "information biaisée, incomplète, conciliante, voire fausse en externe" risque de faire partir le lecteur, quand celui-ci s’en rend compte. La baisse d’audience des journaux s’explique en partie par leur baisse de qualité. Mais évidemment cette analyse demande une vue à long terme (crédibilité et viabilité du journal) de la part de patrons qui préfèrent voir le court terme (vente de mon journal au jour le jour).
Pour résumer, j’aurais tendance à parier sur l’intelligence des lecteurs comme facteur structurel de régulation...
[Un bon exemple serait de vérifier si Charlie-Hebdo perd des lecteurs à cause des outrances de son rédacteur en chef, pas avare de sensationnel dans ses éditos et pas farouche face à l’audimat (participation à toutes les émissions débiles radio-télé, comme Le fou du roi - alliance pub avec Libération)]

> Pessimiste Cyril Lemieux ?

Ben, non ! Ce qui est ressourçant dans la lecture de Cyril Lemieux c’est justement son optimisme, et sa volonté de faire bouger les choses.
Il affirme faire confiance "au propre sens de la justice des journalistes" pour changer leur comportement.
Le dernier chapitre de son livre s’intitule "Que faire ?" et propose des solutions.
En fait, je crois que c’est moi qui suis moins optimiste que lui : ses solutions ne me semblent pas toutes applicables (voir la fin du texte).

> Continuer à tonitruer ?

OK, d’ailleurs, je n’avais pas vraiment l’intention de m’arrêter moi non plus ! En fait j’aurais dû écrire : le temps de la SEULE imprécation etc. C’est plus juste, et ça permet de continuer à lire avec délectation les chroniques acides de Pierre Madrid sur ce site :-)