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> Une ordonnance délirante

28 novembre 2000, 14:02, par Antoine Pitrou

Ainsi donc, une fois de plus, on tente de noyer le poisson en mettant en valeur la FORME de la procédure et non le FOND.

Le fond dépend de la forme. Par exemple, quand on choisit une procédure en référé, on sait qu’on occultera délibérément le fond.

C’est très grave, de prôner ainsi la déresponsabilisation des hébergeurs

Pourquoi ? N’est-ce pas les auteurs qui doivent être responsables, et non les prestataires techniques à qui ils ont recours ? Si on vous envoie un tract négationniste par courrier, contre qui portez-vous plainte : La Poste, l’imprimeur du tract ou l’expéditeur du courrier ?

Allez-vous exiger de La Poste que tous les expéditeurs puissent être identifiés ? Pourtant il est beaucoup plus facile d’envoyer une lettre anonyme par La Poste que de faire la même chose pour un site Web ou un courrier électronique (les hébergeurs et fournisseurs d’accès conservent les traces de connexion et ont pour obligation de collaborer avec la police).

Internet est un média, au même titre que la radio et la télé. Les mêmes règles doivent lui être appliquées.

Le présent article démontre justement que certaines démarches précipitées risquent, par aveuglement, de briser cet état de fait (pour un résultat médiocre du point de vue de la lutte contre le racisme : les sites réellement illégaux sont d’ores et déjà fermés en toute diligence par les hébergeurs, ceci dès qu’une plainte leur est transmise).

Avec ce genre d’argumentaire-fleuve, on pourrait libérer Papon pour vice de forme.

Ah bon, et comment ? Les crimes de Papon, de Barbie, sont parfaitement punis par la loi, contrairement à ce qui est reproché à Yahoo.

Si l’on veut que la vente d’objets nazis soit interdite, il me paraît beaucoup plus sain de militer pour une loi en ce sens, et non de faire
détourner les lois existantes sous la pression d’une médiatisation hystérique.

Le procès Yahoo est un cas emblématique : une cause consensuelle est relayée avec force effets de manche par des médias trop contents de pouvoir stigmatiser cet Internet (des entreprises certes, mais aussi et avant tout des citoyens) qui leur ravit un bout de leur pouvoir.
Si l’on ne combat pas ce genre de diabolisation généralisante à l’emporte-pièce - aussi peu ragoûtant soit le sujet de l’« affaire » traitée -, nous nous retrouverons bien démunis le jour où les excès de l’affaire Yahoo se retrouveront transcrits sous forme d’une loi règlementant et pénalisant à l’excès toute expression non institutionnelle (la vôtre, la mienne) sur le réseau.