De toute façon, quand on commence à évoquer la notion de « un livre, un vrai », on a de fortes chances d’avoir de ces discussions qui finissent mal. Parce que rapidement on sent poindre comme l’idée qu’il y a des livres qui sont faux, et on peut légitimement se demander ce qu’on doit en faire...
La notion de « un libraire, un vrai », est tout aussi floue. Comme le suggère subtilement le message de Lirresponsable, qu’est-ce qui autorise à confondre systématiquement le rôle social « noble » du libraire (recommander des livres qui vont nous plaire) et son rôle économique (vendre des livres et payer des impôts pour construire des hôpitaux) ?
Personnellement, je déteste avoir des discussions intimes sur mes goûts, mes valeurs, mon expérience personnelle, avec quelqu’un qui est en train de travailler (pour cette raison, d’ailleurs, je ne fréquente pas non plus les prostituées et les psychanalystes - même si je conçois très bien que d’autres leur attribuent un statut social des plus gratifiants). En revanche j’adore qu’on me recommande des livres. Et j’adore que les gens qui le font ne soient pas en train de travailler, mais simplement mes amis.
Si j’écris : « Je préfère me faire recommander des livres par mes amis plutôt que par le salarié d’une librairie », est-ce que cela continue à sentir le vomi ? Phrase qui pourrait assez facilement conduire à : « J’ai beaucoup d’amis, donc pour choisir des livres je n’ai pas besoin d’un libraire... », ou encore : « Même si mes amis et moi avons des goûts communs, ce qui est une des raisons de notre amitié, donc limités, avec l’internet j’ai désormais des amis au Québec, au Vietnam et au Zambèze, qui m’ouvrent des perspectives culturelles que le petit commerçant sympathique qui vend des livres en bas de chez moi n’imagine même pas. »... Enfin, ce genre de phrases hérétiques.
(D’un autre côté, je m’interroge, peut-être que c’est réellement mieux quand ce genre d’activité culturelle est conseillée et orientée par un professionnel ? Moi je trouve que c’est déjà très bien comme ça, à la maison, quand je ne paie pas. Mais j’ai peut-être tort, hein, p’têt que je passe à côté de trucs épatants.)
Quant à l’éditeur qui a lu et corrigé le livre pour toi, je te trouve bien optimiste... Réellement, tu connais ce milieu, tu sais dans quelles conditions de temps et d’argent sont fabriqués les livres ? Tu connais les expressions, pourtant typiques du jargon de l’édition : « j’ai une méga charette, je vais encore pas dormir cette nuit, ni demain non plus... », ou « bon, tu fignoles pas, tu finis fissa, sinon on va rater l’office », ou encore « un relecteur sur ce bouquin, mais c’est un petit tirage, tu veux couler la boîte ? » (parfois complété de la justification : « l’auteur il sait écrire, alors il peut tout aussi bien se relire... »)...?
De toute façon, quand on commence à évoquer la notion de « un livre, un vrai », on a de fortes chances d’avoir de ces discussions qui finissent mal. Parce que rapidement on sent poindre comme l’idée qu’il y a des livres qui sont faux, et on peut légitimement se demander ce qu’on doit en faire...
La notion de « un libraire, un vrai », est tout aussi floue. Comme le suggère subtilement le message de Lirresponsable, qu’est-ce qui autorise à confondre systématiquement le rôle social « noble » du libraire (recommander des livres qui vont nous plaire) et son rôle économique (vendre des livres et payer des impôts pour construire des hôpitaux) ?
Personnellement, je déteste avoir des discussions intimes sur mes goûts, mes valeurs, mon expérience personnelle, avec quelqu’un qui est en train de travailler (pour cette raison, d’ailleurs, je ne fréquente pas non plus les prostituées et les psychanalystes - même si je conçois très bien que d’autres leur attribuent un statut social des plus gratifiants). En revanche j’adore qu’on me recommande des livres. Et j’adore que les gens qui le font ne soient pas en train de travailler, mais simplement mes amis.
Si j’écris : « Je préfère me faire recommander des livres par mes amis plutôt que par le salarié d’une librairie », est-ce que cela continue à sentir le vomi ? Phrase qui pourrait assez facilement conduire à : « J’ai beaucoup d’amis, donc pour choisir des livres je n’ai pas besoin d’un libraire... », ou encore : « Même si mes amis et moi avons des goûts communs, ce qui est une des raisons de notre amitié, donc limités, avec l’internet j’ai désormais des amis au Québec, au Vietnam et au Zambèze, qui m’ouvrent des perspectives culturelles que le petit commerçant sympathique qui vend des livres en bas de chez moi n’imagine même pas. »... Enfin, ce genre de phrases hérétiques.
(D’un autre côté, je m’interroge, peut-être que c’est réellement mieux quand ce genre d’activité culturelle est conseillée et orientée par un professionnel ? Moi je trouve que c’est déjà très bien comme ça, à la maison, quand je ne paie pas. Mais j’ai peut-être tort, hein, p’têt que je passe à côté de trucs épatants.)
Quant à l’éditeur qui a lu et corrigé le livre pour toi, je te trouve bien optimiste... Réellement, tu connais ce milieu, tu sais dans quelles conditions de temps et d’argent sont fabriqués les livres ? Tu connais les expressions, pourtant typiques du jargon de l’édition : « j’ai une méga charette, je vais encore pas dormir cette nuit, ni demain non plus... », ou « bon, tu fignoles pas, tu finis fissa, sinon on va rater l’office », ou encore « un relecteur sur ce bouquin, mais c’est un petit tirage, tu veux couler la boîte ? » (parfois complété de la justification : « l’auteur il sait écrire, alors il peut tout aussi bien se relire... »)...?