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> Une tendance technologique inévitable

23 novembre 2003, 18:14, par un éditeur indépendant

Je ne suis pas contre l’e-book. Je préfère lire des textes sur un support papier, pour une raison de confort. Mais si une technologie plus évoluée peut m’offrir un confort comparable, avec des possibilités supplémentaires, tant mieux. En tant que consommateur, je n’ai aucune raison de ne pas m’en réjouir.

Le problème, c’est que je ne suis pas seulement un consommateur, et vous non plus. En tant que citoyens, nous devons nous interroger sur le coût social engendré par cette évolution technologique : les faillites d’imprimeurs, d’éditeurs, la protection du droit des auteurs face au piratage, l’effet sur la culture en général, sur le long terme.

L’abaissement des coûts pour le consommateur a des effets sur le reste de la filière et, en particulier, sur la qualité de la production. Je ne suis pas contre le fait que Brittney Spears vende des millions de disques, si cela permet de faire vivre une filière et de maintenir une certaine diversité, dans des conditions acceptables. Faire de la musique n’est pas gratuit, surtout si on veut le faire bien. Editer un livre n’est pas gratuit non plus. Le problème, c’est que si les coûts sont abaissés de façon drastique, si aucune mesure n’est prise pour en contrebalancer les effets, il n’y aura bientôt plus que Brittney Spears. La vraie création aura encore plus de mal à survivre, à s’imposer, en dehors de quelques "coups" marginaux du type "Blair witch" qui entretiendront le mythe des "potes-dans-leur-cave-qui-font-des-trucs-géniaux-qui-se-vendent-à-des-millions-d’exemplaire-quand-même".
Quant aux syndicats d’auteurs qui s’unissent pour diffuser leur musique directement... Rien n’empêche de le faire dès à présent. Chaplin et d’autres l’avaient fait dans le cinéma dès les années 20 en créant la United Artists. Cela revient à créer une nouvelle maison de disques.

Alors d’accord, en tant qu’éditeur, je dois réfléchir à la manière dont mon métier doit évoluer. Et il vaut mieux le faire le plus tôt possible.
Mais vous, en tant que citoyen, vous vous devez d’anticiper les conséquences de ces changements. Vous devez réfléchir à la meilleure manière de concilier les intérêts du commerce, les intérêts du consommateur - qui sont souvent des intérêts à court terme - et ceux de la culture. Quelles mesures mettre en place, par exemple, pour les imprimeurs ? Pour les éditeurs (à moins que seuls Hachette ou Gallimard, qui s’en sortiront de toute façon, soient dignes de survivre à vos yeux) ? Pour les auteurs, notamment au plan juridique, pour faire respecter leurs droits ? Quelles aides à l’équipement des bibliothèques, des CDI, également ? En achetant un e-book, vous ferez un choix. Vous engagerez votre responsabilité. Je ne dis pas que c’est agréable à entendre. Mais c’est un fait.
Il ne suffit pas de consommer, puis de s’en laver les mains en pensant que c’est "inévitable" et que seuls les "méchants" vont souffrir, parce que c’est faux. C’est faux et, accessoirement, c’est exactement l’attitude que les multinationales comme TF1 attendent de vous.