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Le cas Raphaël Cohen

11 octobre 2003, 15:17, par JDP

Sur kazaa en ce moment, 5 titres de Buxtehude

Pas mal...

Pourrais-tu nous rédiger, quand tu auras le temps et l’envie, un article sur le sujet (expérience de la Porte, conclusions sur la nature de la diffusion, et lieu premier de réalisation) ? Imagine que je suis un éditeur qui passe commande ! :))

Merci pour la proposition, mais je suis bien trop orgueilleux pour me laisser publier par qui que ce soit ;-)

Plus sérieusement, je me suis dit qu’il serait dommage dans ce contexte de ne pas évoquer rapidement un exemple particulièrement frappant où un auteur publie en accès libre sur le web, exemple à ma connaissance unique sur le web par son ampleur, celui de Raphaël Cohen.

Deux mots de contexte pour comprendre le sens du projet. Raphaël Cohen est né en 1938, il est d’origine juive égyptienne et vit à Paris. Il a étudié avec une succession de maîtres juifs de premier plan depuis l’enfance, et a lui-même accompli une vocation d’enseignement et de conseil au sein de la communauté juive française, tout en développant une oeuvre personnelle variée et abondante (il est aussi ingénieur diplômé de l’Ecole centrale de Lyon et a occupé divers postes à ce titre).

Il y a 10 ans il a rompu avec la communauté et ses rites (sans animosité, mais considérant que ça ne le concernait plus), et il est devenu, disons, un peu plus "écrivain" et un peu moins "maître juif", assumant pleinement son ouverture et sa liberté (qui sont exceptionnelles).

Il a publié une dizaine de livres (chez Buchet-Chastel, Bayard, etc.) ce qui représente une fortune éditoriale faible en regard de sa production, et a décidé il y a quelques années d’accepter un fonctionnement (que je lui ai proposé) de publication "en direct" sur un site web dédié. Le site comprend aujourd’hui plus de 7000 textes, et est mis à jour une fois par semaine.

Un aspect intéressant de cet exemple pour notre discussion, c’est que la circulation des textes y fonctionne réellement. L’auteur reçoit constamment des messages de lecteurs (plusieurs par jour), et apprécie ce contact. (Pour info, le site fait environ 70’000 pages vues par mois.)

Or ce qu’il écrit est éminemment difficile à "marketer" éditorialement, parce que c’est "trop libre" pour un public juif à cheval sur sa judaïté, et ça semble en général "trop juif" (références nombreuses à Tora, Talmud, Kabale et autres maîtres d’Israël) pour un public non-juif ou juif "assimilé" (plus farouchement laïque que tous les Gaulois).

C’est une bonne raison pour embrasser le web, une autre étant le rythme très soutenu de production (environ 50 textes / semaine), qui mettrait en défaut n’importe quel processus de publication papier, sauf à acheter une imprimerie dans ce seul but, et des hectares de forêt :-)

Raphaël Cohen n’est pas terriblement intéressé par les "débats", et n’utilise pas l’Internet dans ce sens. Mais il est, je crois (le mieux serait de lui demander), assez heureux de cette immédiateté, de cette simplicité, et de l’importance et de la constance des réactions. Mais je précise que ça demande, pour l’instant, une force exceptionnelle (qu’il a), une très grande confiance en soi (pas d’abri derrière l’éditeur, pas de reconnaissance classique, voire un certain mépris de la part d’esprits étroits), et du souffle !

Ainsi, le site, qui n’a pas de dimension économique (si ce n’est une revue mensuelle périphérique, plus spécialisée), peut être, je crois, d’ores et déjà considéré comme une réussite. Ca n’est pas un essai ou une spéculation : ça marche, ça publie beaucoup et sans arrêt depuis plusieurs années, ça engendre beaucoup de réaction, et ça satisfait, au moins en partie, un auteur de premier plan, qui l’a adopté aujourd’hui comme son lieu "naturel et premier" de publication.

Voir en ligne : Site Raphaël Cohen (7369 textes)