Un livre publié est le fruit d’un travail collectif
C’est exactement ce que nous disons. Et il est indéniable que, parmi ces nombreux métiers, certains aiment le travail bien fait.
Notre propos repose bien là-dessus : la défense du « livre » (comme pour le disque) ne concerne la défense du « purement culturel » que dans des proportions infimes. La question est bien celle de la survie (ou, plus certainement, l’évolution) d’un secteur économique. Ce qui n’est pas la même question, et ce qui est systématiquement travesti.
Non seulement la littérature ne représente qu’une activité très minoritaire du secteur du livre (secteur entier qui profite des mesures de prix unique, de taxation des photocopies, de la réduction de la TVA au détriment des autres produits sur laquelle la TVA n’est pas baissée...), et dans cette partie de l’activité du livre, la part des auteurs (qu’il faut défendre) est ultra-minoritaire.
Je viens de voir le « débat » sur la musique et le livre ce soir sur Antenne 2, c’est très marrant, on n’a parlé que des artistes et, côté livre, que de la littérature et en particulier des auteurs de littérature. Avec J.-M. Jarre venant expliquer qu’il fallait baisser la TVA européenne sur le disque, en invoquant Bach et Dostoeïvsky.
Au passage, vous avez dû mal lire : nous n’appelons pas à la mort du livre (nous en consommons personnellement un certain nombre), nous mettons en avant un certain nombre d’arguments qui sont systématiquement occultés (toujours dans le but de nous taxer des sous, à nous lecteurs-contribuables) et nous relativisons d’autres arguments omniprésents (comme le débat de ce soir sur le livre, le disque et la TVA, où l’on ne parle que d’auteurs de littératures).
Votre article ne concerne que les grands groupes.
Première nouvelle. Les équations économiques du livre sont-elles radicalement différentes, alors que les droits d’auteurs sont des pourcentages des ventes ?
J’ai l’impression que vous essayez d’introduire dans notre article une distinction entre une industrie cynique et des petits producteurs de bons petits produits qui aiment le métier. Pourquoi pas. Sauf que l’équation, pour l’auteur, est relativement la même. Ensuite, que le correcteur, le maquettiste, le graphiste et la secrétaire de rédaction soient passionnés par leur travail, ça n’est pas le propos (même si c’est tant mieux).
Dans votre schéma, il n’y a plus de libraires. Comment rêver d’un monde sans libraire ?
Je vois qu’on nage en pleine mythologie.
— Premièrement, que les libraires fassent bien leur boulot parce qu’ils aiment les livres, c’est tout de même bien le minimum vital : le libraire gagne, sur chaque livre, quatre fois plus que l’auteur.
— Le petit libraire en bas de chez soi, qui conseille les bons petits livres et tout ça, je veux bien ; de même que les bouquinistes qui vont vous chercher des machins invraisemblables sur les marchés... Mais de là à extrapoler, il y a un pas. Les libraires sont avant tout des commerçants (oui, qui aiment leur métier et tout et tout, je n’en doute pas ; mais qui ont les impôts et les charges à payer, aussi) ; alors ils font comme tout le monde : ils vendent les produits qui se vendent.
Le succès assuré par le libraire, vous me parlez de tirages à 200 exemplaires, là ? Le livre qui ne se vend pas, il encombre, alors il repart au bout de quelques mois chez l’éditeur et ensuite il passe au pilon. Le libraire, c’est vrai, il pleure les bons livres qu’il n’a pas vendu.
Donc, l’impact du libraire, non seulement c’est le métier pour lequel il est payé, de plus il est très relatif. Sinon les bons livres se vendraient, et les daubes ne se vendraient pas.
— Encore une fois, il me semble que c’est limiter le secteur de l’édition (qui profite, dans son ensemble, des discours autour de la création pure et belle, et de ses retombées en terme de taxations et autres avantages fiscaux) à la seule littérature. Le rôle des libraires, pour 80% de l’édition (et, dans le lot, il y a aussi une foule de petites maisons animées par des passionnés), cela consiste à passer la commande d’un livre qu’il n’a pas en stock.
— Il semble assez évident à tout le monde que, même avec une transition massive vers l’internet, l’objet livre ne disparaîtra pas de sitôt. Des petits libraires vachement sympas et tout et tout, il n’y a pas de raison qu’ils soient les premiers touchés par une évolution du métier d’auteur (puisque c’est bien de cela qu’il s’agit). À moins que l’activité du libraire sympa consiste à vendre beaucoup de livres mauvais pour pouvoir mettre en vitrine les petits bouquins qu’il aime et qui ne se vendent pas (oups ?).
— La grande distribution ne demande qu’à supprimer les intermédiaires ? Non : la grande distribution est un intermédiaire. Son but est de gagner en efficacité dans ce boulot, de faire pression sur le fabricant (l’éditeur) pour qu’il lui fasse gagner plus, de prendre des parts de marché aux concurrents, mais certainement pas de faire disparaître le processus industriel lié à l’objet livre, puisque c’est bien sur cet objet qu’elle repose.
Par ailleurs, publier un livre en même temps dans les librairies et sur Internet, en téléchargement, à un prix plus faible, se heurte au prix unique du livre.
Remarque pertinente.
Mais en quoi cela protège-t-il la « création » elle-même ? Sauf à confondre, selon le discours qui va bien, le circuit de distribution de l’édition et les ultra-minoritaires auteurs de littérature ?
Cette évolution bloquerait donc une évolution technique qui, associée à la transition du modèle traditionnel, pourrait bénéficier aux auteurs (plus d’autonomie, réévaluation des parts des droits, potentiellement plus de lecteurs...). On a évidemment le droit de s’en réjouir et de trouver que cela protège la « création ».
le numérique reste plus cher que l’impression traditionnelle
Et « bas » de l’échelle, le numérique autorise aussi ce qui était inimaginable récemment : les tirages quasi-uniques à des prix abordables.
Dans le processus industriel, l’outil informatique introduit des baisses de coûts à tous les niveaux et pour tous les tirages : composition moins chère, épreuvage moins cher, disparition progressive des films...
De nombreuses oeuvres n’existent que parce qu’un éditeur en a passé commande auprès d’un auteur.
Même en littérature, j’aimerais savoir quel pourcentage d’auteurs touchent des avances suffisantes.
Hors littérature, cela me semble encore plus discutable.
De plus, notre article est décomposé en deux parties, qu’on peut imaginer successivement dans une période de transition (destinée à autonomiser les auteurs le plus possible) : d’abord le passage à une diffusion par l’internet ; ensuite imaginer l’autonomie face à l’éditeur (ce qui est déjà une réalité, même en conservant le circuit de distribution classique, avec certaines bandes dessinées).
— Suggestion saugrenue : certains livres sont financés par des appels à contribution (ventes à l’avance d’un produit qui n’existe pas encore, donc). Qu’est-ce qui interdit, avec l’internet, de reproduire ce mécanisme ?
mais pourquoi en faire un modèle hégémonique ?
(Je passe ce qui précède, parce qu’évidemment il y a des gens dans le métier qui aiment leur boulot, sont des passionnés et tout ce que vous voulez. Je signale au passage qu’on peut tout de même imaginer des éditeurs passionnés travaillant en ligne, avec les auteurs qui le désirent, avec les lecteurs qui en ont besoin, etc. ; on peut aussi bien prétendre que les auteurs peuvent se regrouper pour s’entraider, ce qui revient à recréer une structure éditoriale propre à aider certains d’entre eux ou promouvoir la création...)
Où avez-vous lu de notre part l’imposition d’un modèle hégémonique ? Le modèle hégémonique, s’il existe, est bien le modèle traditionnel, avec un discours médiatique qui passe sous silence la condition réelle des auteurs, établit un lien indissoluble entre création et processus industriel, ne discute jamais le fait que tous les coûts des intervenants baissent sans jamais avoir profité aux auteurs ni aux lecteurs, etc.
Nous nous contentons ici de montrer les limites du discours médiatique (encore une fois, le « débat » ce soir sur Antenne 2 était une véritable parodie ; l’hégémonie d’une pensée prête à consommer était évidente) et de rappeler (parce que de nombreux auteurs et/ou éditeurs indépendants n’ont pas attendu le présent article pour expérimenter du côté du Web) qu’une évolution utilisant le nouvel outil technologique était parfaitement envisageable et, même, économiquement justifiable.
C’est exactement ce que nous disons. Et il est indéniable que, parmi ces nombreux métiers, certains aiment le travail bien fait.
Notre propos repose bien là-dessus : la défense du « livre » (comme pour le disque) ne concerne la défense du « purement culturel » que dans des proportions infimes. La question est bien celle de la survie (ou, plus certainement, l’évolution) d’un secteur économique. Ce qui n’est pas la même question, et ce qui est systématiquement travesti.
Non seulement la littérature ne représente qu’une activité très minoritaire du secteur du livre (secteur entier qui profite des mesures de prix unique, de taxation des photocopies, de la réduction de la TVA au détriment des autres produits sur laquelle la TVA n’est pas baissée...), et dans cette partie de l’activité du livre, la part des auteurs (qu’il faut défendre) est ultra-minoritaire.
Je viens de voir le « débat » sur la musique et le livre ce soir sur Antenne 2, c’est très marrant, on n’a parlé que des artistes et, côté livre, que de la littérature et en particulier des auteurs de littérature. Avec J.-M. Jarre venant expliquer qu’il fallait baisser la TVA européenne sur le disque, en invoquant Bach et Dostoeïvsky.
Au passage, vous avez dû mal lire : nous n’appelons pas à la mort du livre (nous en consommons personnellement un certain nombre), nous mettons en avant un certain nombre d’arguments qui sont systématiquement occultés (toujours dans le but de nous taxer des sous, à nous lecteurs-contribuables) et nous relativisons d’autres arguments omniprésents (comme le débat de ce soir sur le livre, le disque et la TVA, où l’on ne parle que d’auteurs de littératures).
Première nouvelle. Les équations économiques du livre sont-elles radicalement différentes, alors que les droits d’auteurs sont des pourcentages des ventes ?
J’ai l’impression que vous essayez d’introduire dans notre article une distinction entre une industrie cynique et des petits producteurs de bons petits produits qui aiment le métier. Pourquoi pas. Sauf que l’équation, pour l’auteur, est relativement la même. Ensuite, que le correcteur, le maquettiste, le graphiste et la secrétaire de rédaction soient passionnés par leur travail, ça n’est pas le propos (même si c’est tant mieux).
Je vois qu’on nage en pleine mythologie.
— Premièrement, que les libraires fassent bien leur boulot parce qu’ils aiment les livres, c’est tout de même bien le minimum vital : le libraire gagne, sur chaque livre, quatre fois plus que l’auteur.
— Le petit libraire en bas de chez soi, qui conseille les bons petits livres et tout ça, je veux bien ; de même que les bouquinistes qui vont vous chercher des machins invraisemblables sur les marchés... Mais de là à extrapoler, il y a un pas. Les libraires sont avant tout des commerçants (oui, qui aiment leur métier et tout et tout, je n’en doute pas ; mais qui ont les impôts et les charges à payer, aussi) ; alors ils font comme tout le monde : ils vendent les produits qui se vendent.
Le succès assuré par le libraire, vous me parlez de tirages à 200 exemplaires, là ? Le livre qui ne se vend pas, il encombre, alors il repart au bout de quelques mois chez l’éditeur et ensuite il passe au pilon. Le libraire, c’est vrai, il pleure les bons livres qu’il n’a pas vendu.
Donc, l’impact du libraire, non seulement c’est le métier pour lequel il est payé, de plus il est très relatif. Sinon les bons livres se vendraient, et les daubes ne se vendraient pas.
— Encore une fois, il me semble que c’est limiter le secteur de l’édition (qui profite, dans son ensemble, des discours autour de la création pure et belle, et de ses retombées en terme de taxations et autres avantages fiscaux) à la seule littérature. Le rôle des libraires, pour 80% de l’édition (et, dans le lot, il y a aussi une foule de petites maisons animées par des passionnés), cela consiste à passer la commande d’un livre qu’il n’a pas en stock.
— Il semble assez évident à tout le monde que, même avec une transition massive vers l’internet, l’objet livre ne disparaîtra pas de sitôt. Des petits libraires vachement sympas et tout et tout, il n’y a pas de raison qu’ils soient les premiers touchés par une évolution du métier d’auteur (puisque c’est bien de cela qu’il s’agit). À moins que l’activité du libraire sympa consiste à vendre beaucoup de livres mauvais pour pouvoir mettre en vitrine les petits bouquins qu’il aime et qui ne se vendent pas (oups ?).
— La grande distribution ne demande qu’à supprimer les intermédiaires ? Non : la grande distribution est un intermédiaire. Son but est de gagner en efficacité dans ce boulot, de faire pression sur le fabricant (l’éditeur) pour qu’il lui fasse gagner plus, de prendre des parts de marché aux concurrents, mais certainement pas de faire disparaître le processus industriel lié à l’objet livre, puisque c’est bien sur cet objet qu’elle repose.
Remarque pertinente.
Mais en quoi cela protège-t-il la « création » elle-même ? Sauf à confondre, selon le discours qui va bien, le circuit de distribution de l’édition et les ultra-minoritaires auteurs de littérature ?
Cette évolution bloquerait donc une évolution technique qui, associée à la transition du modèle traditionnel, pourrait bénéficier aux auteurs (plus d’autonomie, réévaluation des parts des droits, potentiellement plus de lecteurs...). On a évidemment le droit de s’en réjouir et de trouver que cela protège la « création ».
Et « bas » de l’échelle, le numérique autorise aussi ce qui était inimaginable récemment : les tirages quasi-uniques à des prix abordables.
Dans le processus industriel, l’outil informatique introduit des baisses de coûts à tous les niveaux et pour tous les tirages : composition moins chère, épreuvage moins cher, disparition progressive des films...
Même en littérature, j’aimerais savoir quel pourcentage d’auteurs touchent des avances suffisantes.
Hors littérature, cela me semble encore plus discutable.
De plus, notre article est décomposé en deux parties, qu’on peut imaginer successivement dans une période de transition (destinée à autonomiser les auteurs le plus possible) : d’abord le passage à une diffusion par l’internet ; ensuite imaginer l’autonomie face à l’éditeur (ce qui est déjà une réalité, même en conservant le circuit de distribution classique, avec certaines bandes dessinées).
— Suggestion saugrenue : certains livres sont financés par des appels à contribution (ventes à l’avance d’un produit qui n’existe pas encore, donc). Qu’est-ce qui interdit, avec l’internet, de reproduire ce mécanisme ?
(Je passe ce qui précède, parce qu’évidemment il y a des gens dans le métier qui aiment leur boulot, sont des passionnés et tout ce que vous voulez. Je signale au passage qu’on peut tout de même imaginer des éditeurs passionnés travaillant en ligne, avec les auteurs qui le désirent, avec les lecteurs qui en ont besoin, etc. ; on peut aussi bien prétendre que les auteurs peuvent se regrouper pour s’entraider, ce qui revient à recréer une structure éditoriale propre à aider certains d’entre eux ou promouvoir la création...)
Où avez-vous lu de notre part l’imposition d’un modèle hégémonique ? Le modèle hégémonique, s’il existe, est bien le modèle traditionnel, avec un discours médiatique qui passe sous silence la condition réelle des auteurs, établit un lien indissoluble entre création et processus industriel, ne discute jamais le fait que tous les coûts des intervenants baissent sans jamais avoir profité aux auteurs ni aux lecteurs, etc.
Nous nous contentons ici de montrer les limites du discours médiatique (encore une fois, le « débat » ce soir sur Antenne 2 était une véritable parodie ; l’hégémonie d’une pensée prête à consommer était évidente) et de rappeler (parce que de nombreux auteurs et/ou éditeurs indépendants n’ont pas attendu le présent article pour expérimenter du côté du Web) qu’une évolution utilisant le nouvel outil technologique était parfaitement envisageable et, même, économiquement justifiable.