> Commentaires et autres analyses sur le même sujet
7 octobre 2003, 19:50, par ARNO*
Bonjour,
Merci pour ces remarques, toutes de (très) bon sens.
Le prestige social lié au livre, oui, sans aucun doute. Au-delà des « grandes maisons » littéraires, on peut certainement aussi mettre en avant la fascination pour l’objet-livre, gratifiant en lui-même pour tous ceux qui y contribuent (pas seulement pour ceux qui l’achètent) : avoir ses textes dans un livre relié, même à trois exemplaires autoproduits, ça reste une source de fascination.
L’aspect extrêmement économique de notre article est incontournable : il s’agit bel et bien de rappeler que, dans tous les chiffres agités partout (et notamment au sujet du disque), le rôle de la « création » qui est toujours mis en avant, est en réalité une part extrêmement faible dse enjeux économiques. Que les auteurs aient du prestige, que l’argent n’est pas leur première motivation, etc., n’est absolument pas en contradiction avec le rappel que, lorsqu’on les met en avant dans les discours actuels, en réalité on parle d’un processus industriel qui représente 90% de l’activité réelle ; puisqu’on parle de « piraterie », malgré quelques sorties sur le droit moral (on « vole » moralement les auteurs), l’essentiel consiste en baisses des chiffres de vente, de manques à gagner, d’emplois menacés... or 90% de ces chiffres concernent le processus de fabrication du livre manufacturé, et non la « création » (et il n’est pas non plus inutile de rappeler par ailleurs que 80% de l’édition est consacrée à des livres « utilitaires », et non à de l’art-qui-n’est-pas-une-marchandise).
Nous n’avons pas signalé que, dans des domaines spécifiques tels que la bande dessinée, la question du passage « obligé » par l’éditeur est déjà battue en brèche. Une fois leur notoriété acquise, beaucoup d’auteurs montent leur propre structure pour limiter le prélèvement par l’éditeur et/ou pour s’assurer la liberté de publier : Astérix, Lucky Luke, Druuna... Dans l’édition, la redéfinition du rôle de l’éditeur et le rapport de l’auteur au processus industriel (qu’il souhaite contrôler directement) est déjà une réalité. L’internet ne peut qu’accentuer cette évolution, à laquelle les considérations économiques ne sont absolument pas étrangères.
« Les éditeurs seraient bien embêtés », c’est effectivement essentiellement suggéré, mais l’argumentaire de l’article tout entier va dans ce sens.
— Cela implique la remise à plat des contrats d’auteurs (comme indiqué, le coût industriel disparaissant, les parts des auteurs devraient grimper à au moins 50% du prix de vente). Pour un nouvel arrivant (Manuscrit.com), c’est facile ; pour les maisons existantes, la réécriture des contrats n’est jamais une priorité (puisque tout le monde adopte le contrat des autres maisons...).
— Surtout, le rôle même de l’éditeur est redéfini (c’est toute la seconde grande partie de l’article) : cette redéfinition peut être cruelle, voire fait perdre du prestige social.
— L’idée ici est de traiter le sujet de l’édition, moins sujet aux passions et aux pressions médiatiques, pour introduire ces questions, par analogie, avec l’indutrie du disque. Et là, on voit que, même lorsqu’on parle de vente de musique dématérialisée en ligne, la réévaluation du pourcentage des droits des auteurs est un sujet jamais abordé.
— Nous avons inséré au début une remarque (perfide) sur la baisse de tous les coûts de production depuis des années ; ce qui, mathématiquement, aurait dû faire augmenter la part des droits des auteurs dans le prix de vente du livre. On ne connait aucun éditeur qui se soit empressé de faire passer les droits de 8% à 15%...
L’objet-livre en tant qu’objet de coinvoitise. On achète un livre pour posséder un objet socialement gratifiant, pas pour le lire.
— Peut-être dans le cas de la littérature. Et encore, je ne partage pas totalement l’idée. Même sur les best-sellers, l’essentiel est de pouvoir avoir un avis dans les soirées (« qu’est-ce que tu penses du dernier Trucmuche ? »), pas de l’avoir sur la table quand on reçoit des amis. Cela concernerait plutôt le livre en tant que cadeau (offrir le dernier Trucmuche, et là, rien ne garantit qu’il sera lu).
— Mais pour les autres secteurs de l’édition (80%), c’est encore plus discutable : acheter un livre de cuisine, un traité de chimie générale ou un dictionnaire, pour ne pas le lire mais montrer à ses amis qu’on le possède (ou pour le plaisir de le posséder), ça ne doit pas représenter la plus grosse partie des ventes.
— Cette construction ne me semble pas le fruit du seul travail marketing des maisons d’édition, dont les moyens sont plutôt faibles de ce côté. Voir plutôt du côté de la presse spécialisée, pages Kultur, ou du côté des animations cuculturelles (remises de médailles en chocolat, académie des ceusses qui causent la France...).
Pour la phase de transition, entièrement d’accord. Il me semble que notre article se présente dans ce contexte (un auteur « peut »...), où autant les auteurs que les éditeurs se posent beaucoup de questions sur leurs méthodes de travail (et sur la définition de leurs métiers respectifs). Il s’agit cependant d’indiquer que, concernant le disque, certaines questions sont (violemment) écartées, alors que la transition est nettement plus avancées ; ces mêmes questions, dans le cadre de la transition du livre, sont plus légitimes.
Côté subventions, taxes, etc., c’est tout de même un point qui nous autorise à ramener les grandes considérations « artistiques » (c’est la culture qu’on assassine) à ses réalités économiques. Puisque les grands discours, très nobles, liés à l’impact de l’internet sur la culture, débouchent systématiquement sur des mesures économiques (identiques pour le livre et pour le disque).
Bonjour,
Merci pour ces remarques, toutes de (très) bon sens.
Nous n’avons pas signalé que, dans des domaines spécifiques tels que la bande dessinée, la question du passage « obligé » par l’éditeur est déjà battue en brèche. Une fois leur notoriété acquise, beaucoup d’auteurs montent leur propre structure pour limiter le prélèvement par l’éditeur et/ou pour s’assurer la liberté de publier : Astérix, Lucky Luke, Druuna... Dans l’édition, la redéfinition du rôle de l’éditeur et le rapport de l’auteur au processus industriel (qu’il souhaite contrôler directement) est déjà une réalité. L’internet ne peut qu’accentuer cette évolution, à laquelle les considérations économiques ne sont absolument pas étrangères.
— Cela implique la remise à plat des contrats d’auteurs (comme indiqué, le coût industriel disparaissant, les parts des auteurs devraient grimper à au moins 50% du prix de vente). Pour un nouvel arrivant (Manuscrit.com), c’est facile ; pour les maisons existantes, la réécriture des contrats n’est jamais une priorité (puisque tout le monde adopte le contrat des autres maisons...).
— Surtout, le rôle même de l’éditeur est redéfini (c’est toute la seconde grande partie de l’article) : cette redéfinition peut être cruelle, voire fait perdre du prestige social.
— L’idée ici est de traiter le sujet de l’édition, moins sujet aux passions et aux pressions médiatiques, pour introduire ces questions, par analogie, avec l’indutrie du disque. Et là, on voit que, même lorsqu’on parle de vente de musique dématérialisée en ligne, la réévaluation du pourcentage des droits des auteurs est un sujet jamais abordé.
— Nous avons inséré au début une remarque (perfide) sur la baisse de tous les coûts de production depuis des années ; ce qui, mathématiquement, aurait dû faire augmenter la part des droits des auteurs dans le prix de vente du livre. On ne connait aucun éditeur qui se soit empressé de faire passer les droits de 8% à 15%...
— Peut-être dans le cas de la littérature. Et encore, je ne partage pas totalement l’idée. Même sur les best-sellers, l’essentiel est de pouvoir avoir un avis dans les soirées (« qu’est-ce que tu penses du dernier Trucmuche ? »), pas de l’avoir sur la table quand on reçoit des amis. Cela concernerait plutôt le livre en tant que cadeau (offrir le dernier Trucmuche, et là, rien ne garantit qu’il sera lu).
— Mais pour les autres secteurs de l’édition (80%), c’est encore plus discutable : acheter un livre de cuisine, un traité de chimie générale ou un dictionnaire, pour ne pas le lire mais montrer à ses amis qu’on le possède (ou pour le plaisir de le posséder), ça ne doit pas représenter la plus grosse partie des ventes.
— Cette construction ne me semble pas le fruit du seul travail marketing des maisons d’édition, dont les moyens sont plutôt faibles de ce côté. Voir plutôt du côté de la presse spécialisée, pages Kultur, ou du côté des animations cuculturelles (remises de médailles en chocolat, académie des ceusses qui causent la France...).