> Un canard qui fait coin coin quand on appuie dessus
18 février 2003, 15:38, par Braz
Cet article racoleur m’a également laissé perplexe. Il faut d’ailleurs bien que j’avoue avoir acheté ce numéro uniquement à la vue du titre. Bien fait pour moi.
Bien entendu, nombreux sont ceux qui sont allé vérifier les propos tenus dans cet article. Pour ma part, en surfant sur le web, je me suis aperçu que le Canard n’est pas le premier à évoquer ce site raciste, puisque Libération en avait déjà parlé le 9 août dernier. Alors pourquoi le Canard s’y met-il, et pourquoi maintenant ? La faute à une actualité sociale ou internationale trop calme qui oblige à se rabattre sur de tels sujets-remplissage ? Il est permis d’en douter.
A mon sens, la véritable raison, c’est le projet de loi de flicage sur Internet prévu la semaine prochaine.. La technique est claire : le pouvoir en place suggère des sujets à la presse et on prépare le terrain médiatique pour mieux jouer de ses effets de manches lors des prochains « débats » : « Voyez ce que disait le Canard enchaîné l’autre semaine, on montre des horreurs à nos enfants… » Le but est en particulier de couper l’herbe sous le pied de tous ces gauchisses et autres foutus droits-de-l’hommisses, à l’aide d’arguments dégoulinants d’humanisme dévoyé pour faire gober des motifs moins avouables, cela ne date pas d’hier et ce n’est pas spécifiquement français : il faut attaquer l’Irak, sinon vous êtes pour l’oppression des peuples. Il faut supprimer l’ISF, sinon vous êtes pour le chômage. Il faut empêcher les partis minoritaires de placer des élus, sinon vous êtes pour le Front National. Il faut fliquer Internet, sinon vous êtes pour les sites racistes.
Or, le Canard enchaîné est un instrument idéal : c’est une référence publique, un organe indépendant. De plus, comme Charlie Hebdo, le Canard n’aime pas internet, car internet est un concurrent potentiel dans l’échange d’informations indépendantes des pouvoirs institutionnels. Le Canard n’apprécie donc que modérément les journalistes non encartés, car ils sont dangereux et seuls les vrais journalistes sont responsables. Les vrais journalistes ne traitent en effet que des sujets pertinents. Les vrais journalistes ne taisent jamais les informations importantes qu’ils détiennent. Les vrais journalistes ne sont jamais manipulés. Les vrais journalistes ne disent jamais n’importe quoi.
Pour ne citer qu’un exemple, le Canard n’a jamais révélé en temps utile Mazarine ni les menaces exercées sur Jean-Edern Hallier par le pouvoir élyséen. En cela, il n’est pas donc tellement différent de ses confrères et fait bien partie du sérail. Il suffit donc de suggérer au Canard un « bon sujet » 2 semaines avant un débat parlementaire et le tour est joué.
Depuis longtemps, on sait que le Canard est largement instrumentalisé. Le meilleur exemple en est la fameuse page 2, celle qui relate tous les potins du microcosme politique. C’est, paraît-il, la plus lue : en général, il s’agit des vacheries qu’Untel aurait proféré sur Machin, souvent de la même mouvance politique. En effet, il est impossible de dire publiquement du mal de son voisin ministre ou député UMP si vous êtes UMP, ou PS si vous êtes PS, car comme le disait récemment Arnaud de Montebourg « quand tu es dans l’opposition, c’est « cause toujours », et quand tu es dans la majorité, c’est « ferme ta gueule… » Alors l’exutoire consiste à proférer des petites phrases dans le Canard. Par exemple, cette semaine, on est prié de savoir que Luc Ferry a provoqué l’hilarité générale en conseil des ministres…Ou que Sarkozy pense que ceux qui ont milité pour la réforme du mode de scrutin aux régionales sont « des connards à courte vue ».Dont acte… Il faudrait être bien naïf pour s’imaginer que tous ces potins sont issus de fuites incontrôlées et que c’est un miracle de retrouver autant d’opinions croustillantes chaque semaine : c’est du vrai-faux off sciemment organisé où tout le monde trouve son compte.
Pour en revenir à notre site raciste, l’objectif (car c’est bien d’un objectif qu’il s’agit, même si çà ne marche pas toujours), c’est que l’article du Canard soit rapporté par les revues de presses matinales des radios nationales, car le Canard, hein, c’est toujours le top en matière de révélations. Ensuite, que l’info circule toute la journée en boucle. Puis que l’on ait l’un de ces débats radiophoniques en fin de journée, débats souvent complètement stériles mais où le sujet (« Internet, repère de fachos, etc ») aura eu le temps d’être bien rabâché. Enfin, le nirvana, dans cette mayonnaise médiatique, c’est un reportage complet au 20 h sur TF1 ou France 2. Il faut dire que ce processus a fort bien marché il y a 3 ans concernant Yahoo et les sites d’enchères nazis sur le web…
Si j’étais à la place des responsables de ce site raciste, j’embrasserais le Canard sur les 2 joues : on ne peut rêver d’une plus belle publicité. Car la difficulté n’est jamais de créer un site web, mais d’en assurer la promotion. Qu’il y ait sur internet quantité de sites racistes, pédophiles, négationnistes, cela n’a rien d’un scoop. Seulement, noyés qu’ils sont parmi tant d’autres, le tout est de les sortir de leur insignifiance crasse. On en demandait pas tant à un journal sans pub.
Ecrire qu’ « il est possible aujourd’hui de propager, en toute impunité, des opinions racistes, des incitations à la haine raciale, voire des appels au meurtres, en touchant, à chaque fois, des dizaines de milliers de personnes »….quand on cherche à contribuer à faire connaître ces mêmes opinions à des millions de personnes, dont un certain nombre à qui il fera chaud au cœur de savoir qu’elles ne sont pas seules à partager l’amour de la ratonnade, voilà une indignation bien paradoxale…Merci, canard boîteux, j’ai pour ma part découvert ici le comble de la maladresse et / ou du faux-cul journalistique.
Cet article racoleur m’a également laissé perplexe. Il faut d’ailleurs bien que j’avoue avoir acheté ce numéro uniquement à la vue du titre. Bien fait pour moi.
Bien entendu, nombreux sont ceux qui sont allé vérifier les propos tenus dans cet article. Pour ma part, en surfant sur le web, je me suis aperçu que le Canard n’est pas le premier à évoquer ce site raciste, puisque Libération en avait déjà parlé le 9 août dernier. Alors pourquoi le Canard s’y met-il, et pourquoi maintenant ? La faute à une actualité sociale ou internationale trop calme qui oblige à se rabattre sur de tels sujets-remplissage ? Il est permis d’en douter.
A mon sens, la véritable raison, c’est le projet de loi de flicage sur Internet prévu la semaine prochaine.. La technique est claire : le pouvoir en place suggère des sujets à la presse et on prépare le terrain médiatique pour mieux jouer de ses effets de manches lors des prochains « débats » : « Voyez ce que disait le Canard enchaîné l’autre semaine, on montre des horreurs à nos enfants… » Le but est en particulier de couper l’herbe sous le pied de tous ces gauchisses et autres foutus droits-de-l’hommisses, à l’aide d’arguments dégoulinants d’humanisme dévoyé pour faire gober des motifs moins avouables, cela ne date pas d’hier et ce n’est pas spécifiquement français : il faut attaquer l’Irak, sinon vous êtes pour l’oppression des peuples. Il faut supprimer l’ISF, sinon vous êtes pour le chômage. Il faut empêcher les partis minoritaires de placer des élus, sinon vous êtes pour le Front National. Il faut fliquer Internet, sinon vous êtes pour les sites racistes.
Or, le Canard enchaîné est un instrument idéal : c’est une référence publique, un organe indépendant. De plus, comme Charlie Hebdo, le Canard n’aime pas internet, car internet est un concurrent potentiel dans l’échange d’informations indépendantes des pouvoirs institutionnels. Le Canard n’apprécie donc que modérément les journalistes non encartés, car ils sont dangereux et seuls les vrais journalistes sont responsables. Les vrais journalistes ne traitent en effet que des sujets pertinents. Les vrais journalistes ne taisent jamais les informations importantes qu’ils détiennent. Les vrais journalistes ne sont jamais manipulés. Les vrais journalistes ne disent jamais n’importe quoi.
Pour ne citer qu’un exemple, le Canard n’a jamais révélé en temps utile Mazarine ni les menaces exercées sur Jean-Edern Hallier par le pouvoir élyséen. En cela, il n’est pas donc tellement différent de ses confrères et fait bien partie du sérail. Il suffit donc de suggérer au Canard un « bon sujet » 2 semaines avant un débat parlementaire et le tour est joué.
Depuis longtemps, on sait que le Canard est largement instrumentalisé. Le meilleur exemple en est la fameuse page 2, celle qui relate tous les potins du microcosme politique. C’est, paraît-il, la plus lue : en général, il s’agit des vacheries qu’Untel aurait proféré sur Machin, souvent de la même mouvance politique. En effet, il est impossible de dire publiquement du mal de son voisin ministre ou député UMP si vous êtes UMP, ou PS si vous êtes PS, car comme le disait récemment Arnaud de Montebourg « quand tu es dans l’opposition, c’est « cause toujours », et quand tu es dans la majorité, c’est « ferme ta gueule… » Alors l’exutoire consiste à proférer des petites phrases dans le Canard. Par exemple, cette semaine, on est prié de savoir que Luc Ferry a provoqué l’hilarité générale en conseil des ministres…Ou que Sarkozy pense que ceux qui ont milité pour la réforme du mode de scrutin aux régionales sont « des connards à courte vue ».Dont acte… Il faudrait être bien naïf pour s’imaginer que tous ces potins sont issus de fuites incontrôlées et que c’est un miracle de retrouver autant d’opinions croustillantes chaque semaine : c’est du vrai-faux off sciemment organisé où tout le monde trouve son compte.
Pour en revenir à notre site raciste, l’objectif (car c’est bien d’un objectif qu’il s’agit, même si çà ne marche pas toujours), c’est que l’article du Canard soit rapporté par les revues de presses matinales des radios nationales, car le Canard, hein, c’est toujours le top en matière de révélations. Ensuite, que l’info circule toute la journée en boucle. Puis que l’on ait l’un de ces débats radiophoniques en fin de journée, débats souvent complètement stériles mais où le sujet (« Internet, repère de fachos, etc ») aura eu le temps d’être bien rabâché. Enfin, le nirvana, dans cette mayonnaise médiatique, c’est un reportage complet au 20 h sur TF1 ou France 2. Il faut dire que ce processus a fort bien marché il y a 3 ans concernant Yahoo et les sites d’enchères nazis sur le web…
Si j’étais à la place des responsables de ce site raciste, j’embrasserais le Canard sur les 2 joues : on ne peut rêver d’une plus belle publicité. Car la difficulté n’est jamais de créer un site web, mais d’en assurer la promotion. Qu’il y ait sur internet quantité de sites racistes, pédophiles, négationnistes, cela n’a rien d’un scoop. Seulement, noyés qu’ils sont parmi tant d’autres, le tout est de les sortir de leur insignifiance crasse. On en demandait pas tant à un journal sans pub.
Ecrire qu’ « il est possible aujourd’hui de propager, en toute impunité, des opinions racistes, des incitations à la haine raciale, voire des appels au meurtres, en touchant, à chaque fois, des dizaines de milliers de personnes »….quand on cherche à contribuer à faire connaître ces mêmes opinions à des millions de personnes, dont un certain nombre à qui il fera chaud au cœur de savoir qu’elles ne sont pas seules à partager l’amour de la ratonnade, voilà une indignation bien paradoxale…Merci, canard boîteux, j’ai pour ma part découvert ici le comble de la maladresse et / ou du faux-cul journalistique.