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> Mythologie du plagiat

15 avril 2004, 16:32, par Escape

Article touffu comme seuls en produisent des irresponsables. Bon, sérieusement, va falloir que j’en fasse plusieurs relectures et que je consulte les sources données, grr...

Néanmoins il me vient une question assez immédiate. Distinguer entre l’oeuvre et l’opération, c’est-à-dire en somme entre quelque chose qui est sans vraiment contenir de parole (un tableau, une statue, une cruche) et quelque chose qui est de l’ordre de la parole (mon bouquin, que personne ne peut énoncer en mon nom, sans mon consentement) --- cette distinction est précisément possible à Kant parce qu’il ne dispose pas d’une notion d’information contemporaine de Turing, Markov ou Kolmogorov (en clair : de l’informatique moderne).

De nos jours, non seulement l’énergie et la matière ne font qu’un, mais on distingue entre la matière-énergie et l’information, la première permettant, par un jeu entropique, d’exprimer la seconde.

Or, prenons un objet culturel qui nous est maintenant familier, un programme d’ordinateur. C’est un fichier, c’est-à-dire une séquence de caractères (ou d’octets, ou de bits, ne finassons pas). C’est donc un objet informationnel. Informationnellement parlant, c’est l’équivalent d’un texte, et d’ailleurs les gens qui programment et ceux qui composent des poèmes en Perl ont vraiment tendance à voir ça comme une sorte de texte.

On peut certes débattre de savoir si c’est réellement un texte au sens sociologique ou sémiotique du terme (communique-t-il quelque chose à quelqu’un ? établit-il une relation entre deux êtres humains ? etc.) D’un point de vue purement ingéniéral, un programme helloworld.c est, tout autant qu’un brulôt de Martin Luther ou qu’une sourate du Coran, quelque chose de l’ordre du texte.

Et cela se voit encore à ceci qu’on peut opérer par manipulations discrètes sur son substrat, lui-même organisé discrètement, et que l’on peut le copier, le modifier, l’augmenter, ou effacer des symboles. Je ne fais même pas mention du caractère unidimensionnel (les linguistes disent "linéaire") de la chaîne de surface.

Donc, reprenons. A l’époque de Kant, il y a d’un côté des statues, avec tout ce qu’elles ont de bien évidemment matériel, continu, et non textuel (nous ne nous intéressons qu’à l’objet et pas au discours dessus ni aux émotions à propos), et d’autre part des libelles, des placards, des parodies, des prognostications, des tractatus, etc., qui sont symboliques, discrets, textuels.

Certes. Mais lorsqu’on dispose d’une technologie qui permet de créer des oeuvres dont le substrat est isomorphe à celui d’un texte (un film Flash par exemple), la distinction ci-dessus ne tend-elle pas à s’abolir ?

Aussi, bien que les raisons sociologiques que Lirrespe lève soient un lièvre réel, je pense qu’il se pose un réel problème de "nosologie" voire même d’ontologie pour savoir où caser précisément certaines oeuvres hybrides qui sont intermédiaires entre le programme et le texte, ou entre l’objet et le programme. Que des intérêts économiques puissants profitent du merdier résultant pour tirer la couverture à eux ne diminue pas ce problème de fond et la nécessité de l’aborder avec soin et clarté.

Voir en ligne : Un site où les objets de base sont des hybrides de poème et de programme