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> Eveil informatique en CE2

4 décembre 2002, 13:35, par Skolé

Ne se trompe-t-on pas de débat ? La distanciation est un état d’esprit plus particulièrement inhérent à certaines classes sociales, qui la pratiquent en permanence. Elles peuvent se le permettre parce qu’elles vivent dans des conditions matérielles d’aisance qui facilitent et favorisent l’aisance intellectuelle elle-même. Elles ont intérêt à le faire car elle leur permet de rester à la place où elles se trouvent.

D’autres vivent dans des conditions matérielles où la distance est impossible ou inexistante tant la survie est une préoccupation constante. Penser et abstraire supposent un état de non nécessité qui laisse le loisir (en grec : skolé) de s’y adonner.

Ces deux exemples sont extrêmes et on rencontre à l’école, pour l’essentiel, ce qui se trouve entre les deux. Encore que je connais des quartiers où l’on tend à se rapprocher du deuxième cas de figure, où le deuxième cas de figure ne fait pas figure d’exception.

Certes, la prise de distance entre l’objet, l’usage de l’objet et la nature de l’objet est essentielle à la maîtrise de son environnement. Pour dominer il faut être dans la capacité intellectuelle de prendre cette distance, de relativiser, de comparer, d’analyser et de saisir ce qu’il y a de concret derrière l’apparence. Mais certes aussi, l’école n’a pas, hic et nunc, pour fonction principale de fabriquer des dominants et se contente assez bien de justifier les dominations. Les titres scolaires, comme le rappelait si justement Bourdieu, n’ont pas fini de remplacer les titres nobiliaires, les titres scolaires n’ont pas fini de justifier les positions sociales.

En soi donc, l’exercice cité par Tirésias est du plus haut académisme et il convient d’applaudir. Il est essentiel de former les enfants à la distanciation. Malheureusement, on ne forme à la distanciation que les enfants qui disposent a priori des conditions de développement (et non d’acquisition) des facteurs de distanciation.

En mettant une note l’école ne crée pas les conditions d’acquisition de cette distanciation si nécessaire. En mettant une note l’école évalue une position dans un système de connaissances (dans un système de justifications). En mettant une nouvelle note elle s’auto-justifie dans son évaluation de l’enfant par rapport à ce système de justification. En continuant à mettre des notes elle justifie que l’enfant occupe la place qu’il occupe, pas seulement à l’école mais dans tout l’univers où cette note a valeur de référence. Comme disait Aristote, s’ils sont esclaves c’est parce qu’il était dans leur nature d’être esclaves.

L’informatique, plus particulièrement accessible à ceux qui ont les moyens de se la payer est un nouveau champ de distinctions entre ceux qui la banalisent à domicile et prennent de la distance vis-à-vis de l’objet et ceux qui la manipulent à l’école sans oser manifester la frustration de ces instants trop rares où ils sont comme les autres.

Inutile donc de s’énerver. Continuons le combat.