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> Pseudo-critique

23 octobre 2002, 16:53, par Maryse

Je suis totalement d’accord avec toi, cette bande dessinée est dégradante pour les femmes, enfin dégradante tout court. J’espère que tu n’as pas acheté cette nullité, dix minutes dans une librarie ont amplement suffit à m’écoeurer à jamais de ce freluquet. Le godemiché téléphonique que le personnage principal de Rester Normal donne à sa mère comme cadeau de Noël afin "de concilier 2 activités essentielles de la femme moderne" est une autre image ignoble de ce mysogine qui contribue à perpétuer le cliché que nous sommes toutes des putains babillardes comme lui.

Quant au "style" de notre gode-lureau, pouah ! L’exemple suivant dans le site de Tremblay sur Gendron est très révélateur de l’appauvrissement du style lors du maquillage des emprunts :

"De même la Bible (ce florilège d’allégories orientales révisées par des pharisiens gréco-chrétiens) n’est-elle pas l’un des premiers almanachs visant à manipuler les masses : elle est bourrée de truismes qui réconfortent les simples d’esprit en mal de directives." (Titre à suivre, p. 30)

"AIMEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES", "PRENEZ ET MANGEZ-EN TOUS CAR CECI EST MON CORPS", "PARDONNEZ-LEUR, ILS NE SAVENT PAS CE QU’ILS FONT", "LES DERNIERS SERONT LES PREMIERS", "AU COMMENCEMENT ETAIT LE VERBE" — ah non, ça c’est de son père)." (99 Francs, p. 94)

L’analyse de Tremblay sur ce passage ne figure pas dans le texte de Laimé, la voici :

"Le narrateur de « Titre à suivre » soutient que la Bible est l’un des premiers almanachs visant à manipuler les masses et Octave cite de nombreux slogans du Christ faisant maintenant partie du patrimoine culturel occidental. La religion est une forme de pub visant à leurrer le commun des mortels et les deux narrateurs s’appuient sur ce constat pour dénoncer cette grand-messe qu’est devenue la pub. Encore une fois l’idée de base est la même, la situation est similaire et elle est exprimée dans un langage comparable mais avec un accent légèrement différent : le narrateur de « Titre à suivre » s’exprime sur un ton caustique avec ses propres mots, tandis qu’Octave offre une variation banale du mode narratif de la même idée en répétant tout simplement les paroles du Christ sur un ton ironique."

Décidemment c’est une marotte chez notre cabotin médiatique en carte de répéter les paroles des autres ! Mais puisque Gendron avait déjà bien mieux exprimé ce que Beigbeder cherchait à dire (la similitude entre les manipulations de la religion et celles de la publicité), là où Gendron propose une réflexion cuisante dans un style haut en couleurs Beigbeder ne fait que reprendre la même idée en noircissant du blanc avec des lettres majuscules empruntées. Contrairement à l’intervenant te précédent, je pense que l’étude comparative de Tremblay tient très bien la route. Il ne s’agit pas de commentaires enlisés dans des préjugés mais une étude sérieuse basée sur les textes et avec de très nombreux exemples précis et révélateurs des techniques de maquillage utilisées dans 99 Francs. La gode-plume de Tremblay a profondément pénétré recto-verso les détails de la structure d’un nombre accablant d’emprunts et de camouflages. Bravo !

"Les feintes et les camouflages en littérature sont nombreux." (Gide)