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> Petit guide typographique à l’usage de l’internet

3 août 2002, 10:02, par Phynette

Vous me semblez au contraire pile poil dans le sujet. En effet, ces sacrés noms à particule soulèvent des questions. Mais leur règle est un peu délicate, car sur certains points les principaux codes typo ne s’entendent pas :

- La particule de, des, du, d’ est toujours en minuscule (bas de casse). Même si elle figure seule sans le prénom - voir plus bas : "On alla chercher de Thou", "un message de de Gaulle" (eh oui), "un poème de du Bellay" (ces deux derniers cas appartenant à la typo traditionnelle, voir deux paragraphes plus loin).

- Oui mais (c’est ça le "plus bas"), la prononciation de la particule a lieu en cas de citation du nom complet avec le prénom ou la qualité (le prince de Condé ; Françoise Athénaïs de Mortemart, comtesse de Sévigné ; le duc de Guise ; Jacques de Voragine) quand on se réfère indirectement à un personnage à particule, celle-ci est omise excepté quand le nom n’est constitué que d’une seule syllabe. C’est ainsi qu’on continuera de faire référence à de Thou, de Guise (Albe pour le duc d’Albe, toutefois, à cause de l’élision), tandis qu’on écrira "Rohan a fait rosser Voltaire", "Grignan a épousé la fille de la marquise de Sévigné". Littré préconisait le maintien de cette particule devant les noms d’une syllabe mais l’usage a penché vers la suppression. Comme dit le code typo de l’IN, "c’est le contexte qui décide".

Attention, autre point par lequel le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale diffère du code typographique traditionnel : si le premier préconise "la mort de Du Guesclin" et "un poème de Du Bellay", le second n’ajoute pas de capitale de différenciation : donc "la mort de du Guesclin". C’est l’usage le plus courant.

Sur ces points-là, je pense qu’il est mieux de copier ce paragraphe de l’excellent dictionnaire d’orthographe Jouette (paru chez Robert), ça mettra les choses au point à défaut de les simplifier :

"[On doit mettre une initiale minuscule] à la particule nobiliaire "de" : monsieur de Chateaubriand ; un portrait de la du Barry ; à ce moment, de Gaulle arrivait ; il reconnut de Mun lisant les mémoires de de Retz. Certains mettent quelquefois la capitale à la particule lorsqu’elle s’applique aux noms d’une syllabe - ceux qu’on n’énonce jamais sans la particule : on dit "Lamartine", mais on ne dit pas "Thou" -, mais cette exception ne se justifie pas.

"Les écritures de Gaulle et De Gaulle sont employées. La seule correcte est : de Gaulle, comme il est porté sur l’acte de naissance du général et sur le faire-part de M. et Mme Henri de Gaulle, ses parents.

"Particularité : le président De Brosses (1709-1777).

"Les particules "du" et "des" sont capricieuses. On trouve : Joachim du Bellay, monsieur des Lourdines, madame du Deffand, Charles Du Fresnoy, Bonaventure Des Périers, le chevalier Des Grieux.

"Dans un dictionnaire, ces noms sont placés à la première capitale du nom (Bellay, Du Fresnoy).

"Si la particule ne désigne plus une personne, on lui met la capitale : la société De Dion-Bouton, le croiseur De Grasse."

- en cas de particule suivie d’un article défini, on écrira : monsieur de La Rochefoucaud, la comtesse de La Motte, le comte de L’Étoile. (En référence indirecte cet article ne tombe pas, donc on écrira La Rochefoucauld, La Motte, L’Étoile).

Votre feeling est juste, excepté pour monsieur le comte, qui reste nom commun, qu’on s’adresse au gentilhomme dans un dialogue ou qu’on se réfère à lui indirectement ("Tout est au duc, ici, monsieur, tout est au duc !"). Bien entendu, en correspondance, pour des raisons d’étiquette, on verra souvent des capitales là où l’usage typo n’en met pas (tout cela fait très méthode de correspondance des années 30, avec formules pour écrire au pape, à un archevêque, etc.).

À noter enfin qu’un usage français peu commenté, en voie de disparition depuis le début des années 90, autorise qu’on cite un nom (à particule ou non) sans le prénom quand il s’agit d’un homme (Sartre, Mitterrand) mais qu’on conserve le prénom quand le nom d’une femme est cité. On lisait très rarement, naguère, "un spectacle de Bausch" [Pina], "Cresson [Edith] a encore fait une gaffe". On imprimait de préférence "Pina Bausch" et "Edith Cresson", ou même "Mme Edith Cresson". Or cette déférence n’existe pas en anglais, où les noms sont privés de leur prénom indistinctement pour les hommes et les femmes. En imitation de l’usage journalistique anglo-américain, le prénom féminin s’est mis à glisser de plus en plus jusqu’à disparaître assez souvent (pas encore de façon générale mais c’est une tendance qui croît). Personnellement je trouve cela hideux. Il s’agit là d’un véritable exemple d’anglicisation du français, beaucoup plus que l’adoption de "ketchup" ou "home video". Or, comme cet usage galant français est plus une marque de politesse subtile qu’une véritable règle lexicale, son rétablissement ou son abandon est à la discrétion du correcteur.