des deux contradictions (avec des citations de Debord)
14 juin 2002, 20:28, par Lirresponsable
salut,
Si vous êtes vous-même un média, comment expliquez-vous que votre production web, uZine, ne soit pas de nature médiatique ?
Bein tout dépend du concept de media que tu appliques pour classer l’objet (savoir si un site web est un média ; cf. ma réponse à l’intervenant anonyme). Tu as ainsi des sites web de nature médiatique (tf1.fr par exemple). Et un article d’un site web n’est pas tout le site qui n’est pas tout le web.
comment nous faire croire qu’une boulangerie ne fabrique pas du pain ?
La question, pour restituer le sens de l’analyse, est plutôt : es-tu une boulangerie parce que tu fabriques ton pain à la maison et que tu le partages (snif) lors d’un repas (tu sais avec tes vieux potes, Judas, Jean, etc.) ? :))
Autrement dit l’identité du produit (ou sa similitude quand le pain maison n’est pas bon) ne suppose pas l’identité des manières d’organiser la production et de la nature des échanges. Tu ne vas pas dire à tes invités : j’ai produit ce pain, vous me devez tant, z’êtes bien gentils mais la farine je l’ai pas gratos et vous savez combien ça coûte un four, etc.
Une boulangerie (artisanale) ne fabrique pas que du pain. D’ailleurs à un premier niveau, si on regarde les produits, on constate la présence de friandises, de viennoiseries, pâtisseries, parfois un peu d’épicerie pour le petit déjeuner (jus d’orange, confiture), etc. Pourquoi ? Sans doute à cause du CA et des bénéfices. (Tout comme un grand cinema vend plus de la confiserie que du cinéma). Donc paradoxalement, on pourrait dire qu’une boulangerie assure son existence économique en vendant autre chose que du pain (produit d’appel/produit sur lequel on réalise un bénéfice).
Mais au delà de la facilité à énumérer les produits (afin de montrer qu’un produit spécifique est déjà dans un ensemble de produits), la boulangerie produit une certaine forme de socialisation : par exemple les petits vieux qui achètent exprès leur pain à midi, et discutent ad nauseam de la cuisson souhaitée, et que finalement ils vont prendre une demi-baguette, et que madame Machin bein son mari il a des problèmes de santé, etc. Ce qu’en politique, on appelle le « commerce de proximité » qui « humanise l’espace urbain et le vivifie » et où « existe un espace inter-générationnelle de dialogues et de rencontres ». Cela produit aussi (cette consommation de pain) des écoles pour former les boulangers, etc.
Donc l’évidence de l’argument : la définition de la structure (la boulangerie) par le produit type (le pain), cette focalisation sur le lien par le type de produit (site web= média de masse, car infotainment) masque en gros la division sociale du travail et l’organisation économique. Et encore, je ne parle pas de la production industrielle du pain. :))
Mais la contradiction de votre article c’est qu’en dénonçant les rouages du spectaculaire comme vous le faites, vous les utilisez aussi,
Pour dire « non-A », tu utilises « A » et « non ». Un langage dialectique dans sa forme comme dans son contenu, comme disait l’autre.
transformant la critique d’un système en extension contestataire mais intégrée du système, torpillant par la même la crédibilité de l’analyse.
Là c’est autre chose : l’extension, l’intégration, le torpillage.
Le reproche évident : ils utilisent des photos pour illustrer mais en fait c’est pour strictement les mêmes motifs que ceux qui les produisent (en gros : le cul fait vendre, de l’audience, attire l’attention). Je suis d’accord avec toi : l’iconographie ou l’illustration sont parfois des prétextes ; par exemple : « Scandale : on trouve des photos de femmes nues sur Internet : notre sélection ». Là de quoi s’agit-il ? Pas d’une indignation morale hypocrite, pas de commerce. Reste donc l’effet visuel : cela attire l’oeil et parodie la recette commerciale (on écrit au début de l’article : « avec des photos de gens tous nus dedans et des citations de Baudrillard autour » ; et franchement sur Usenet, il y a des photos plus érotiques).
D’autre part, ces images conduisent justement à s’interroger sur la crédibilité de l’article. Illustration de la thèse, au delà du plaisir pris par les auteurs à les utiliser dans cet article. :)
malgré vous en produit du système que vous critiquez, c’est-à-dire en information/réflexion divertissante, spectaculaire...
En quoi cet article est intégré au Système ? Parce qu’il reprend des codes de communication au lieu d’utiliser des phrases numérotées ? Dans cet article, (qui n’est pas tout le web mondial, encore une fois :)), nous ne critiquons pas NakedNews en disant : « ouh le vilain infotainment ! ». Nous disons, en gros hein, qu’un exemple d’infotainment a une utilité pédagogique, il permet de se défaire d’une l’illusion : l’importance de l’information médiatique.
Autrement dit : il est la propre vérité de la contradiction globale. C’est une expérience à tenter bien-sûr, comme toute vraie épreuve spirituelle. :))
Si notre article a une vertu « informative » et reste « divertissant »,plaisant, tant mieux. Peut-on lui appliquer la notion de Spectacle ?
« 24 Le Spectacle est le discours ininterrompu que l’ordre présent tient sur lui-même, son monologue élogieux. C’est l’auto-portrait du pouvoir à l’époque de sa gestion totalitaire des conditions d’existence. L’apparence fétichiste de pure objectivité dans les relations spectaculaires cache leur caractère de relation entre hommes et entre classes : une seconde nature paraît dominer notre environnement de ses lois fatales. »
Une autre citation :
« 200 C’est ainsi que Boorstin trouve pour cause des résultats qu’il dépeint la malheureuse rencontre, quasiment fortuite, d’un trop grand appareil technique de diffusion des images et d’une trop grande attirance des hommes de notre époque pour le pseudo-sensationnel. Ainsi le spectacle serait dû au fait que l’homme moderne serait trop spectateur. Boorstin ne comprend pas que la prolifération des "pseudo-événements" préfabriqués, qu’il dénonce, découle de ce simple fait que les hommes, dans la réalité massive de la vie sociale actuelle, ne vivent pas eux-mêmes les événements. C’est parce que l’histoire elle-même hante la société moderne comme un spectre, que l’on trouve de la pseudo-histoire construite à tous les niveaux de la consommation de la vie, pour préserver l’équilibre menancé de l’actuel temps gelé. »
D’où l’intérêt de construire soi-même ses histoires.
l’infotainment est donc un parfait pléonasme, en plus d’être un néologisme même pas de chez nous.
salut,
Si vous êtes vous-même un média, comment expliquez-vous que votre production web, uZine, ne soit pas de nature médiatique ?
Bein tout dépend du concept de media que tu appliques pour classer l’objet (savoir si un site web est un média ; cf. ma réponse à l’intervenant anonyme). Tu as ainsi des sites web de nature médiatique (tf1.fr par exemple). Et un article d’un site web n’est pas tout le site qui n’est pas tout le web.
comment nous faire croire qu’une boulangerie ne fabrique pas du pain ?
La question, pour restituer le sens de l’analyse, est plutôt : es-tu une boulangerie parce que tu fabriques ton pain à la maison et que tu le partages (snif) lors d’un repas (tu sais avec tes vieux potes, Judas, Jean, etc.) ? :))
Autrement dit l’identité du produit (ou sa similitude quand le pain maison n’est pas bon) ne suppose pas l’identité des manières d’organiser la production et de la nature des échanges. Tu ne vas pas dire à tes invités : j’ai produit ce pain, vous me devez tant, z’êtes bien gentils mais la farine je l’ai pas gratos et vous savez combien ça coûte un four, etc.
Une boulangerie (artisanale) ne fabrique pas que du pain. D’ailleurs à un premier niveau, si on regarde les produits, on constate la présence de friandises, de viennoiseries, pâtisseries, parfois un peu d’épicerie pour le petit déjeuner (jus d’orange, confiture), etc. Pourquoi ? Sans doute à cause du CA et des bénéfices. (Tout comme un grand cinema vend plus de la confiserie que du cinéma). Donc paradoxalement, on pourrait dire qu’une boulangerie assure son existence économique en vendant autre chose que du pain (produit d’appel/produit sur lequel on réalise un bénéfice).
Mais au delà de la facilité à énumérer les produits (afin de montrer qu’un produit spécifique est déjà dans un ensemble de produits), la boulangerie produit une certaine forme de socialisation : par exemple les petits vieux qui achètent exprès leur pain à midi, et discutent ad nauseam de la cuisson souhaitée, et que finalement ils vont prendre une demi-baguette, et que madame Machin bein son mari il a des problèmes de santé, etc. Ce qu’en politique, on appelle le « commerce de proximité » qui « humanise l’espace urbain et le vivifie » et où « existe un espace inter-générationnelle de dialogues et de rencontres ». Cela produit aussi (cette consommation de pain) des écoles pour former les boulangers, etc.
Donc l’évidence de l’argument : la définition de la structure (la boulangerie) par le produit type (le pain), cette focalisation sur le lien par le type de produit (site web= média de masse, car infotainment) masque en gros la division sociale du travail et l’organisation économique. Et encore, je ne parle pas de la production industrielle du pain. :))
Mais la contradiction de votre article c’est qu’en dénonçant les rouages du spectaculaire comme vous le faites, vous les utilisez aussi,
Pour dire « non-A », tu utilises « A » et « non ». Un langage dialectique dans sa forme comme dans son contenu, comme disait l’autre.
transformant la critique d’un système en extension contestataire mais intégrée du système, torpillant par la même la crédibilité de l’analyse.
Là c’est autre chose : l’extension, l’intégration, le torpillage.
Le reproche évident : ils utilisent des photos pour illustrer mais en fait c’est pour strictement les mêmes motifs que ceux qui les produisent (en gros : le cul fait vendre, de l’audience, attire l’attention). Je suis d’accord avec toi : l’iconographie ou l’illustration sont parfois des prétextes ; par exemple : « Scandale : on trouve des photos de femmes nues sur Internet : notre sélection ». Là de quoi s’agit-il ? Pas d’une indignation morale hypocrite, pas de commerce. Reste donc l’effet visuel : cela attire l’oeil et parodie la recette commerciale (on écrit au début de l’article : « avec des photos de gens tous nus dedans et des citations de Baudrillard autour » ; et franchement sur Usenet, il y a des photos plus érotiques).
D’autre part, ces images conduisent justement à s’interroger sur la crédibilité de l’article. Illustration de la thèse, au delà du plaisir pris par les auteurs à les utiliser dans cet article. :)
malgré vous en produit du système que vous critiquez, c’est-à-dire en information/réflexion divertissante, spectaculaire...
En quoi cet article est intégré au Système ? Parce qu’il reprend des codes de communication au lieu d’utiliser des phrases numérotées ? Dans cet article, (qui n’est pas tout le web mondial, encore une fois :)), nous ne critiquons pas NakedNews en disant : « ouh le vilain infotainment ! ». Nous disons, en gros hein, qu’un exemple d’infotainment a une utilité pédagogique, il permet de se défaire d’une l’illusion : l’importance de l’information médiatique.
Autrement dit : il est la propre vérité de la contradiction globale. C’est une expérience à tenter bien-sûr, comme toute vraie épreuve spirituelle. :))
Si notre article a une vertu « informative » et reste « divertissant »,plaisant, tant mieux. Peut-on lui appliquer la notion de Spectacle ?
« 24 Le Spectacle est le discours ininterrompu que l’ordre présent tient sur lui-même, son monologue élogieux. C’est l’auto-portrait du pouvoir à l’époque de sa gestion totalitaire des conditions d’existence. L’apparence fétichiste de pure objectivité dans les relations spectaculaires cache leur caractère de relation entre hommes et entre classes : une seconde nature paraît dominer notre environnement de ses lois fatales. »
Une autre citation :
« 200 C’est ainsi que Boorstin trouve pour cause des résultats qu’il dépeint la malheureuse rencontre, quasiment fortuite, d’un trop grand appareil technique de diffusion des images et d’une trop grande attirance des hommes de notre époque pour le pseudo-sensationnel. Ainsi le spectacle serait dû au fait que l’homme moderne serait trop spectateur. Boorstin ne comprend pas que la prolifération des "pseudo-événements" préfabriqués, qu’il dénonce, découle de ce simple fait que les hommes, dans la réalité massive de la vie sociale actuelle, ne vivent pas eux-mêmes les événements. C’est parce que l’histoire elle-même hante la société moderne comme un spectre, que l’on trouve de la pseudo-histoire construite à tous les niveaux de la consommation de la vie, pour préserver l’équilibre menancé de l’actuel temps gelé. »
D’où l’intérêt de construire soi-même ses histoires.
l’infotainment est donc un parfait pléonasme, en plus d’être un néologisme même pas de chez nous.
exact, tu vois que cet article est utile ! :))