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> Le client : constantes et innovations...

5 décembre 2001, 10:37

Bonjour,

En utile complément d’information. Des extraits d’un article transmis by courtesy de la présidente d’Iris. Article reproduit dans le bulletin de Véronique Gallais (Action Consommation "Agir par la consommation et agir pour consommer autrement" - pour s’abonner :

bulletin@actionconso.org

"Les personnes en difficulté sont les premières victimes des incitations à dépenser à tout prix. Le bonheur est un concept vendeur.

Avez-vous remarqué ? La rentrée scolaire est aussi la période de promotion dans les supermarchés. Pas des promotions sur les cahiers ou les crayons, mais plutôt sur les télévisions ou les magnétoscopes dont le prix avoisine - quel hasard - le montant de la prime de rentrée scolaire. Face à ce genre d’incitations à consommer, les familles en difficulté se retrouvent piégées entre l’envie de céder à la tentation et la frustration de ne pouvoir se payer l’objet convoité.

Comme toutes les "catégories sociales", les bas revenus constituent une bonne "cible" pour réaliser du profit plus ou moins honnêtement. Un bon arsenal d’arnaques à la consommation leur est d’ailleurs presque réservé comme les offres ou les aides à l’emploi trompeuses ou les activités lucratives à domicile. Evoluant souvent à la limite de la légalité, le crédit à la consommation et les différents systèmes de cartes de crédit jouent les pousse-au-crime. (...) Les taux exorbitants (de 15% à 19% par an) piègent souvent les consommateurs qui savent mal gérer leur nouveau gadget. Principal vecteur de cette fièvre acheteuse, la publicité s’intéresse activement aux populations défavorisées.

Aux Etats Unis par exemple, des firmes comme Nike ou BMG ciblent les jeunes Noirs des quartiers pauvres avec de nouvelles méthodes comme le "branding" ou le "bro-ing" qui consistent à activer le bouche-à-oreille sur les prototypes de chaussures ou sur des albums de hip-hop. Face à l’efficacité de la chose, un concepteur de Nike se félicitait de voir que, pour les jeunes, sa marque "occupe la première place dans leur vie - la deuxième va à leur copine". En quelques décennies, la publicité et le marketing ont contribué à l’évolution de l’idée de bonheur. Aujourd’hui, les messages véhiculés valorisent l’avoir et non l’être. Le geste de consommer est toujours présenté positivement, même lorsqu’il s’agit de surconsommation ou lorsqu’il peut avoir des effets destructeurs sur la planète. Mais le plaisir du consommateur est toujours de courte durée puisqu’une fois acheté, l’objet de son désir se périme extrêmement rapidement.

Pour fonctionner, l’économie a besoin de vendre toujours plus, le marketing a donc pour but d’entretenir la frustration et l’insatisfaction permanente. Pour les plus démunis qui y sont sensibles, cela ne fait que renforcer le sentiment d’exclusion économique ou les pousser à consommer au-dessus de leurs moyens.

Comment échapper à ce discours ? En une trentaine d’années, la publicité a phagocyté la télévision où elle n’est apparue qu’en 1968. Aujourd’hui, tous les programmes sont conçus en fonction des annonceurs et de l’Audimat. (...) Dans les pays développés, chaque individu est soumis à 2500 messages publicitaires par jour tous médias confondus. Parmi cette foule d’informations agressives, on estime qu’une infime quantité (5%) a une chance d’atteindre un client potentiel. Pourtant, les dépenses publicitaires mondiales n’ont cessé de croître de manière vertigineuse depuis les années cinquante et devraient atteindre 494 milliards de francs en 2001. Les stratégies des grands groupes de communication visent de plus en plus à analyser et à modifier les comportements des individus, y compris en investissant l’espace privé.

Les biens de consommation possèdent aujourd’hui une valeur culturelle qui dépasse leur valeur d’usage. Le besoin social est toujours plus exigeant et transforme le superflu en nécessaire absolu. Les représentations valorisantes poussent les personnes en difficulté à s’identifier à de bons consommateurs, pas à des gestionnaires de petits budgets. La restriction permanente est de toute façon perçue comme insupportable et conduit à des comportements compensateurs basés sur la dépense.

Cette logique conduit à délaisser le paiement de l’électricité, du gaz ou des loyers, à contracter crédit sur crédit ou même de faire l’objet d’une tutelle aux prestations familiales. Le modèle consommateur promet le maintien dans le groupe social aux petits revenus. Mais, en se laissant convaincre de le réaliser, ces derniers ne font que reproduire ou même aggraver les inégalités.

L’accroissement du chômage et de la précarité n’a pas ébranlé le discours médiatique de surconsommation. Incités à envier un mode de vie aisé, les exclus de l’économie sont les êtres invisibles d’un monde idéal : celui de la publicité."

Les spécialistes du budget.

"(...) les familles délaissent souvent les dépenses essentielles pour que leurs enfants puissent avoir des marques, un téléphone portable... Pour Gaëlle, le rôle de la conseillère est "d’aider les gens à équilibrer leur budget. Mais pour que cela soit vivable, il faut toujours laisser une part pour des dépenses par plaisir." Et Djamila de conclure : "Nous ne portons jamais de jugement sur les situations. Les gens que nous recevons ont souvent les mêmes envies que les nôtres."

Source :

"Convergences", (mensuel du Secours populaire français) - septembre 2001.