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> Un vent mauvais sur nos libertés

26 novembre 2001, 11:45, par Zakouski

Extraits du discours prononcé par M. Francis Teitgen,

Bâtonnier de l’Ordre des Avocats à la Cour de Paris

le vendredi 16 novembre 2001

Terrorisme contre démocratie

" En tant que collectivité d’avocats, nous ne pouvons tomber en cette première année du 3ème millénaire dans la grande peur de l’an 1000.

Nous devons rappeler, toujours et partout, avec calme et détermination, que le droit est un instrument de lutte des démocraties contre le terrorisme.

[…]

La force des démocraties, victorieuses dans la guerre, est de n’avoir pas succombé à la tentation de vae victis. Elles ne se satisfont pas d’exécutions sommaires, quand bien même il s’agit d’auteurs des crimes les plus abominables. Elles affirment leurs valeurs comme les meilleures armes contre l’horreur des camps, l’holocauste et la dictature.

[…]

Tous les avocats du monde tiennent aujourd’hui un discours difficile qui est celui de la force du droit. Nous ne sommes pas sûrs que ce discours soit audible. Nous ne sommes pas certains qu’il soit compris par tous et chacun. Mais c’est notre mission que de marteler ces vérités-là, et c’est parce que c’est difficile que nous l’oserons.

[…]

Sécurité et liberté

Nous sommes encore inquiets parce que nous sentons revenir sur le devant de la scène une idéologie sécuritaire qui souffle comme un mauvais vent.

[…]

S’il n’y a pas assez de policiers pour arrêter les auteurs des infractions, ce n’est pas que la loi est mauvaise, c’est parce qu’il n’y a pas assez de policiers pour arrêter les auteurs des infractions.

S’il est légitime que des syndicats dénoncent le manque de moyens, il est illégitime qu’un corps républicain dénonce la loi.

Il est encore illégitime de vouloir, faute de moyens, privatiser partie d’un service public.

Oui, un mauvais vent souffle, celui qui nous replonge vingt ans en arrière, lorsque l’on opposait sécurité et liberté.

[…]

Menaces contre la présomption d’innocence

Les lois de libertés, comme celle sur la présomption d’innocence, sont dans le même temps durement attaquées.

Par un curieux syllogisme, certains déclarent dans leurs discours que la loi du 15 juin 2000 est bonne, que l’on n’a pas les moyens de l’appliquer, et que dès lors la solution s’impose : il faut abroger la loi.

Elle a pourtant été votée quasiment à l’unanimité par le Parlement. Elle est l’expression souveraine du peuple.

[…]

Mais ce n’est pas parce que les moyens d’application de la loi manquent que la loi elle-même est mauvaise.

Mais au-delà, et peut-être surtout, il n’est pas possible que des magistrats, même s’exprimant à travers leurs syndicats, mettent en doute la loi et laissent entendre qu’ils ne l’appliqueront pas.

Il est là encore légitime que les syndicats de magistrats revendiquent les moyens d’application de la loi. Sur ces revendications nous, Avocats, sommes à leurs côtés.

[…]