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> Apologie du Don à l’étalage

9 septembre 2004, 14:39, par Kazyam

Pour ma part, j’ai été enthousiaste à la lecture de cet article. Le don à l’étalage, c’est génial !!!

Ne montre pas trop de mépris à l’égard de ces petites pratiques qui font du bien Romain. Et ne te lance trop vite pas dans des grandes phrases du genre : « L’article oppose "commerce" avec "gratuité". C’est une faute sémantique grave… Quand on commence à mal employer les mots, on finit par ne plus comprendre ce qu’ils veulent dire... »

Individu créatif de mon état, j’adore donner…
CV : j’ai donné des concerts de chant et de piano, composé et travaillé à l’IRCAM, vendu ou donné plusieurs toiles de peinture (dont 1 imprimée sous forme de télécarte), des photos, des dessins, réalisé des vidéos (dont certaines pionnières – comme celle à l’origine des films et des reportages homo dans les années 90), j’ai écrit des livres pour d’autres (en tant que « nègre ») et j’écrit couramment pour des associations, des poésies pour mes belles, des nouvelles pour mes amis…
Je me suis souvent fait escroquer par les milieux de l’édition et autres. Mais j’ai généralement fait des choses gratuitement hors cadre commercial.
Ce n’est pas la rancœur qui me fait conspuer le système commercial. J’adore donner et je suis fatigué d’entendre : « il faut bien vivre », « il faut que l’art rapporte », « il faut faire valoir ses œuvres », « il faut faire de la valeur ajoutée »…
C’est vrai : il faut, il faut, il faut… Mais commençons par prendre du plaisir à vivre pour que la création ne soit pas une obligation laborieuse. Et si tant est que l’artiste doive souffrir pour créer des choses profondes, qu’il relève des défis autres que ceux de devenir riche et célèbre. Transcender l’art, faire jouir de ses œuvres autrui : voilà des défis qui méritent d’être relevés !!
Devenir riche et célèbre – comme fruit de son excellence, soi-disant – c’est foutaise ! Ca signifie : « bouffe le nez du voisin car il n’y aura pas de place pour tout le monde » ! Il y a de la place pour tout le monde – et de la motivation pour faire de grandes œuvres à ne plus savoir qu’en faire !
Aménager autant que vous voudrez le monde capitaliste. Je ne suis pas contre, au contraire. Mais calmos à l’égard de ceux qui regardent dans des directions plus « cristallines ». Concevez qu’il puisse y avoir plusieurs fronts : c’est ce qu’on appelle la diversité des luttes !

Et ne crois pas, Romain, que mes œuvres ne puissent pas avoir un jour un impact culturel pour autant. Seulement, ce n’est pas directement mon problème.

L’art qui est appelé, en fait, à devenir le summum, c’est à mon avis l’art de se faire soi-même. Faire de soi une œuvre d’humanité, voilà un défi au-delà de tout défi. Le pire c’est qu’il n’entre à la base dans aucun cadre marchant ! Le pire, c’est que c’est non seulement un défi artistique, mais aussi un défi spirituel, technique et scientifique ! C’est en développant cet art – et seulement ainsi – que la société pourra passer ce cap difficile de son histoire.

Les autres arts ont épuisé, à mon avis, leur critère d’universalité en épuisant leur critère d’innovation. Quand une partition est vide, une toile ou une photo est blanche, un livre sans une ligne, on peut dire qu’une limite extrême est atteinte. C’est le commerce qui a repris ces critères (universalité, innovation), vidant la notion d’art de sa substance. (Un phénomène identique se produit aujourd’hui dans la science : elle devient la sous-discipline de la technologie). L’art refleurira au niveau local, de porte à porte, d’ami à ami…

Le commerce nous stérilise. À trop miser dessus nous allons disparaître dans le néant – ce même néant qui a marqué la fin de l’innovation artistique…

Vive le DAE ! Vive l’interférence qui, je l’espère, deviendra la référence ! Vive le réseau de solidarité entretenu et renforcé par des petites initiatives personnelles, génératrices d’un nouveau terreau !

KY